Conversation 501 - D'où viennent les convertis?

Anonyme
Mercredi 3 juillet 2002 - 23:00

féliciations pour votre site des plus instructifs..

je suis pleine d'admiration pour ces goys à l'origine (?) qui se convertissent au judaisme, en pensant au temps et à toutes les épreuves qu'ils ont eu à traverser.. et j'ai plusieurs questions :

- ne peut-on considérer ces juifs (ex-goys) comme des gens pour lesquels une flamme juive ancestrale a perduré en eux pour les pousser à renouer avec leurs racines ?

- peut-on imaginer dans cette logique qu'il n'existe pas de goys convertis au judaisme qui n'ait aucune racine juive dans leur arbre ? (notion invérifiable)

- ne peut-on faire preuve de plus d'indulgence à l'égard des volontaires à la conversion quand, au bout de 2 ans par exemple, le volontaire reste empli de ferveur et de certitude quant à sa véritable identité.. en réduisant sa "peine" ?

- pourquoi les faire "souffrir" autant pour éprouver leur conviction ? connaît-on des volontaires qui aient renoncé au bout de 3 ou 4 ans par exemple et qui restent à aimer le judaisme sans jamais avoir le label du consistoire ? connaît-on des convertis ayant suivi tout le parcours, ayant obtenu gain de cause et devenus juifs, s'éloignent du judaisme ou pire, le "trahissent" ?

- je m'interroge maintenant sur un point qui me touche en la personne de 2 amis : l'un et l'autre différemment et par des voies différentes aiment les juifs, le judaisme et israel..
ils ne veulent pas se convertir, ce n'est pas leur "truc" mais ils sont pleins de respect, d'admiration et s'instruisent en puisant dans le judaisme.. quelquefois, lors de conversations, je les ai entendus dire "nous" en évoquant les juifs (qu'on attaquait en france ou en israel), comme dans un lapsus..

qui sont mes 2 amis ? d'où viennent-ils ? (je sais qui ils sont et d'où ils viennent mais) ma question porte sur quelque chose de plus spirituel, cette accointance privée & profonde qui s'est créée en eux - pourquoi juste en eux et pas parmi les 6 autres milliards d'individus qui nous entourent ?
mes lectures et l'expérience m'ont prouvé qu'il est presque "normal" d'être antisémite ; de là, nombre de personnes ne le sont pas/plus pour autant actuellement mais la majorité le demeure sous sa forme première ou sous couvert souvent d'antisionisme, nous ne le savons que trop..

qui sont alors ceux qui se placent à ces antipodes ?
cette question rejoint ma 1ère partie car je crois que mes amis (l'un veut que sur sa tombe, il y ait un petit maguen david dans un coin !) ont gardé en eux quelque chose du souffle divin donné aux seuls juifs, que des unions diverses n'ont pu laisser s'échapper à travers les siècles..
qu'en dites-vous ?
(dites-moi oui, ou dites-moi mieux..)

bien à vous
'''

Rav Elie Kahn z''l
Dimanche 11 août 2002 - 23:00

Certains considerent que tous les convertis ont eu a l'origine des ancetres juifs. On prete a Rabbi Shneour Zalman de Lady, le premier Rabbi de Loubavitch l'affirmation qu'aucun non-juif ne s'est jamais converti, et qu'aucun juif n'a jamais apostasie. Une personne convertie avait surement des origines juives, et un apostat des origines non-juives.
Une jeune femme convertie m'a dit une fois que ces affirmations affaiblissaient a ses yeux la Tora, puisqu'elles signifiaient implicitement que la Tora n'etait pas assez attractive pour attirer une personne entierement d'origine non juive.
Les deux opinions se tiennent, et l'on n'est pas oblige de trancher entre elles.

Anonyme
Mercredi 9 juillet 2003 - 23:00

Bonjour,

Dans la reponse a la question 501 concernant l'enseignement du Baal aTania et cette remarque d'une personne convertie, l'on conclue que "Les deux opinions se tiennent". Or personellement, si un grand d'une generation ou une personne fraichement convertie me font remarquer tous deux des points de vue opposes, je sais generalement a qui je ferai plus confiance.. Ou est-on en droit de tenir pour juste ce qui nous semble le plus correct sans tenir compte de la source? Dans ce cas il y a beaucoup de pieges que pourraient nous tendre notre intellect. Le Ramhal n'explique-t-il pas que l'on devrait plutot ecouter ceux qui sont "au dela du labyrinthe" pour nous diriger (mesilat yecharim) ? Peut etre me trompé-je et y a-t-il d'autres references concernant ce deuxieme avis.. En tout cas les implications de cette conclusions (plus que les idees elles memes) ne donnent pas, a mon humble avis, l'exemple a certaines personnes qui pourraient trebucher en ecoutant des lors quiconque leur paraitrait correct. En ce qui concerne les idees elles memes, les racines de l'admour sont largement traite dans son oeuvre maitresse. Que la force de la torah serait d'attirer tout etre humain (en parcourant tout le panel..), me semble par contre un peu delicat. Quoi qu'il en soit, si d'autres grands en soulignent le point...

Chabat Chalom

Rav Elyakim Simsovic
Lundi 14 juillet 2003 - 23:00

"si un grand d'une generation ou une personne fraichement convertie me font remarquer tous deux des points de vue opposes, je sais generalement a qui je ferai plus confiance" dites-vous. Mais ce n'est pas si simple. En effet, si la personne fraîchement convertie est une spécialiste de la question dont elle a l'expérience existentielle et le "grand d'Israël" tout grand qu'il est n'en a qu'une connaissance "théorique", ils ne sont pas à égalité. Je prendrai un autre exemple. Un juste parfait qui n'a jamais fauté connaît l'idée de Téchouva, mais il ne sait pas ce que c'est vraiment parce que pour comprendre la Téchouva il faut savoir ce qu'est une faute et lui ne le sait pas. De même, dit-on, nul ne peut réparer ce qui lui est extérieur.
Le Baal Hatania aurait probablement répondu à la convertie du dialogue que son argument vient précisément du fait que son âme était juive ce qui lui a fait percevoir l'attraction de la Thora et la convertie aurait pu lui répondre que puisque toutes les âmes et tous les êtres ont leur origine en l'homme unique créé par Dieu, dès qu'une personne s'en souvient, se souvenant de ses origines elle sait sa destination et le Baal Hatania aurait pu remarquer que le coeur ne devait pas nécessairement aspirer à devenir cerveau et que chacun a sa place privilégiée où il accomplit la tâche que Dieu lui a confiée et la convertie aurait dit qu'il arrive qu'une cellule soit en exil et aspire à revenir et le Baal Hatania aurait dit, c'est bien ce que je disais...
Vous voyez bien que tous deux ont raison...
Quant au problème de l'"autorité", Maïmonide nous a déjà raooelé ce principe : "reçois la vérité de qui la dit". La vérité étant à elle-même sa propre preuve, le fait qu'elle soit énoncée par quelqu'un qui n'aurait pas à nos yeux la compétence ou le prestige souhaités ne devrait pas nous influencer. Mais qu'est-ce qui doit être pour nous le critère de la vérité. Sommes-nous plus à même de juger une personne que ses paroles ? Un vénérable viellard avec une grande coiffe et une longue barbe est-il un sage ? Ce jeune homme en jeans avec une boucle dans l'oreille (droite ou gauche selon qu'il est de la marchande ou de la guerre) est-il nécessairement un voyou ? En fin de compte, l'individu peut être trompé, mais le peuple à la longue fait le tri et les fausses traditions sont exsudées comme le corps vivant élimine ses toxines.
Suffit-il que quelqu'un me dise : je suis sorti du labyrinthe pour que ce soit vrai ? Si je n'ai pas été moi-même au-delà du labyrinthe quelle preuve me convaincra ? Et si je vous donne la réponse, pourquoi me croiriez-vous ?
Comment Abraham sait-il que celui qui arrête son couteau parle au nom de Celui qui l'avait d'abord exigé ? Peut-être est-ce le Tentateur qui veut l'empêcher d'accomplir la volonté divine ?
La réponse que j'ai reçue pourrait se résumer ainsi : le sens moral (ou la bonne santé morale) d'une intelligence droite.

Anonyme
Lundi 14 juillet 2003 - 23:00

suite 8019

Cher Rav,

"En effet, si la personne fraîchement convertie est une spécialiste de la question dont elle a l'expérience existentielle et le "grand d'Israël" tout grand qu'il est n'en a qu'une connaissance "théorique", ils ne sont pas à égalité" soulignez vous des lors. Cependant, a raisonner ainsi, vous remettez en cause le fait que des tsadikim ont une vision des choses qui transcende le naturel. Qui transcende l'experience. De plus, cette personne naissante ou d'une saintete moins developpee, toute experimentee qu'elle est, pourrait bien voir de travers. Quant l'on dise que nul ne peut reparer ce qui lui est exterieur, soit. Mais c'est bien de reparation dont on traite, non pas de jugement ni de savoir absolu. De plus le Baal Hatania aurait plutot remarquer que le coeur "n'aurait pu" aspirer à devenir cerveau ... ;-)
Lorsque le Rambam dit :"reçois la vérité de qui la dit" il emploi bien le mot "verite". Et ce n'est donc pas un probleme de juger plus une personne que ses paroles, mais plutot de savoir si tel dit est verite. Or, comment peut on juger ses paroles? Je crois que la est le probleme. ?Nous n'avons pas (du moins je n'ai pas) de moyen evident de receler la verite. D'ou l'interet aussi de rester attacher a des hahamim qui eux meme ont pu recevoir cetlle ci (ou cette maniere "veridique" de penser) par leur maitres. Et generalment il n'y a pas tant de probleme pour saisir "qui est au dehors du labyrinthe". La intervient cette intelligence morale dont vous parlez. Cependant, aussi grand soit on, il est vraie que l'on ne peut jamais etre sur que l'on soit au dela du brouillard. D'ou justement, de nouveau, une seule solution celle de regarder plus haut que soi.
"Le sens moral (ou la bonne santé morale) d'une intelligence droite": d'accord en general. Mais parfois il n'est pas evident de voir clair. Cette clairvoyance ne devrait elle pas plutot des lors servir a distinguer les sources de bien que le bien? Certes a etre sage l'on peut filtrer cette verite d'un gaillard de la marchande ou de la guerre.. Mais a nouveau, suis je sage pour saisir le bien?
Merci de donner encore quelques petits eclaircissements.

Cordialment,

Rav Elyakim Simsovic
Lundi 14 juillet 2003 - 23:00

Ce que vous dites explicite effectivement les aspérités du problème et c'est vrai que nous devons nous laisser guider par les guédolim. Mais ça ne résoud pas le problème car la responsabilité de décider à qui on pose nos questions reste nôtre et nous savons bien que les réponses seront différentes selon qu'on s'adresse à celuis-ci ou à celui-là. Ultimement, nous "travaillons sans filet" et nous prenons nous-mêmes la responsabilité inaléniable de préférer l'un plutôt que l'autre. Je veux dire que nous ne pouvons jamais nous cacher derrière quiconque car du choix de derrière qui on a choisi de se cacher nous aurons aussi à rendre compte.
L'exemple de la formule de Maïmonide illustre bien ce problème. Car il supose que nous ayons des critères pour déceler la vérité : en effet, si je connais déjà la vérité peu m'importe de qui la répète. Mais si je dois l'entendre de qui la dit pour l'apprendre, cela suppose que je ne la connais pas d'avance. Comment saurai-je donc que c'est bien la vérité qu'il me dit ? Or, pour nous, il n'y a qu'un seul critère absolu : c'est la Thora. Et je dois donc chaque fois confronter ce que j'apprends et ce que je comprends de ce que j'apprends à la cohérence globale de la Thora tout entière telle que je la connais, c'est-à-dire telle que je l'ai apprise de mes maîtres. C'est évidemment à la fois inconfortable et périlleux. Mais y a-t-il une aute voie ?
Je n'aurais certes pas l'outrecuidance de remettre en question la vision des choses des Tzaddiqim en tant que ce sont aussi des Hakhamim. Mais ce n'est pas moi qui ait inventé l'exemple du Tsaddiq gamour et des Baalé Téchouva : là où se tiennent les repentants authentiques, les justes parfaits n'y ont pas place (maqom chè baalé téchouva omdim cham, tsaddiqim guémourim eynam yékholim la'amod cham [TB Bérakhot, Sanhédrin ; Zohar...]). Le baal téchouva a atteint maintenant le statut de tsaddiq gamour, mais il a eu l'expérience de la faute et il revient donc de plus loin que celui qui n'a jamais fauté. Son épaisseur de mérite est autre. Pourtant, jamais il n'aura lui non plus l'expérience d'une vie entièrement exempte de faute. Chacun est par un aspect de son identité supérieur à l'autre et aucune des supériorités n'est supérieure. Cela veut dire qu'ils sont en fait incomparables et les deux choses sont simultanément vraies.
Une étude de la "faute" de Moïse frappant le rocher dans la paracha de Houqat nous montre qu'il était parvenu dans sa vie personnelle à un tel degré d'élévation que cela le rendait incapable de rester le berger d'Israël. Un autre - de moindre envergure, mais par là aussi plus proche de son peuple - sera chargé de faire entrer le troupeau dans la bergerie, le pays d'Israël. S'il en est ainsi de Moïse lui-même, n'est-ce pas une mise en garde quant au fait que le problème des Guédolim peut être leur grandeur même ? Qu'être si complètement pénétré de la Thora peut rendre aveugle à la difficulté de ceux qui se débattent encore dans des problèmes qu'ils n'ont jamais connu ou qu'ils ont depuis si longtemps si complètement résolu qu'ils n'ont plus conscience de la difficulté ?
Le Talmud s'interroge : comment Moïse peut-il dire "qu'est-ce donc, Israël, que Hachem réclame de toi ? seulement de Le craindre..." La crainte de Dieu serait-elle une si petite chose ? Et la réponse : oui, pour Moïse, c'est une petite chose, car il a surmonté le problème.
(Bérakhot 33b : Zohar).
Aucun des arguments que je développe ici n'a la prétention de supprimer vos questions. Elles restent posées. Ils tendent simplement à mettre en évidence que les questions restent posées même dans le cadre de la direction que vous indiquez : faire confiance aux tsaddiqim ne résoud que partiellement et provisoirement la question ; nous devons apprendre à marcher avec nos propres pieds et pas nous laisser porter dans les bras d'autrui, aussi aimants soit-ils et aussi douillette que soit la douceur de ce bercement.