Conversation 34326 - Les chaussures du mort.

webslider
Samedi 16 décembre 2006 - 23:00

Après le décès de Maman et les chelochim, nous devons vider son appartement. Nous allons faire don de ses vêtements à des organismes de la Communauté, mais de nombreuses personnes insistent pour que nous ne donnions surtout pas les chaussures. Il parait que ça porterait malheur à la personne qui les recevrait. On nous dit même de les jeter séparément, ou même de les déchirer. Je ne sais plus quoi penser et si cela repose sur un "bon" motif ou est-ce purement de la superstition transmise par nos grands-parents et parents d'Afrique du Nord ? Merci de m'éclairer à ce sujet.

Rav Elie Kahn z''l
Mercredi 20 décembre 2006 - 15:08

Chalom,

Recevez tout d'abord nos condoléances pour le décès de votre mère.
מן השמים תנוחמו
Il est effectivement écrit dans le "Sefer Hassidim" de Rabbi Yehouda HeHassid (Allemagne 12ème siècle) de ne pas faire de Tsedaka avec des objets qui peuvent être dangereux. Il raconte que l'on a déconseillé à une personne ayant reçu une paire de chaussures d'un mort, de ne pas les donner à un pauvre, en vertu du verset "tu aimeras ton prochain comme toi-même" (chapitre 554).
A la suite de quoi, dans certaines communautés (Bagdad, par exemple), on avait l'habitude de couper en petits morceaux les chaussures des morts, pour les rendre irrécupérables (Zivhey Tsédek, 110, 86, cité dans Yabya Omer 3, Y.D., 5).
Le sens de ce passage du Sefer Hassidim n'est pas clair, et beaucoup ne comprennent pas le danger que comportent ces chaussures.
Personnellement, je crois qu'il s'agit de mystique et d'un danger irrationnel, système de pensée courant chez Rabbi Yehouda HeHassid. C'est un peu ce que disent les personnes qui vous disent que cela porte malheur. Sur ce genre de danger, il est dit que celui qui y croit y croit, et doit faire attention, et que celui qui n'y croit pas n'a pas à prendre de précautions. Il suffit donc de prévenir la personne qui recevra les chaussures qu'elles ont appartenu à quelqu'un qui est mort, et cette personne décidera si elles les veut ou pas.
Mais des rabbins ont préféré chercher une raison rationnelle à ce qu'a écrit Rabbi Yehouda HeHassid. On trouve deux explications principales:
Il s'agit de chaussures qui ont été portées par une personne morte de maladie contagieuse. Les habits peuvent être lavés et désinfectés plus facilement que les chaussures. Les premiers peuvent donc être donnés, les derniers pas.
La deuxième explication lit dans le texte "les chaussures d'une morte " et non pas "les chaussures d'un mort". Il s'agit selon cette lecture, de ne pas donner de chaussures faites avec le cuir d'un animal mort d'une maladie qui pourrait être transmise à l'homme. Mais donner les chaussures d'un mort ne présente pas de problème.

En plus des questions que nous avons soulevées, il y a là une question de principe importante: dans quelle mesure un rabbin du Moyen Age, aussi vénérable soit-il, a-t-il l'autorité d'interdire une chose que le Talmud n'interdit pas? Peut-¬il inventer de nouvelles interdictions? De l'avis général, une telle opération est problématique.

Il est donc autorisé de donner ces chaussures à la Tsedaka.
Si la caisse de Tsedaka à laquelle vous avez l'habitude de donner n'est pas prête à les prendre, trouvez un autre moyen de les donner. Mais de les déchirer pas, il se trouver toujours quelqu'un pour en profiter.

Références: Hatam Sofer Y.D. 138; Assé Lekha Rav, 1, p. 142; Yabia Omer 3, Y.D., 5.