Conversation 48535 - La tête couverte en famille

yaniv13
Mardi 12 octobre 2010 - 23:00

Suite a la question 53358.

Je profite tout d'abord de cette question pour exprimer mes condoléances au Rav S.D Botshko quant au décès du Rav Moche Botshko.

Merci de votre réponse, mais j'aurais voulu savoir si cette loi est aussi valable dans d'autres "intérieurs" ou bien exclusivement au domicile de la femme concernée.

מן השמים תנוחמו

Rav S.D. Botshko
Jeudi 14 octobre 2010 - 01:25

il s'agit bien entendu de sa propre maison, mais pas de celle de ses amis.

james02
Dimanche 17 octobre 2010 - 23:00

Suite 54020
La permission d'etre tete nue pour une femme mariee dans sa propre maison entend donc devant d'autres hommes ? (pas de la famille, je parle des amis... ?)

Merci d'avance, shavoua tov !

Rav S.D. Botshko
Jeudi 14 juillet 2011 - 20:58

En pratique il faut faire la distinction entre des gens qui viennent pour uen course ou autre et une soirée où on invité des familles et que l'on passe un temps de qualité ensemble où il me semble que la maison peut être assimilée à l'extérierue et qu'il est juste alors de se couvrir la t^te.

Je vous envoie ici une réponse que mon père zatsal a écrit sur cette question traduite et adaptée par le Rav Elyakim Simsovic qui vous donne tous les éléments de réflexion:

Ce qui suit est la transcription et l’adaptation d’une lettre adressée au beau-père d’un élève de la yéchiva par le rav Mochè Botschko. À la suite d’une discussion animée entre l’élève et le beau-père concernant la question de savoir si une femme mariée doit avoir la tête couverte dans sa maison, celui-ci a écrit au rav Mochèזצ"ל pour lui demander d’éclaircir les points en controverse.

Très cher et honoré ami,
Vos réserves et vos excuses sont tout à fait superflues. Chacun a le droit de me poser des questions, de me faire des objections et de me contredire sans que je me sente le moins du monde vexé. Et si je devais apprendre que je m’étais trompé, je ne serais que reconnaissant de m’y avoir rendu attentif.
J’aimerais préciser que je ne me considère nullement comme un « décisionnaire » et je me refuse à trancher sur des questions qui me seraient adressées, à moins qu’elles ne proviennent d’élèves de la yéchiva. Et même dans ce cas, je me borne à donner mon avis et à l’expliciter, si nécessaire, sans en faire une règle à suivre rigidement. Je propose, mais n’impose pas.
Si je réponds à votre question c’est uniquement parce qu’elle a trait à une réponse donnée à un élève de la yéchiva. Je me souviens vaguement d’une lettre qu’il m’avait montrée et que j’ai parcourue en « diagonale » car elle ne m’était pas adressée ; je ne me souviens pas des détails de cette lettre, mais je sais qu’elle traitait de la question de savoir s’il était indispensable que la femme se couvre la tête à la maison. J’ai répondu, qu’à mon avis ce n’était pas le cas et je lui ai cité quelques sources à ce sujet...
Puisque vous me demandez de préciser les raisons de ma réponse autorisant une femme mariée à ne pas avoir la tête couverte chez elle, je souhaite vous communiquer quelques textes fondamentaux du Talmud, du Choulhane Aroukh et de décisionnaires qui me semblent explicites. Je vous laisse bien entendu le soin de les revoir dans leur contexte afin de les étudier à fond. Permettez-moi toutefois de préciser avant de commencer qu’il ne s’agissait pas du tout dans mon esprit d’une permission limitée à un cas particulier pour des raisons de circonstance. Il s’agissait tout au contraire d’une réponse de principe ayant une portée générale.
1. Le texte talmudique fondamental se trouve dans le traité de Kétouboth au début de la page 72b. Intervenant dans une discussion portant sur la nécessité pour une femme d’avoir la tête couverte, Rabbi Zéïra précise que ce dont on parle concerne la voie publique, mais que si on prétendait étendre cela à la cour de la maison, on aboutirait à une situation où il n’y aurait plus une seule femme juive qui serait digne fille d’Abraham notre père dans la maison de son époux ! Et les Tossafot de préciser encore que dans « sa » cour – laquelle cour semi-privée était la plupart du temps partagée par plusieurs maisons disposées tout autour avec une ouverture ou porche donnant sur la rue – dans sa cour donc, elle n’avait besoin d’aucune sorte de couvre-chef.
2. Le Choulhane Aroukh (Even HaEzezr 21, 2) légiférant sur la question dit explicitement : les filles d’Israël n’iront pas tête nue sur la voie publique.
et en 115, 4 le Choulhane Aroukh définit ainsi dat yéhoudit, c'est-à-dire la règle de conduite des femmes juives : « c’est la coutume de réserve adoptée par les filles d’Israël… allant tête nue dans la rue ou dans les passages ouverts à la circulation ou les cours dont beaucoup se servent comme raccourci… » ce que le Helqat Méhoqeq explicite comme suit : « dans sa cour, il n’y a pas lieu de considérer que le fait d’être tête nue la mettrait hors-la-loi de la règle de conduite des femmes juives. » Il cite et discute encore divers avis mais, d’une part, il est bien clair que ceux qui « interdisent » situent le problème dans une cour fréquentée et non à l’intérieur de la maison, Rachi et Tossafot déclarant que dans une cour peu fréquentée il n’y a aucun problème avoir la tête complètement découverte ; et, d’autre part, au chapitre 21 il déclare sans ambiguïté que l’interdit de la tête découverte porte sur la voie publique seulement et pas dans la cour même semi-privée.
Je tiens d’ailleurs à préciser, qu’à mon avis, le terme de tzniout employé par le Choulhane Aroukh (et que nous avons traduit « l’attitude de réserve ») n’a pas du tout le sens populaire courant de pudibonderie qu’on lui donne aujourd’hui ; il fait plutôt allusion au verset de Michée VI, 8 :
« Homme, on t'a dit ce qui est bien, ce que le Seigneur demande de toi : rien que de pratiquer la justice, d'aimer la bonté et de marcher humblement avec ton Dieu ! »
3. En Lituanie, les femmes religieuses n’avaient pas l’habitude de se couvrir même à l’extérieur, sauf les femmes de rabbin. Le Arokh Hachoulhane tout en les condamnant sévèrement, leur trouve une justification (règles de la Lecture du Chema, LXXV, 7) :
« En tout état de cause, du strict point de vue de la loi, il semble bien qu’il nous soit permis de prononcer les bénédictions même en leur présence lorsqu’elles sont tête nue ; en effet, compte tenu du fait que la plupart d’entre elles se conduisent ainsi et qu’il n’y a donc plus de différence avec d’autres partie du corps qu’il est licite de découvrir, comme l’écrit le Mordékhi, etc. et étant donné qu’il en va de même chez nous même pour les femmes mariées, il en résulte que cela ne provoque de toute façon pas d’excitation…
4. Comme vous le savez, Rav Weinberg זצ"ל a habité Montreux les dernières vingt années de sa vie. Il a souvent évoqué ce problème. Et je me rappelle bien qu’il insistait beaucoup sur ce fait que la halakha concernant la Qriyat Chema en présence d’une femme tête nue et celle concernant l’interdiction pour une femme d’aller tête nue sur la voie publique étaient deux règles tout à fait différentes. La seconde n’a rien à voir avec des questions de pudeur ; elle a une pure valeur d’indicateur social, destinée à faire savoir que c’est une femme mariée. C’est pour cela d’ailleurs que cette règle ne concerne que les femmes mariées et uniquement en dehors de leur maison. L’anecdote citée dans la guémara et dans le Zohar selon laquelle cette femme s’enorgueillit du fait que les murs de sa maison n’avaient « jamais vu ses cheveux » n’est que l’expression d’une conduite personnelle de plus grande piété et n’a certes pas de valeur contraignante.
Voici d’ailleurs ce que rav Weinberg écrit dans une des responsa de son célèbre Séridé Ech (Vol. 3, §30) : « …mais dans sa maison, il lui est permis d’être tête nue (voir Tosafot Kétoubot 72b et Helqat Méhoqeq sur Choulhane Aroukh Even HaEzer §115) et ceci aux stricts termes de la loi. Les femmes d’Israël ont certes pris coutume de se conduire avec un surcroît de vertu (houmra) et de se couvrir la tête même chez elles à la maison, et aussi par suite de l’histoire de Qimhit qui a eu le bonheur de voir plusieurs de ses fils élevés à la dignité de Grand-Prêtre. Toutefois, cette attitude n’a jamais été que celle de femmes mariées, etc.

6. Je tiens à citer pour conclure une réponse du rav Mochè Feinstein qui est reconnu comme étant Le décisionnaire de la génération (avec un « L » majuscule), réponse très claire et qui vaut la peine d’être étudiée :
« le fait que le Hatam Soffer ait interdit au titre de la règle de conduite des femmes juives (sous-entendu : d’être tête nue) même dans sa chambre, s’appuyant en cela sur des commentateurs classiques du Choulhane Aroukh (lesquels d’ailleurs ne parlent pas de la chambre mais de la cour, considérée comme un lieu de passage fréquenté…) donne lieu à discussion ; en effet, même si nous admettions que tel serait l’avis de Maïmonide – ce qui de fait n’est pas le cas – le Hatam Soffer n’avait de toutes façons pas à statuer dans son sens contre les avis de Rachi et des Tossafot et de tous les autres, la règle étant aussi qu’en cas de doute on va dans le sens de l’allégement et non dans le sens de l’aggravation de la loi… Il s’ensuit qu’on ne trouve aucune justification à l’interdiction du Hatam Soffer et qu’au contraire tous sont unanimes à permettre… et non seulement dans sa maison mais aussi dans sa cour… et par conséquent la position du Hatam Soffer est très surprenante.
Et par conséquent, statuant sur le principe de la loi – même s’il est de mise que les femmes tiennent compte de l’avis du Hatam Soffer, les choses ayant proférées par la bouche d’un Gaon tel que lui (remarquez la délicatesse avec laquelle le rav Feinstein manifeste son respect pour le Hatam Soffer, lors même qu’il le contredit clairement !) – il est clair que celles qui veulent se conduire de manière plus permissive concernant ces deux règles ne doivent en aucun cas être considérées comme transgressant – à Dieu ne plaise ! – la règle de conduite des femmes juives, et aucun sage de la Thora ni aucun homme pieux ne doit s’empêcher d’épouser une telle femme, si elle est par ailleurs pieuse, scrupuleuse dans le respect des mitzvoth et possède des qualités vertueuses. »
Je pense que l’on peut aisément arriver à la conclusion que la chose est donc permise de par la loi à l’intérieur de la maison, et même lorsqu’il y a des visiteurs. Une attitude plus rigoureuse est affaire de décision personnelle et n’a rien de contraignant, de même qu’il existe beaucoup d’autres houmrot dans bien des domaines, dont il ne faut d’ailleurs pas abuser.
Permettez-moi d’ajouter quelques réflexions d’ordre général : je dois avouer que, bien plus que par la question en elle-même, je suis tourmenté par le « climat » que votre lettre met en évidence. J’ai l’impression que dans certains milieux, il soit devenu monnaie courante de :
1. trouver une houmra au hasard d’un livre, ce qui n’est pas difficile ; ensuite
2. d’ériger cette houmra en règle contraignante
3. d’exiger que tous s’y plient
4. de s’espionner les uns les autres pour découvrir ceux qui ne s’y plieraient pas.
5. de les juger
6. de les condamner
7. de les mettre au ban de la société et tout ceci enveloppé d’un grand manteau de prétendue piété, au nom de la religion, de ce qui serait affirmé comme étant Daat Thora, ce que la Thora demande
8. c'est-à-dire finalement : créer la dissension dans la société.
Je constate aussi que dès le bas âge, les enfants sont instruits à mesurer la longueur des manches, prétendument au nom de la « tzniout » ! Finalement, ces enfants ne pensent qu’aux manches et toute la yiddishkeit de certains milieux se résume finalement à ces questions, comme si le judaïsme ne connaissait pas d’autres problèmes.
Ce qui me conduit à dire qu’à mon avis le judaïsme a été déformé, dévié.
Vous m’écrivez que ma réponse risque d’avoir des incidences familiales ! Vous ne pouvez pas imaginer à quel point cette phrase m’a fait mal. Mais dans quel climat, dans quelle atmosphère vivons-nous ? Pourquoi regarder dans la marmite de son prochain ? Pourquoi ne pas laisser à chacun la liberté de vivre son judaïsme comme il l’entend aussi longtemps qu’il le vit dans le cadre de la halakha ?
Au nom d’une soi-disant mission dont chacun se croit investi par le Bon Dieu, nous engendrons de la haine, la haine gratuite, la haine fratricide !
Mon cher Ami, s’il y a quelque chose que l’on doit être préoccupé de réparer, c’est cette attitude – qui, elle, est contraire à la Thora.
Je crois que votre gendre, qui a effectivement trouvé une partie de sa formation à Montreux, possède une ouverture, une tolérance, un désir de comprendre l’autre et non de le condamner. Il a développé un idéal extraordinaire pour la Thora, un idéal de faire partager ses convictions à autrui, à ceux qui n’ont aucune compréhension du judaïsme, et qui se sentent frustrés dans une société « restreinte », « fermée », hostile.
...
Je vous ai écrit ces quelques lignes en estime et amitié, ainsi qu’en profonde affection pour lui et son foyer.
Encore une fois, merci de m’avoir écrit, mes hommages à Madame et mes salutations à toute votre honorable famille.
Mochè Botschko