Conversation 14159 - Et a part manger, on fait quoi?

Anonyme
Dimanche 29 février 2004 - 23:00

pourquoi toutes les mitsvot de pourim sont en rapport avec la nouriture: le repas de pourim, le vin, les micheloah manot, matanot laevionim? la nouriture est elle si importante pour le judaisme?

Rav Benjamin David
Mardi 2 mars 2004 - 23:00

je vous propose un autre titre plus PORIMIQUE: "J'ai bien mangé j'ai bien bu, j'ai la peau du ventre bien tendue, ..."

Les mitsvot de Pourim tournent principalement autour de la boisson et de la nouriture : le devoir de faire un repas copieux et de boire du vin jusqu'à en perdre la tête, de distribuer des mets à nos amis et de l'argent au pauvres le jour même, afin qu'ils puissent, eux aussi, s'acheter à boire et à manger. Cette fête semble donc être une fête centrée sur le culinaire et où le spirituel, détaché du matériel, est relégué à l’arrière-plan.
Le Maharal de Prague explique la raison pour laquelle la nouriture et la boisson, qui symbolisent la matérialité, sont mises en valeur à Pourim. Aman, descendant de Amalek, était était l'un des précurseurs de la théorie des races. La guerre d'Aman n'est pas une guerre idéologique contre une torah spirituelle qui dérangerait les autres formes de pensée. Le but d'Aman n'est pas de convertir les juifs afin de sauver leur âme. Son but, c'est "l'extermination de tous les juifs, des jeunes aux vieux, les nourissons et les femmes en un jour." Même lorsque les juifs sont dispersés entre les 127 états et peuples du royaume, ils en sont malgré tout distincts et forment un "peuple", malgré cette dispersion. Il faut donc les rechercher où qu'ils soient, et les éliminer, car "ils ne respectent pas les lois du Roi". Ils sont en train de fomenter une insurrection dans différents centres du royaume ! Un véritable "Protocole des Sages de Sion"! C'est pour cette raison que le mot Israël, qui représente le fondement spirituel du peuple, ne figure pas dans la méguila. Le seul terme qui revient sans cesse est le mot "Jude" – yéhoudi – car c'est de cette manière que nous apparaissons aux yeux des goyim.
Pour Aman, l'existence juive est un fléau qu'il faut éliminer. Pour nous, l'existence juive est une réalité que nous devons affirmer et réaliser, également par le fait de boire et de manger. Etre juif, ce n'est pas appartenir à une religion, un courant de pensée ou une idéologie, mais appartenir à un peuple tout ce qu'il y a de plus concret, fait d'enfants, de femmes et de vieillards. Il existe bien une façon de "manger en juif", c'est-à-dire partager notre repas avec notre famille, nos amis, nos pauvres, et affirmer par cela que nous sommes un peuple.
Aman avait raison : la notion de juif existe dans chaque cellule de notre corps. Il ne suffit pas de convertir un juif pour effacer son existence. "Car un juif, bien qu'il ait fauté, reste juif".
Il n'existe pas deux Israël : un Israël matériel (nous, les juifs) et un Israël spirituel (les chrétiens, qui se disent héritiers du message spirituel divin), comme l'affirme la chrétienté. Il n'existe qu'un seul Israël fait de chair et d'os et de spiritualité. La différence avec Aman, c'est que nous considérons que D-ieu est également le créateur de la réalité matérielle d'Israël. Le juif n'a donc pas pour but de se retirer du monde matériel et de s'enfermer dans un couvent, mais de découvrir la présence divine qui existe dans chaque atome, dans chaque cellule de notre existence.
Pourim n'est pas l'antithèse de Yom Kippour, mais sa complémentarité. Le jour de Kippour, le juif ne mange pas, ne boit pas. Ce jour là, il concentre toute son attention sur la part spirituelle de son être. La téchouva vient par une annulation du Yetser Hara, qui fait dévier l'homme du droit chemin par la tentation du corps. Pourim n'est pas le contraire de Yom Kippour, mais une réinstallation de l'homme dans sa réalité : un homme qui vit sur terre, dans un corps, et avec lequel il doit réaliser une grande oeuvre : révéler sur cette terre la présence divine. C'est pour cette raison que la tradition nous enseigne que dans le monde futur, toutes les fêtes s'annuleront sauf Yom Kippour et Pourim. Donc, "kippourim", c'est comme Pourim. C'est également pour cette raison que cette fête tombe juste avant Pessah, où les juifs sortent de Galout (et donc d’une judaïté plus spirituelle que matérielle) pour retourner sur leur terre et créer un temple (bien concret) afin de créer une société d'enfants, de femmes et de vieillards". C’est seulement dans leur pays, vivant pleinement une vie de juifs, qu’ils peuvent réaliser la jonction entre Pourim et Kippour : dévoiler la présence divine dans chaque parcelle de matérialité.