Conversation 40339 - Le lien?

amisraelhai
Dimanche 20 janvier 2008 - 23:00

Kvod Harabbanim,
Peut-on faire un lien entre :
-Le maassé des Rabbanim de Bnei Brak dans la Haggada
-Le début de la Michna
En effet, tout deux parlent du zman de Kryat Chéma ! Pas au même moment, c'est vrai (matin vs. soir) mais je trouve cela trop troublant pour être une coincidence...
J'en déduis qu'on peut relier d'une façon ou d'une autre Rabbi Eliezer, Rabbi Yehochoua, Rabbi Elazar ben Azarya, Rabbi Akiva et Rabbi Tarfon avec la rédaction de la michna ou avec Rabbi Yehouda Hanassi... Mais comment ???

Merci !

Nathan Schwob
Vendredi 15 février 2008 - 03:48

Je ne comprends pas de quelle Michna vous parlez. Toujours est-il que si vous parlez du début de Masséchet Berachot qui est aussi le début des 6 livres de la Michna, alors il n'y a pas de rapport bien que tous les deux parlent de la lecture du Chema du soir. Par contre si vous parlez de la Michna 5 du premier chapitre (le texte de Rabbi Eléazar Ben Azarya), alors il existe bel et bien un rapport entre les deux et c'est la Haggadah de Pessah que vous rapportez qui à créé ce lien.

Que doit on en déduire sur la rédaction de la Michna? Rien à mon avis car la lignée de maîtres en élèves est bien connue par ailleurs, puisque Rabbi Yehouda Hanassi était un élève des élèves de Rabbi Akiva.

En ce qui concerne la rédaction de la Michna proprement parlée, nous avons comme règle que: "Stam Michna Rabbi Meir Vealiba DeRabbi Akiva", ce qui signifie que les Michnayot dans lesquelles Rabbi Yehouda Hanassi n'a pas indiqué qui les a dites sont en général issues de l'enseignement de Rabbi Meïr qui les a reçues de Rabbi Akiva.

Reste a expliquer pourquoi la Hagadda de Pessah a juxtaposé les deux textes: celui du Sèder de Bney Brak et celui de la lecture du Chema qui rappelle la Sortie d'Égypte, la nuit.

L'explication littérale est la suivante: la Haggadah désire prouver, en donnant l'exemple du Sèder des sommités de la Thora de cette époque, que même si nous savons tout sur la sortie d'Egypte il y encore une Mitsva de raconter durant cette nuit du Sèder. Puis la Haggadah apporte une seconde preuve de la Michna dans laquelle, aussi bien pour Ben Zoma que pour les autres sages il faut rappeler la sortie d'Égypte la nuit.

Voici une autre interprétation (1): cette nuit de Pessah, les sages discutaient dans un langage code, de savoir s'il faut lancer la révolte (de Bar Kochva) contre les romains. La nuit représente le Galout, l'exil, le joug du conquerrant romain. Le matin représente la délivrance. Les élèves ont tranché en disant que le matin était arrivé. La Michna qui suit reprend le thème de la conquête Romaine: a-t-elle effacée la liberté que le peuple d'Israël a acquise à la sortie d'Égypte? Le temps du Machia'h (Bar Kochva) est-t-il arrivé?

Voici encore une autre explication (2):
Le texte du Sèder de Bney Brak n'a pas d'autre source que la Haggadah, mais il y a un texte parallèle (Tossefta Pessachim 10,8) qui raconte un autre Sèder: celui de Rabban Gamliël et les Anciens, à Lod. La division entre les deux groupes est claire: elle représente les deux tendances opposées au sein du Sanhédrin (Voir Talmud Berachot 27b). Jusqu'à la destruction du Temple, le Korban Pessah' (sacrifice pascal) constituait le centre de la soirée. Que faire sans Temple, sans Korban? La fête de Pessah' perdait toute sa nature. Au Sèder de Lod on parlait des lois du Korban Pessah', en partant du principe que l'étude remplacerait l'acte, et que la reconstruction du Temple serait proche.
Mais au Sèder de Bney Brak, la "jeunesse dissidente" se préparait à un exil long et réfléchissait au moyen de conserver le sens de la fête de Pessah' même sans le Korban, et aux changements à opérer dans l'ordre de cette soirée afin de sauver le peuple juif du découragement. Dans ce Sèder on a posé les fondations de la Haggadah. Le pôle d'intérêt va passer du Korban Pessah' au récit de la Sortie d'Égypte. On racontera dés lors, durant la nuit du Galout et jusqu'à la Gueoula, la naissance du Peuple d'Israël, sa nature et sa vocation qui elles dépassent les aléas de l'histoire.

(1) Entendue de mon père le Rabbin Edmond Schwob.
(2) Entendue de mon ami le Dr Ezra Shvat.