Conversation 49990 - Le christianisme aux chretiens !

cécilest
Vendredi 4 décembre 2009 - 23:00

Bonjour,
je me questionne à propos de la pratique du christianisme pour les non juifs. Bien que cela est considéré il me semble comme étant avoda zara, et malgré toutes les atrocités qui ont été commises par les chretiens (comme l'inquisition) cela peut il apporter dans certains cas des valeurs aux personnes qui la pratique de manière modérée, et dans ce cas la cela peut il être vu comme quelque chose de positif? Exemple: beaucoup de chrétiens que je connais ont à coeur de conserver leur virginité jusqu'au mariage beaucoup oeuvrent pour aider les pauvres les seropositifs, oeuvrent contre l'avortement. De plus le christiannisme n'est il pas une avancée pour les goyims puisque il leur à apporté la croyance en un D. unique (j'imagine que ce point la doit être contestable). Ma question ne concerne pas le christiannisme dans son ensemble mais dans sa pratique dans des cas particuliers.
Ma deuxième question concerne la hasgaha pratit: un goy peut il être concerné par cette hasgaha et si oui dans quelle mesure. Peut il vivre des expériences mystiques et sentir la présence d'un D. sur terre.
Merci beaucoup.

Emmanuel Bloch
Mardi 27 avril 2010 - 01:17

Chalom,

Je vous prie de m'excuser du retard pris pour rediger cette reponse.

Le plus juste serait de rappeler ici que la vision juive du christianisme est pleine de nuances. Toute reponse partielle, comme par exemple d'affirmer sans plus de precisions que le christianisme doit etre considere comme une simple forme d'idolatrie aux yeux des juifs, est forcement partiale egalement.

1. Certes, il est parfaitement exact que la perception chretienne de la divinite pose d'enormes problemes aux yeux des juifs. Des elements theologiques comme l'idee de la Trinite, ainsi que la conception qu'un homme, Jesus, puisse etre d'essence divine, sont consideres par certaines des plus eminentes autorites rabbiniques (Maimonide par exemple, cf. Hilkhot Avoda Zara 9:4) comme de l'idolatrie pure et simple, a n'en pas douter. Face au monotheisme juif, qui insiste sur l'idee d'un D.ieu unique, incorporel et invisible, ces elements de doctrine chretienne semblent effectuer un retour en arriere vers plus de paganisme.

Toutefois, d'autres voix non moins prestigieuses (Rabbi Menachem Meiri, Rabbeinou Tam, ...) prirent des positions opposees, et refuserent d'assimiler le christianisme aux religions paiennes idolatres que la Torah combat. Ce debat se poursuit jusqu'a nos jours...

2. La question de savoir si le christianisme contribue a propager des valeurs morales au sein des peuples qui nous entoure doit egalement faire l'objet d'une reponse nuancee. Pour les juifs, il est difficile d'oublier que l'Eglise a pendant des siecles profondement incorpore, au sein meme de son catechisme, un antisemitisme visceral ("l'enseignement du mepris", pour reprendre l'expression devenue celebre de Jules Isaac). La haine du juif a ainsi malheureusement fait partie du bagage culturel europeen, avec les tragiques consequences que l'on connait. Sauf rares exceptions historiques, ce n'est en realite qu'a partir de 1965, avec la declaration "Nostra Aetate" sur les rapports de l'Eglise (catholique, en l'espece) et les religions non-chretiennes, qu'un dialogue judeo-chretien sincere et ouvert put etre etabli.

Toutefois, bien des autorites rabbiniques affirmerent que le christianisme doit etre considere, d'un point de vue juif, comme un developpement positif de l'histoire. Il est d'ailleurs symptomatique que le meme Maimonide precise que Jesus et Mahomet preparerent le monde a accepter l'idee d'un D.ieu unique (Hilkhot Melakhim 11:4), ou que ces deux religions propagerent la croyance dans la parole des prophetes (Techouvot HaRambam, edition Blau, numero 142).

Cette affirmation du message positif des autres religions monotheistes a ete repris tout au long de l'histoire de la pensee juive, par exemple au 19eme siecle, chez le Rav Samson bar Raphael Hirsch (19 Epitres sur le Judaisme, Neuvieme Epitre).

3. Quant au point de savoir si le christianisme peut encourager ses adherents a adopter un mode de vie plus moral, a eviter la debauche sexuelle ou a se soucier du bien-etre de son prochain, il me semble evident que la reponse ne peut etre que positive. Comme vous le remarquez justement, il suffit de regarder autour de soi.

4. Finalement, j'en viens a votre interrogation sur la Hacha'ha pratit. Etant donne que l'idee de la Providence divine a ete concue de maniere assez divergente selon les differentes autorites, une fois encore, il est malaise de repondre simplement par oui ou non. Mais si l'on affirme parfois, comme le fait par exemple le Baal Chem Tov (le fondateur du 'hassidisme) "qu'aucune feuille ne tombe sans que D.ieu ne l'ait decide", alors on verrait mal pourquoi les non Juifs seraient exclus de la Providence divine. Pour la realite des experiences mystiques, je suis incapable de vous repondre, mais je me contenterai de rappeler que selon nos Sages les Nations du monde ont eu un prophete equivalent a Moshe Rabbeinou en la personne de Bil'am. De cela decoule, donc, que l`experience de la transcendance n`est pas reservee exclusivement aux juifs.