Accomplir les mitzvot, ça ne suffit pas ?

Briewski
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mar 21/07/2015 - 23:00

Réponse à la réponse de ma question n° 78373.

Cher monsieur, merci de votre réponse mais vous ne répondez pas vraiment à ma question, du moins, vous évitez la réponse directe.

Le judaïsme n'est pas tant une religion qu'un peuple, je suis d'accord - et là est toute l'ambiguïté de notre tradition. Cependant, si l'accomplissement des mitsvots est "l'un" des aspects de notre judaïsme, alors, que sont les autres ? Vous dites que "ce n'est pas seulement ça", mais alors, pourquoi ne pas lister les autres aspects ? Je me souviens d'un prof de français qui disait toujours : "Lorsque vous mettez dans une dissertation : "etc.", c'est que vous ne savez pas ce qu'il y a après ce que vous venez d'énumérer." Je trouve ça assez parlant.

Comparer le judaïsme à un peuple est vrai, mais problématique. Car un peuple se définit sous plusieurs aspects (que j'énumère) : les représentations communes (les institutions), la loi, la figure du chef, l'envie d'appartenance, et pour certains autres théoriciens : le droit du sol.

Or, suivant cette définition stricte du "peuple", je peux devenir français si je reconnais les institutions françaises, si j'observe la loi, si j'ai envie de partager mon identité avec les autres, et si je vis sur le sol français.

Vous voyez où je veux en venir : comparer le judaisme à un peuple, c'est obligatoirement faire la comparaison avec d'autres peuples - or, dans ce cas, c'est la pratique qui l'emporte sur la théorie (même pour se faire nationaliser, il suffit de prouver que l'on travaille sur le sol de la nation depuis un certain temps, et donc que l'on pratique un certains nombres de "commandements").

De plus, votre deuxième analogie, celle avec la famille, est toute aussi problématique. Si j'invite l'un de mes camarades non-juifs et qu'il veut manger du porc, il n'en trouvera pas à la maison, il se forcera à ne pas en manger par respect pour nous. Et donc il n'y aura pas cette "brisure d'intimité" puisque, au contraire, l'invité participe à cette intimité.

Je vous demande dès lors de préciser votre réponse en vous basant uniquement sur l'autorité de la Torah, car je n'explique toujours pas cette question épineuse - qui en appelle une seconde, pourquoi un examen pour devenir juif si Ruth l’aïeule de David était Moabite et a pu se convertir avec une seule parole et... un acte ?

Rav Samuel Elikan
mer 22/07/2015 - 16:06

Shalom,
Avec plaisir.

Je crois pour ma part avoir répondu à votre question, du moins j'ai essayé, sincèrement.
Oui, le Peuple Juif est un Peuple, avec tout ce que cela implique : une culture, une tradition, des symboles, une terre - la Terre d'Israël.

J'ai écrit "etc." parce qu'il y a de nombreux autres éléments qui sont les signes du Peuple Juifs, tant dans l'héritage historique (parfois traumatisant) que dans le message que nous devons véhiculer à l'humanité et qui nous dépasse bien souvent, ainsi que dans des signes "nationaux" plus distinctifs, comme ces trois là que notent nos Sages (TB Yevamot 69a) : emplis de pitié, timides et bons, accomplissant de bonnes actions. (Cela est même tranché par la halah'a, c'est-à-dire qu'il y a une retombée pratique au fait d'avoir ces trois signes - cf. Rambam, hil. Issourei Bia 19,17).

Je suis bien d'accord avec vous, voir le judaïsme comme un Peuple (et non pas le comparer (sic), parce qu'il s'agit bien d'une nation) permet la comparaison avec d'autres peuples. Toutefois, je ne comprends pas votre conclusion : "dans ce cas, c'est la pratique qui l'emporte sur la théorie" ? Que voulez-vous dire ?
Il est clair que l'acceptation des commandements fait partie intégrale de la conversion, c'est même une condition sine qua non, car lorsqu'on veut entrer dans le Peuple Juif, on accepte son patrimoine, la Parole Divine, les commandements (TB Beh'orot 30b).

Mais accomplir les commandements sans avoir la volonté ou l'intention de faire partie du Peuple Juif ne me rend pas juif... Si toutes les personnes au monde ayant subi une circoncision devaient être juive, on aurait un problème identitaire plutôt grave...

Je n'ai jamais dit que la parole suffisait, mais qu'elle est nécessaire. Comme chez Ruth.
Il faut, comme vous le dites si bien, une parole exprimant une volonté d'intégrer le Peuple Juif - on doit affirmer devant un tribunal rabbinique que l'on veut devenir juif, et un acte - l'immersion au Mikveh et, préalablement, pour les hommes, la Brit Mila.

Accomplir les commandements sans cette procédure là ne peut pas me rendre juif, ne peut pas me faire intégrer le Peuple, ce serait aberrant.
Par ailleurs, mais ne le dites pas trop fort, certains, comme le Rambam, pensent que si le fait d'exprimer devant le tribunal rabbinique qu'on accepte les commandements a été oublié lors de la procédure, cela ne rend pas caduque, a posteriori, la conversion (hil. Issourei Bia 13,17). C'est peut-être dire que la parole vaut moins que l'acte, du moins a posteriori. Toutefois il n'empêche que son avis n'est pas l'avis généralement partagé par les autres décisionnaires et même selon lui, a priori, la parole de l'acceptation des commandements est indispensable...

Il y a là un véritable processus à respecter sans quoi tout cela n'a plus de signification.
J'espère vous avoir répondu.
Pour plus d'informations, je vous invite à lire le livre du rabbin Ghertman : "Une identité juive en devenir", paru aux éditions Lichma (http://editionslichma.com/fr/159-une-identit%C3%A9-juive-en-devenir-.ht…).

Cordialement,