Conversation 21360 - Le chien aboit, c'est l'heure du chema

NathanninNathan
Mercredi 26 janvier 2005 - 23:00

Shalom, Rav

(Dans Berakhot 3a si j'ai bien compris, sinon corrigez-moi, j'étudie seul...) Dans sa définition des gardes, Rabbi Eliezer dit qu’à la troisième garde, le nourrisson tète sa mère, le chien aboie et une femme parle à son mari.
A supposer que “et” soit la traduction appropriée de “ve” qui, en hébreu mishnaïque, puisse aussi s’entendre “mais”, “ou”, “néanmoins”, etc., ce “et” est-il significatif, c'est-à-dire cela signifie-t-il “les trois signes en même temps” ou bien l’un des trois signes suffit-il ?
En ce dernier cas, je serais un peu étonné, cela semblerait ne pas tenir compte des bébés qui se réveillent en plein milieu de la nuit, des fameuses discussions d’alcôves, etc.
Les signes de la troisième garde selon Rabbi Eliezer sont-ils bien fiables pour déterminer le début du moment où on peut faire le Shema du matin (nonobstant que de nos jours, il y ait les horloges) ?

Nathan Schwob
Jeudi 8 septembre 2005 - 23:00

Vous rapportez le texte suivant, que nous allons remettre dans son contexte.
Nous apprenons dans la première Michna du traité Berachot que Rabbi Éliezer pense que le temps de réciter le Chema du soir se termine à la fin de la première garde. La Guemara explique que la nuit se divise en trois parties, chacune appelée "garde", et que Rabbi Éliezer vient enseigner qu'il y a des gardes célestes (des louanges des anges), des gardes terrestres et qu'il y a une correspondance entre et les deux ainsi que des signes distictifs tangibles. Là dessus Rabbi Éliezer dit:
"Il y a trois gardes durant la nuit et lors de chacune d'elle D. rugit a cause du Temple qui est détruit. Les signes (les indications terrestres) des gardes sont les suivantes: pour la première, le braiement des ânes, pour la seconde, les chiens hurlent et pour la troisième, le nourrisson tète et une femme parle avec son mari".
Remarquez que les chiens indiquent la deuxième garde.
La Guemara essaye de comprendre pourquoi Rabbi Éliezer a besoin de trois signes distinctifs, puisque le début de la nuit ou le matin peuvent aussi servir d'indications: il n'y a donc que deux interfaces à définir. La Guemara donne deux réponses: soit les trois signes correspondent à la fin de la première garde, au milieu de la seconde et au début de la troisième, soit ils indiquent la fin de chaque garde et le troisième signe, qui à priori est inutile, vient montrer aux gens dormant dans des chambres sans fenêtres à partir de quand ils peuvent réciter le Chema du matin.
Remarquez que le seul point commun entre les deux explications, c'est la fin de la première garde, alors que si vous entendez un nourrisson qui tète vous pouvez croire que c'est le milieu de la nuit pour la première explication ou la fin de la nuit pour la seconde, avec le risque de réciter le Chema "un peu" en avance. La Guemara n'a pas tranché. En rajoutant votre question nous concluront que cette Guemara ne vient pas enseigner la Halacha.
Tout d'abord Rabbi Éliezer vient enseigner, comme l'explique la Guemara, que l'homme à accès aux gardes célestes, qu'entre le spirituel et le matériel, entre D' et l'homme, les chemins sont encore ouverts, malgré la destruction du temple. Dans la nuit de l'exil, du Galout, le premier à se lamenter c'est D' Lui-même, parce que cet exil est tout d'abord celui de la Présence de D' dans le monde. Malgré tout, en prenant conscience de sa vie spirituelle intérieure, de son âme, étincelle divine, telle qu'elle s'exprime au courant de la nuit, l'homme peut retrouver la Présence de D'.
Le Maharcha (1) explique que durant chacune des trois gardes de la nuit s'exprime une des parties de l'âme. Durant la première garde le conscient a le dessus, avec tout le bagage de ce que l'homme a vécu pendant la journée. Cette fonction de l'esprit est symbolisée par l'âne qui brait. Nos sages utilisent souvent le jeux de mots "H'amor"= âne pour désigner le "H'omer"=matière, en d'autres mots, donc, la première partie de la nuit sert a faire le bilan de l'activité de la journée passée au sein d'un monde matériel. Ce bilan ne peut se terminer sans dire le Chema, la ré-acceptation du joug divin, qui définit la direction à suivre dès le début de la journée (qui commence le soir).
Le subconscient prend la relève durant la deuxième garde. Au milieu de la nuit, durant le sommeil, le corps dans son état végétatif donne libre cours à l'esprit, qui reprend toutes les pulsions vitales. Cet état d'âme est symbolisé par un chien hurlant à la mort, parce que ces pulsions libérées sans contrôle apportent finalement destruction et mort.
Durant la dernière partie de la nuit, lorsque le corps et l'esprit se sont reposés, lorsque les tempêtes de la vie matérielle se sont calmées, le souffle divin, la Nechama prend le dessus. L'homme retrouve son Créateur dans la prière et l'étude de la Thora. La femme qui parle avec son mari, représente l'âme, amoureuse de D', en prière, un peu comme l'allégorie de Chir Hachirim (le Cantique des cantiques) décrit l'amour réciproque du peuple juif et de D'. Le nourrisson qui tète symbolise l'étude de la Thora.

(1)Rav Chemouel Eliezer Halevi Idels. Pologne. 1555-1632. Commentateur du Talmud, Rachi et Tossafot, pour les parties de Halacha mais aussi pour les parties de Aggada où il est un des pionniers. Maître et chef de sa génération. Le nom Idels lui vient de sa belle mère qui le soutenait financièrement.

(Avec mes excuses pour le retard de 5 mois à la réponse. J'espère pouvoir reprendre un peu d'activité sur Cheéla avec l'aide de D')