Conversation 15303 - Commemoration de la Shoa

foueche
Mercredi 14 avril 2004 - 23:00

Chalom

Pourquoi fait-on le deuil du omer pour les 24 000 élèves de Rabbi Akiva z"l mais pas pour les 6 000 000 de Juifs morts pendant la shoah?
A ce que je vois, à part Yom Hashoa qui a été instauré par des non-Juifs, il n'existe rien pour marquer le deuil des victimes de la shoah

Que pensez vous de cela?
Kol tov

Rav Elie Kahn z''l
Jeudi 12 avril 2007 - 12:24

Il y a de petites erreurs dans l'énoncé de votre question, mais celle-ci est très pertinente.
Ce ne sont pas les non Juifs qui ont institué Yom Hashoa mais le parlement israélien qui a fixé le 27 Nissan comme Yom Hazikaron laShoa velaGuevoura, Jour du souvenir de la Shoa et de la bravoure. Nous n'entrerons pas ici dans la question de savoir si le choix de la date était judicieux (la réponse est à mon sens négative). Une autre journée a été fixée par le Grand Rabbinat d'Israel, journée dans laquelle on récite le Kaddiche.
Il y a donc, tout au moins dans les communautés religieuses sionistes, deux dates dans l'année où l'on commémore la Shoa. Dans les communautés non religieuses, cela ne se fait qu'une fois dans l'année. Et dans les communautés religieuses non sionistes, pas de commémoration.
Comment ces dernières justifient-elles cet état de chose?
Je citerai ici deux auteurs qui traitent du problème.
Le H'azon Ich (Kovets Igrot, 1; 93) estime que nous n'avons pas l'autorité d'instituer de nouvelles commémorations, et qu'il faut qu'il y ait des prophètes pour cela. Comment une génération aussi basse que la nôtre pourrait-elle se permettre une telle innovation, demande-t-il?
J'ai du mal à accepter l'opinion du H'azon Ich. D'ailleurs, au cours des temps, les générations passées, même après l'époque des prophètes, jusqu'à il y a peu, ont commémoré de manière religieuse les évènements qui ont jalonné leur histoire. C'est ainsi que l'on a institué un jeûne le 21 Sivan après une affaire de meurtre rituel qui a coûté la vie à la communauté juive de Blois, jeûne qui a été reconduit de génération en génération, et qui vint plus tard commémorer d'autres évènements (comme les pogroms de Chmelinski). A mon sens, l'opinion du H'azon Ich manque d'envergure historique.
Je préfère de loin celle du Rabbi de Slonim (Haharouga Aleikha) qui écrit que commémorer la Shoa avec les mêmes symboles que l'on retrouve dans les autres commémorations serait la réduire, la placer au même niveau que les autres catastrophes subies par le Peuple Juif. Nous ne possédons pas le langage, nous n'avons pas dans l'inventaire des actes religieux un acte qui puisse rendre la dimension de la Shoa.
Le silence est donc préférable.
Je préfère ce qu'écrit le Rabbi de Slonim à ce qu'écrit le H'azon Ich, mais pense qu'il est quand même préférable pour les générations futures de commémorer la Shoa avec le vocagulaire religieux que nous possédons plutôt que de ne pas le faire du tout.
Et c'est ce que font les communautés sionistes religieuses en Israel.

emmap
Mardi 20 avril 2004 - 23:00

Shalom,
J'ai lu avec intérêt la réponse à la question 15303, mais même l'explication du Rabbi de Slonim ne me satisfait pas totalement.
Nous n'avons peut être pas "dans l'inventaire des actes religieux un acte qui puisse rendre la dimension de la Shoa", mais je ne peux accepter qu'on préfère alors le silence.
Je pense que nous devrions ne serait-ce que pour la transmission de l'Histoire marquer ce malheur par une pratique religieuse. Les fêtes religieuses ne sont-elles pas faites pour se souvenir et en retenir un enseignement? Nous sortons de Pessah où nous commémorons la libération de l'esclavage et la sortie d'Egypte, tout autant Ramsès était-il mauvais pour le peuple juif à le réduire à l'esclavage, il n'a pas pour autant mis en place la solution finale comme Hitler. Il n'y a à ma connaissance pas de pire malheur quant à la destruction du peuple juif que la Shoa où près de la moitié du peuple juif a été tué. Pourquoi n'y a-t-il pas un évènement religieux pour la Shoa? Les autorités religieuses ne disposent-elles d'aucunes possibilités pour "créer" quelque chose de nouveau dans le judaïsme? D'autant plus que comme Rav Elie Kahn le dit dans sa réponse, les communautés religieuses non sionistes ne commémorent pas la Shoa, à mon sens un juif qu'il soit sioniste ou pas se doit de commémorer la Shoa (des goyim le font...merci à eux), je pense donc que la religion juive se doit d'ëtre présente sur la question de la Shoa et que les autorités religieuses ont la responsabilité de créer un évènement religieux pour cela, ce qui serait peut être là un acte qui puisse rendre sa dimension à la Shoa (et ce qui permettrait d'éviter que certains juifs ne pensent pas nécessaire de le faire).
Merci

Emmanuelle

Rav Elie Kahn z''l
Dimanche 25 avril 2004 - 23:00

Je suis d'accord avec vous.
L'Etat d'Israel a à mon sens pallié à la déficience des autorités religieuses et fixé une date que beaucoup de communautés religieuses respectent pour commémorer la Shoa. Il y a ausi une seconde date, le 10 Tevet, ainsi que je l'ai déjà écrit.
J'ai cité le Rabbi de Slonim car sa réponse me semble plus acceptable que celle du H'azon Ich, mais je ne m'y identifie pas.