Conversation 502 - Homosexualité et masturbation: quel mal?

Anonyme
Mercredi 3 juillet 2002 - 23:00

bonjour,

je suis effarée par vos réponses sur la masturbation ou l'homosexualité et d'un autre côté, elles sont conformes à tout ce que j'ai déjà lu ou entendu depuis toujours dans le judaisme..
rien ne change parce que les vrais religieux sont les gardiens, les garants de la parole et de l'écrit ; dans un sens, c'est bien, cohérent mais dans l'autre, c'est ôter pour peu beaucoup au reste.. et désespérer billancourt !

dans mon cas, je suis juive, je ne me masturbe pas, je ne suis pas homosexuelle & j'aime bien ma religion.. mais, mais,

pourtant, comment peut-on penser aujourd'hui comme hier que la masturbation rend sourd, que c'est un vice, qu'il faut faire des efforts, que les émissions spermatiques hors procréation sont assimilables à des meurtres, ect ?

j'ai la parole libre et des amis à travers les ans, des lectures à travers les siècles qui ont montré (particulièrement chez l'homme) qu'un semblant de maturité physiologique n'équivaut pas à une maturité psychologique qui permettrait un mariage à 15 ans du fait de pulsions sexuelles naissantes et itératives ; que la masturbation est si fréquente - vous ne semblez pas l'imaginer - qu'elle est gage de normalité ; que le désir de se masturber n'est pas un mal en soi puisqu'il va dans la satisfaction d'une pulsion naturelle (comme le manger, le dormir) que l'on peut plus ou moins "canaliser" mais pas enrayer et continue dans l'idée de respect puisqu'il n'entraîne pas une autre personne que soi dans son accomplissement ; qu'on ne peut être criminel d'un éternuement comme d'une masturbation ; que la culpabilité que le judaisme fait naître chez toutes ces personnes qui sont "démangées" non par un démon quelconque ou par une mauvaise nature qu'ils auraient (les pauvres !), est à mon sens la vraie perversité.. le véritable meurtre à un niveau spirituel..

se masturber ne peut être un mauvais penchant, un péché, un défaut ou pire, un meurtre ; c'est ce qui est et rien n'y est négatif que cette interdiction complètement folle et culpabilisante..

j'aime le judaisme dans la partie importante qu'il accorde au plaisir dans un couple mais un plaisir personnel, non pour autant égoiste, un désir naturel se transforme tout à coup en perversité contre laquelle il faudrait lutter.. au nom de quoi ? parce que la personne a 13 ans ou 50 ans et qu'elle ne peut se marier ? et si elle est déjà mariée et a des pulsions masturbatoires ou émet des éjaculations nocturnes, est-elle dans le péché ? à ce rythme, tous les adolescents du monde entier le sont..
c'est complètement incohérent..

il faudrait refaire la nature.. et je ne crois pas au libre arbitre.. on ne peut changer qu'une infime partie de soi-meme..

pour les homosexuels, c'est idem :

n'avez-vous jamais vu des tous petits garçons voulant se maquiller à 2 ans, jouant à la poupée à 3 et s'habillant en fille à 4 ?
moi j'ai vu cela.. j'ai vu aussi des parents qui faisaient tout pour enrayer ce processus et qui n'obtenaient que de la frustration, de la culpabilité..
j'ai vu aussi certaines de ces personnes qui essayaient d'elles-mêmes, plus âgées, de se détourner des hommes pour s'intéresser à la femme avec.. dégoût mais résignation..
quel bonheur ! enfin dans le droit fil judaique et leur identité vitale gâchée à vie..
ces homosexuels contrariés sont-ils des maudits à la naissance qui ont devoir de se racheter de ce qu'ils sont ? qu'ont-ils fait de mal pour cela ? pourquoi ai-je la chance d'être hétérosexuelle dans mes goûts et acceptée évidemment par la communauté et pas eux ?
les voleurs juifs sont acceptés par la communauté mais le caractère ostensible des homosexuels les prive de cette acceptation, les pousse encore plus en marge de la société, frustre leurs penchants religieux et leur inscription dans la vie juive et la vie identitaire..

j'ai vu à un défilé, il y a des années, bien avant l'existence de la gay-pride, un groupe d'homosexuels juifs réunis sous une bannière qui m'expliquaient qu'ils étaient exclus par leurs familles et que la communauté juive les avait bannis tant qu'ils restaient "dans cet état"..
les pauvres se démenaient pour trouver un local afin de se réunir pour célébrer les fêtes juives ensemble puisque tout le monde les avait renvoyés à leurs chères études d'instrospection et de dé-invertissement que pour la majorité, ils ne pouvaient mener à "bien"..

en quelque sorte, les homosexuels juifs ne sont pas considérés comme juifs, alors même qu'ils le sont, qu'ils se sentent ainsi, qu'ils respectent les commandements, qu'ils s'escriment à pratiquer, à prier, à se réunir, à fêter les fêtes rituelles, ect..
si vous les excluez en tant que juifs et en tant qu'hommes, vous commettez un meurtre : que reste-t-il d'eux sur terre ?
quelle terrible responsabilité !

tout cela a rapport avec le sexe qui, bien qu'évoqué dans le cadre du mariage hétérosexuel, n'a plus aucun droit de cité avant ou après..
le sexe c'est sale si ce n'est pas avec la bonne personne au bon moment..

voyez-vous, j'aime ma religion mais 2 ou 3 grosses taches comme la façon dont on doit considérer la masturbation, l'homosexualité m'empêchent de la considérer elle, comme parfaite et de la pratiquer parfaitement..

je sais que vous allez me répondre que tel texte a dit que et tel grand tsadick a dit que, mais la réalité est à la fois plus prosaique et plus spirituelle et ces considérations générales sur les zones de l'intime qui ne relèvent pas de la volonté de la personne, ne devraient même pas être évoquées si c'est pour en dire de telles horreurs - surtout quand on n'est pas concerné et qu'on ne peut vivre ce que vit l'autre..
les concernés souffrent de l'anathème du religieux..
pitié & empathie pour eux..

bien à vous
'''

Rav Elie Kling
Lundi 12 août 2002 - 23:00

Commencons par la fin. Vous dites: "j'aime ma religion mais 2 ou 3 grosses taches...m'empechent de la considerer comme parfaite et de la pratiquer parfaitement". Il en ressort que votre decision de pratiquer depend du jugement que vous portez sur telle ou telle Mitsva. Or la demarche devrait etre inverse. La decision de rester ou non fidele a la Tora devrait provenir de considerations bien differentes. Par ex: croyez vous en D.ieu? Croyez vous qu'Il nous a donne la Tora? Pensez vous qu'il soit important que le Judaisme perdure jusqu'a la fin des temps? Pensez vous que pour cela il soit necessaire que les Juifs respectent la Tora? Si la reponse a ces questions est "oui", pourquoi le fait de ne pas comprendre certaines Mitsvot , voire de s'insurger contre ce qui semble etre leur signification, devrait-il conditionner leur accomplissement? Vous avez la gentillesse de ne denombrer que 2 ou 3 taches sur l'ensemble. J'en deduis que vous reconnaissez a la Tora certaines zones lumineuses. Admettons que le Chabat en soit une et que donc vous decidez de le respecter. Que se passera - il si demain , a la lecture d'un livre ou apres une discussion avec un ami, vous arriviez a la conclusion que tous comptes faits, les interdictions du chabat sont incongrues, ridicules et , pour tout dire, depassees, abandonneriez-vous la pratique du chabat pour autant? et si apres demain vous changez a nouveau d'avis? Et si chaque juif reagissait comme vous? Avouez qu'alors le judaisme aurait un bien triste visage et qu'il ne tiendrait pas la route tres longtemps! Vous avez peut etre l'impression que je m'eloigne de votre sujet mais je crois qu'au contraire cette precision de principe est indispensable pour tracer les limites de notre echange. Il est bien sur preferable d'accomplir les Mitsvot en s'identifiant a elles et donc en les comprenant (ou en croyant les comprendre) du mieux posible, mais en aucun cas , cette identification doit etre une condition pour l'accomplissement. Comme l'avaient deja dit nos ancetres au Sinai: "nous ferons (dabord) et nous comprendrons (ensuite)". Ceci etant pose, essayons de comprendre le point de vue de la Tora sur les deux sujets de votre question.
La position du judaisme concernant la masturbation masculine provient du respect que l'on doit a la vie et a sa saintete. (Un respect si grand que vous le savez, quand la vie de l'homme est en jeu , la plupart des autres regles s'effacent). Ce respect implique qu'il est interdit de gacher le potentiel de vie contenu dans le sperme a seule fin d'en tirer une jouissance personnelle. Le judaisme concoit que les rapports sexuels ne se restreignent pas a la mitsva de procreaton. Ainsi, par ex., est -il permis d'avoir des relations avec sa femme meme lorsqu'il n'y a pas de fecondation possible (grossesse , menopause, etc...). encore faut-il que le plaisir de l'autre soit implique. Le probleme , dans la masturbation , c'est que le potentiel de vie est gache pour un plaisir solitaire et donc egoiste. Bien entendu, il ne s'agit pas de culpabiliser l'adolescent ou de le traumatiser (je ne sais pas ou vous avez vu sur ce site quelqu'un faire allusion a la ...surdite!) . Bien sur, il faut savoir lui exliquer la chose avec tact. Bien sur, il faut avoir aussi present a l'esprit que l'exigence est difficile a respecter et que nombreux sont ceux qui n'y arrivent pas. Mais je sais qu'il est possible d'expliquer les raisons de l'interdit et d'obtenir , si ce n'est a chaque fois son application, tout au moins sa comprehension.
Je m'apercois que ma reponse est deja tres longue et que nous n'avons pas encore aborder le theme de l'homosexualite. J'espere que vous ne m'en voudrez pas si je vous renvoie a ce qui en a deja ete dit sur ce site ou ailleurs. Faute de quoi, ma reponse ressemblerait plus a un livre qu'a un rapide point de vue donne sur le net... (pour ma defense , reconnaissons que votre question ne brillait pas ,elle non plus , par sa brievete...)