Conversation 48776 - Porter le deuil d’une mère souriante

BAT MYRIAM
Mercredi 9 septembre 2009 - 23:00

Shalom,
mes questions en ce moment ne tourne qu'autour d'une seule chose, la disparition de ma maman le 21 av, donc je vous prie de m'excuser si cela vous importune mais je suis tellement démunie face à ce deuil que j'ai besoin de toute l'aide possible. Je lis énormément comme toujours mais il y a tellement d'interprétations que je refuse de tomber dans le travers "je prends celle qui me séduit le plus".

Pour que vous compreniez bien ma question, il faut que je vous plante correctement le décor.
Maman était une "wonder woman" dans le sens le plus noble du terme, elle travaillait avec mon père tout en élevant 4 enfants et en tenant son foyer avec amour, sagesse et piété. Elle était d'une grande beauté, jusqu'à son dernier souffle. Sur ce plan, elle n'était pas coquette du tout mais elle estimait qu'une femme ne devait jamais se montrer négligée et jusqu'à quelques minutes avant son départ, elle demandait à être coiffée. Elle avait compris bien avant toutes ces femmes dites "modernes" qu'une femme doit tout être pour son mari, et grâce à D'ieu, pendant 46 ans (sans compter les fiançailles !), c'est ce qu'elle a été.
Elle était "solaire", elle illuminait une pièce dès qu'elle y pénétrait, tout en pudeur pourtant. Elle n'était que sourires et bonnes paroles, elle était gentille et bienveillante, superbe, de haute taille, une mère douce et attentive, une épouse fidèle et joyeuse, une amie chère.
Elle était orpheline de père depuis l'âge de 10 ans, âge où sa mère est aussi tombée malade (de chagrin). Esther z"l et ses 11 enfants sont venus en France vivre dans 2 pièces insalubres qui était pourtant surnommée "la maison du bonheur" tellement des chants et des rires s'en échappaient à toute heure du jour et de la nuit. Elle était la joie de vivre incarnée. A son enterrement, l'assistance était en larmes, de vrais gros sanglots, même le rabbin dont ce n'est vraiment pas le genre. Elle était tellement aimée et admirée que les lettres de condoléances la décrivant ressemblent à des copier/collers.

Mon père était, lui, orphelin de mère depuis l'âge de 5 ans. Il a vécu dans le deuil toute sa vie : sa mère, tous ses frères, sa soeur, son père... Maman ne supportait pas ça, elle en était très malheureuse et elle nous répétait sans cesse à quel point elle haïssait même pas la mort mais le deuil et ses manifestations qui avaient gâché une grande partie de sa vie.

Aujourd'hui, c'est le 30e jour. Mon problème : je suis déchirée entre les prescriptions de la halaha et ce qu'aurait A COUP SUR voulu ma maman. Elle aimait la musique, chanter, danser, rire, elle disait toujours que même la Thora nous enseigne de toujours privilégier la vie et ses joies au lieu de se morfondre dans ses peines.

Je m'imagine mal, pendant encore 11 mois, ne pas écouter de musique, me négliger physiquement, me conforter dans mon chagrin alors que celle qui est partie m'aurait secouée et envoyée faire la fête, chez le coiffeur, l'esthéticienne pour que la vie perdure.

Dois-je respecter ma mère ou ces commandements austères ??? "On" me dit que si je ne suis pas ces prescriptions, cela fera du mal à sa nechama, cette idée est cruelle et insupportable. "On" me dit aussi que c'est NOTRE comportement cette année qui élèvera ou non son âme, comme si tous les mérites qu'elle avait acquis sur cette terre, toutes ces vies qu'elle a illuminées ne comptait pas. C'est tout aussi intolérable à entendre.

Aidez-moi, je suis perdue...

Merci encore pour vos réponses si précieuses.

Jacques Kohn z''l
Vendredi 11 septembre 2009 - 01:13

Je comprends votre douleur et y compatis. Je comprends également les raisons pour lesquelles vous trouvez les règles du deuil incompatibles avec les sentiments que vous inspire la mémoire d’une mère aimée et aimante.

Sachez cependant que les règles de deuil, surtout pour une femme, sont beaucoup moins rigoureuses que vous semblez l’imaginer.

C’est ainsi que s’il lui est interdit, pendant douze mois, de participer à un repas de mitswa comme celui d’un mariage, elle a le droit d’assister au mariage lui-même. Elle peut même, dans certaines conditions, assister au repas en participant au service de table.

Elle n’a pas le droit de porter des vêtements neufs, mais elle peut les prêter pendant deux ou trois jours à une autre personne, et les revêtir ensuite.

Elle n’a pas le droit de fréquenter les lieux publics de distraction (théâtre, cinéma, salle de concert), mais elle est libre de se distraire à titre privé.