Conversation 48400 - Un Juif peut-il être avocat ?

babaz
Mercredi 12 août 2009 - 23:00

Bonsoir,

Le métier d'avocat peut-il répondre à une vision juive de la justice ? Que les acteurs d'un procès prennent parti avant même qu'il n'ait eu lieu, est-ce admissible pour le judaïsme ?

Je vous remercie

Jacques Kohn z''l
Jeudi 13 août 2009 - 23:47

Cette question rejoint celle, souvent posée, de savoir si un avocat a moralement le droit de prendre la défense d’un individu qu’il sait coupable, ou de plaider une cause dont il est convaincu qu’elle est indéfendable.

Si l’on se place à un niveau théorique, on est tenu de postuler, dans un Etat de droit, que nul n’est coupable aussi longtemps qu’il n’a pas été déclaré tel par la justice. En d’autres termes, l’avocat n’a pas, se substituant à la justice, à prononcer un « pré-jugement » contre un justiciable.

D’autre part, le rôle de l’avocat ne consiste pas seulement à défendre sur le fond la cause qui lui a été confiée, mais à assurer la contradiction du débat judiciaire, et de faire valoir, face à ses adversaires et à ses juges, les règles de droit – et notamment de procédure – sans le respect desquelles il ne peut y avoir de véritable justice. A ce niveau-là, il est bien moins le mandataire de son client que l’auxiliaire de la justice au sens le plus noble du terme.

C’est pourquoi il va de soi, dans un pays libre, que le plus « immonde salaud » a le droit de se faire assister par un avocat, et que celui-ci a le devoir, sans préjuger de sa culpabilité, de faire valoir tous les éléments – de fait et de droit – qui plaident en sa faveur.

Mais il va également de soi qu’un avocat a tout à fait le droit de refuser une cause qui heurte ses convictions, tout comme il a le devoir de ne pas accepter celles dans lesquelles il a un conflit d’intérêt.

J’ajoute qu’il existe, dans les batei din israéliens, juridictions chargées de trancher certains litiges conformément à la halakha, des avocats spécialisés dont le rôle est de représenter les justiciables.

babaz
Jeudi 13 août 2009 - 23:00

48400

Merci beaucoup pour votre réponse.

Pour quelle raison la Torah n'institua-t-elle pas une telle fonction dans ses sanhédrins ?
Tous les protagonistes d'un procès se situaient-ils alors, loin de tout parti pris, dans une pure "exigence de vérité", synthétisant en eux-mêmes les "pour et le contre" (à l'image d'un juge idéal...) ?

Puisque ce domaine est le vôtre, permettez-moi de vous poser une question moins théorique (donc plus terre-à-terre). Dans un procès "à l'occidental", l'avocat de l'accusé découvre des pièces en mesure d'aggraver la situation de son "client". Ou bien encore, peut-être même parallèlement, l'avocat de la défense découvre des pièces disculpant en partie l'accusé (contre lequel son client l'a mandaté...) Dans ces deux situations, les avocats en question se doivent-ils de faire connaître à la justice l'existence de ces éléments (qu'ils le fassent, est-ce franchement envisageable ?), alors que leur rôle s'avérerait, vis-à-vis de leur client respectif, inversé ? Et ce, au nom de la vérité ?

Je vous remercie

Jacques Kohn z''l
Vendredi 14 août 2009 - 08:14

1. La justice envisagée dans la législation talmudique, et notamment dans le traité Sanhédrin, est une justice idéale, inaccessible aux justiciables actuels. D’autre part, selon cette même justice, il n’y avait ni accusateur ni avocat, l’accusation incombant aux seuls témoins, avec toute la rigueur que l’on imposait à leurs dépositions et à la vérification de leur sincérité.

Ce sont les juges eux-mêmes qui avançaient des arguments en faveur des accusés ou à leur encontre, et ce dans le respect de règles de procédure extrêmement précises.

De plus, en cas de condamnation à mort prononcée à l’unanimité des juges, l’accusé était aussitôt disculpé, ce qui prouve bien la nécessité d’une défense.

2. Le problème soulevé dans votre « question moins théorique » correspond à un cas d’école classique, que chaque avocat se doit de résoudre en conscience, la seule obligation qui lui incombe étant de respecter scrupuleusement le secret professionnel.

babaz
Lundi 17 août 2009 - 23:00

48410

Bonsoir,

Il s'agissait d'une boutade médiocre... Que chaque avocat ait pour rôle de défendre "son" client, malgré le banal d'une telle situation, me semble problématique si l'on considère que tous les acteurs d'un procès se doivent d'être à l'affût de la vérité, bien au-delà des acrobaties rhétoriques en mesure d'ébahir un juré... (me sachant sensible à ce type d'élans...)

L'avocat joue un rôle quelque part manichéen...

Toutefois, le texte de ma question aurait dû être :

"La justice envisagée dans la législation talmudique, et notamment dans le traité Sanhédrin, est une justice idéale, inaccessible aux justiciables actuels."

Pourquoi serait-elle inaccessible ?

PS : dans ma précédente question (48405), j'ai indiqué par erreur "avocat de la défense" au lieu de "avocat de la partie civile"... Navré!

Je vous remercie

Jacques Kohn z''l
Mardi 18 août 2009 - 14:18

Réponse privée envoyée par courriel à l’auteur de la question.

sibotemet
Mercredi 18 mai 2011 - 23:00

Est ce que le métier d'avocat ou de notaire est convenable pour un juif : est ce censé de projeter de consacrer sa vie dans la défense de non juifs parfois coupables ?!
Merci

Jacques Kohn z''l
Jeudi 19 mai 2011 - 03:20

Veuillez vous reporter à la réponse que j’ai donnée le 13 août 2009 à la question N° 48400.

Cette réponse est valable à plus forte raison pour le métier de notaire.

sibotemet
Mercredi 18 mai 2011 - 23:00

Suite de la 57272
"Mais il va également de soi qu’un avocat a tout à fait le droit de refuser une cause qui heurte ses convictions, tout comme il a le devoir de ne pas accepter celles dans lesquelles il a un conflit d’intérêt. "
Releve t il d'une interdiction alahique pour un avocat de defendre une personne qu'il sait etre coupable ?
Je ne comprends pas ce que vous voulez signifier pour le conflit d'interet...

Jacques Kohn z''l
Jeudi 19 mai 2011 - 23:48

1. Lorsqu’un avocat défend un accusé qu’il sait coupable – par exemple lorsque celui-ci a avoué avoir commis les faits qui lui sont reprochés – il lui incombe de présenter aux juges tous les arguments susceptibles de lui valoir leur indulgence. C’est ce que l’on appelle « plaider les circonstances atténuantes ».

2. L’avocat n’a pas le droit de défendre ou représenter plusieurs parties dans une même affaire s’il y a conflit entre leurs intérêts ou si, sauf accord des parties, il existe un risque sérieux d’un tel conflit. Il lui est interdit, par exemple, de défendre les intérêts du demandeur en même temps que ceux du défendeur dans la même affaire.

sibotemet
Jeudi 19 mai 2011 - 23:00

Suite de la 57 281
Merci pour vos précisions.
Mais tout de manière, les deux règles alahiques que vous avez donné sont aussi les présente dans la loi française, non ?
Ce que je veux signifier, c'est qu'un juif peut bien exercer la profession d'avocat au même titre qu'un non juif , c'est ça ?!

Cordialement.

Jacques Kohn z''l
Vendredi 20 mai 2011 - 06:35

Un Juif peut exercer la profession d'avocat.