Kolelman hors la loi?

caracara
Profile picture for user caracara
mer 22/06/2016 - 23:00

Pour tempérer ce que les gens pensent de l'avis du Rambam sur l'étude sans travail, voici une réponse récente du Rav Watteneberg sur techouvot.com :

"Je sais que l’exemple de Maïmonide est choyé par ceux qui veulent s’ériger contre le système du Kollel , pensant pouvoir prouver de Maïmonide que l’idéal serait d’être médecin et d’étudier lors des temps libres, mais il faut savoir que Maïmonide n’est devenu médecin que sur le tard et « contre » sa volonté.

En fait il était essentiellement KOLLELMAN !!!

Je m’explique ;
à l’époque il n’y avait pas de kollel , mais Maïmonide ne travaillait pas, il étudiait à plein temps et vivait grâce à un accord « Yissa’har-Zevouloun » ; c-à-d qu’un mécène partageait ses revenus avec lui contre une part dans le mérite de son étude.
Et c’est ainsi que le Rambam a vécu durant des années et aurait souhaité en vivre bien plus.
Malheureusement son mécène décéda en se noyant lors d’un naufrage, ce qui força notre Rambam à « sortir du kollel » pour travailler.

Vous vous étonnerez qu’il n’ait pu trouver un autre mécène, mais il faut savoir que les Zevouloun sont denrée rare.

Qui est suffisamment convaincu de ce que l’étude d’un Rambam peut apporter au judaïsme entier pour des siècles AVANT que ce Rambam ne devienne le « Rambam connu de tous » ?

Pour nous c’est facile, pas de doute que si l’occasion se présentait aujourd’hui de sponsoriser un « futur Rambam » beaucoup sauteraient sur cette chance incroyable.

Mais de son vivant, ça n’intéressait personne.

Et c’est tristement souvent ainsi, probablement est-ce voulu par D… afin qu’il ne soit pas si facile au Zevouloun d’accéder à cette chance.
Ça se mérite de partager la Thora d’un Rambam .

Et ce n’est pas le seul, à chaque génération on trouve des talmidei ‘ha’hamim qui sortent du lot mais qui manquent de moyens pour vivre décemment, et le fait est qu’il est extrêmement rare qu’un « Zevouloun » comprenne qu’il a sous les yeux l’occasion unique d’être inscrit dans la chaîne de transmission de la Thora depuis le Sinaï jusqu’à la génération du Messie.

Voyez par exemple le Tour –Rabbi Yaakov Baal Atourim- le fils du Rosh , celui sur lequel le Shoul’han Arou’h est basé grâce à son code de lois écrit au XIVème siècle, s’il était possible de le sponsoriser et de s’inscrire par cela dans la liste des sauveurs de la Thora, des transmetteurs de son enseignement au générations suivantes, qui (ayant les moyens) le refuserait ?

Et pourtant, de son vivant ce Baal Atourim vivait dans une pauvreté extrême qui allait jusqu’à l’empêcher d’accomplir pleinement certaines mitsvot.
Pas parce qu’il fût de ceux qui refusent la tsedaka systématiquement, non, il vivait d’aumône , mais dans quelles conditions humiliantes !

Voyez ce qu’il écrit dans le Tour Ora’h ‘Haim §242 .
Il y écrit avoir demandé plusieurs fois à son père –le Rosh - s’il devait manger à shabbat uniquement comme en semaine étant donné qu’il n’a pas de quoi vivre et qu’il vit seulement d’aumône.

Même lui ! Même pour le Tour personne n’était prêt à se bouger.

Et pourtant il vivait en Espagne au tout début du XIVème siècle, époque où il y avait de nombreux juifs très riches.

Je suis sûr que ces juifs devaient donner beaucoup de tsedaka, et certainement pouvaient-ils aussi regretter de ne pas avoir eu l’occasion d’entretenir financièrement certains Gueonim ou Amoraïm du Talmud qui étaient excessivement pauvres comme Raba, Abayé ou Rav Kahana et tant d’autres, mais le maillon de la chaîne de la transmission de la Thora de leur génération, il l’avaient sous les yeux et se sont contenté de lui lancer quelques pièces pour qu’il puisse manger un peu de pain, mais pas plus.

Vous me direz que pour le Rambam , il y en a eu au moins un qui s’est rendu compte de l’occasion en or qui se présentait à lui.

C’est vrai, mais sachez que le mécène de Maïmonide n’était autre que son propre frère David .

Et après son décès, il n’en a pas trouvé d’autre.

C’est là que Rambam est devenu médecin (d’abord du vizir, puis assez rapidement du sultan Saladin et de sa famille).

Donc, il ne souhaitait pas devenir médecin, il l’est devenu par la force des choses et aurait souhaité rester Kollelman plus longtemps.

Maïmonide était un rabbin -non un médecin- de carrière.
Et il ne serait jamais devenu LE Rambam s’il avait été depuis sa jeunesse un médecin qui travaille toute la journée comme il l’a été une fois âgé.

Je ne dis pas qu’il est impossible de faire médecine et de devenir un talmid ‘ha’ham, l’Histoire nous prouve le contraire
[ et même de nos jours nous avons des exemples comme le Rav Yelloz de la synagogue de la rue du Faubourg Saint-Martin
(il faut cependant reconnaître qu’être le fils du grand Rabbi Shlomo Yelloz –auteur du Asher lishlomo - peut être d’une aide considérable dans ce cas)] ,
mais l’Histoire nous le prouve aussi pour horloger ou cordonnier.

Néanmoins ce n’est pas en se lançant dans des études de médecine qu’on met les chances de notre côté de devenir un Talmid ‘Ha’ham.

Par conséquent je ne retiendrais pas l’exemple de Maïmonide , je me contenterais de dire qu’être médecin est compatible avec une vie de bon juif -mais pas souvent de talmid ‘ha’ham."

Rav Samuel Elikan
jeu 23/06/2016 - 08:51

Shalom,

Merci de votre contribution.

Tout cela est vrai. Etudiant moi même - be'avonot - dans un kollel, je ne peux qu'acquiescer...

Il n'empêche que malgré l'authenticité de ces considérations biographiques, le Rambam écrit bel et bien qu'il y a un idéal dans le fait de travailler... (cf. son comm. de la Mishna Avot 4,5; hil. Talmud Torah 3,10 et Kessef Mishneh, ad loc.).

Le fait d'utiliser le Rambam comme "argument" contre l'étude rétribuée n'est d'ailleurs pas nouveau.

Voyez les propos éloquents du Rashbetz dans ses responsa (t. I, §142-148) qui ne manque pas de noter que tout le monde n'est pas le médecin du roi, pour pouvoir se permettre d'étudier sans être payé...

Lorsqu'on lit les lettres du Rambam, on ne peut que s'étonner d'une telle affirmation, il décrit une situation très pénible, où il arrive à peine à dormir - et il ne faut donc pas dire étudier - tellement il a de travail... Les gens le sommant du matin au soir, attendant devant sa porte !

Je vous invite encore à regarder les propos du Rav Y. Kapah' dans son commentaire sur le Rambam (cité plus haut), et le H'efetz Hashem du Rav H'ayim Ben Attar sur TB Berah'ot 8a, s.v. gadol.

Cordialement,