Conversation 59624 - Mes parents ne veulent pas que je fasse l'armee

bizaroid
Samedi 15 octobre 2011 - 23:00

boonsoir
voila je suis monté seul en israel cette année dans l'optique de faire un ans de yeshiva cette année puis l'armée (je voudrais etre combattant ) l'année prochaine si d veut et de rester vivre en israel . Mais voila mes parents (surtout ma mere ) restée en france ne veut pas que je fasse l'armée pretextant que c'est dangereux etc... ai-je la mitzva de kivoud av vaem qui s'imposse ? puis-je quand meme alle a l'armée meme si elle veut pas ? ya t'il une plus grande mitzva de defendre son pays ou d'ecouter ses parents ? et derniere question ou c'est marque que defendre son pays en etant a l'armée est une mitzva (je ne sais pas lui dire ou cela est marque ) ?
merci beaucoup

Rav S.D. Botshko
Mercredi 26 octobre 2011 - 00:14

Mes félicitations pour votre désir de faire l'armée.
Les guerres menées par Israël étant des Milkhamot Mitsva, tout un chacun est tenu d'y participer. Le Rambam nous dit, que même le Hatan doit s'enrôler.

Aussi, vous n'êtes pas tenus d'écouter vos parents, ceux-ci ne pouvant pas empêcher leur enfant de faire une Mitsva.

avec toutes mes Berakhot pour que la protection de Hachem vous accompagne dans cette démarche courageuse.

haviv-ba
Samedi 22 octobre 2011 - 23:00

Chalom.
59624,
Je suis désolé mais je ne peux pas comprendre comment nous pouvons encourager une personne qui veut s'engager dans l'armée contre la volonté de ses parents, surtout que si il meurt ce serait catastrophique pour sa famille. Si ses parents lui demandait de transgresser un interdit je serait d'accord avec lui mais là je ne peux pas.
surtout que dire à quelqu'un de s'engager dans l'armée serait encourager les guerres que font Israel (malgré que j'aime beaucoup israel parceque ce pays nous permet de pratiquer le judaisme et de défendre les juifs du monde entier) et pour moi,encourager rien qu'une seule guerre c'est encourager la guerre en générale.
encourager les guerres d'israel me donne la désagréable impressions que nous autres juifs, nous prônons la paix mais voulons la guerre.
Pouvez-vous tous m'expliquer? merci.

Rav S.D. Botshko
Mercredi 26 octobre 2011 - 00:15

Si Tu veux la paix, prepare toi à la guerre.

Nous ne voulons pas de guerre, mais nous ne voulons pas non plus être exterminés par nos ennemis.

Israël est en état de guerre permanente contre ceux qui veulent sa destruction.

Se défendre est une mitsva de la Thora et pour se défendre il faut s'entraîner.

Et un jeune qui veut donc faire son armée fait son devoir et qu'Hachem le bénisse et le protège..

chadhanite
Lundi 24 octobre 2011 - 23:00

A propos de la question 59686.

Chalom!
Je n'avais pas vraiment osé rentrer dans le débat, mais je suis entièrement d'accord avec la première partie du message de Haviv ("Je suis désolé mais je ne peux pas comprendre comment nous pouvons encourager une personne qui veut s'engager dans l'armée contre la volonté de ses parents, surtout que si il meurt ce serait catastrophique pour sa famille. Si ses parents lui demandait de transgresser un interdit je serait d'accord avec lui mais là je ne peux pas.").

On ne peut pas généraliser. Pour certains parents, non seulement perdre leur enfant mais aussi "seulement" ne plus le voir car il a fait l'alia, peut dévaster leur vie. Surtout si eux ne peuvent pas suivre (je ne parle même pas de parnassa, mais de raisons de santé, âge, plus le droit de voyager ou autre).

Il y a une différence entre les parents qui ont 5 fils et les veulent tous autour d'eux pour les aider parce qu'ils ont la flemme, et le fils unique de survivant de la Choa qui est TOUT pour sa famille, au point que son simple départ peut et va causer dépression ou pire.
Moins extrême, peut-être que simplement le garçon est le dernier encore en France et il aide ses parents âgés qui n'ont ni les moyens de se payer une aide ni l'envie de finir dans une maison de retraite "pas chère".

Derrière ces questions il y a de vraies vies, et BH la halaha prend toujours cela en compte lorsqu'on décide a propos d'une chééla concrète (un débat théorique est différent).

Rav S.D. Botshko
Mercredi 26 octobre 2011 - 00:17

Un fils unique ne sert pas en tant que combattant sauf si il y a l'accord des parents.
De toute façon pas chaque soldat est combattant, un très grand nombre (la majorité) servent dans tout ce qui fait marcher cette immense organisation qu'est l'armée.
Mais c'est vrai Il y a toujours des cas particuliers.
Le principe est qu'un enfant n'est pas la propriété des parents et qu'un enfant une fois majeur doit mener sa vie selon ce qui correspond à son être. Selon la Halakha (Yoré Déa chapitre 240), les parents ne peuvent pas s'opposer au conjoint avec qui il va se marier, ni le maître en Thora qu'il veut suivre et bien entendu ne peuvent pas empêcher quelqu'un de faire son devoir.
Si on comprenait ce principe si important que les enfants ne sont pas une propriété des parents, on n'empêcherait bien des divorces qui prennent leur source dans la tragédie d'un enfant qui n'a pas pris son envol.

Phanouman
Lundi 24 octobre 2011 - 23:00

Après avoir lu votre réponse 59624 et 59686 je me suis interrogé.
Votre attitude est-elle une provocation qui vise à tenter d’embrigader le plus de jeunes français dans l’armée, en fermant totalement les yeux devant les conséquences d’une telle position. Ou êtes-vous conscient des tenants et aboutissants lorsque vous encourager ce jeune à contrevenir l’avis de ses parents ?

Au-delà du problème éthique qui consiste à prôner la guerre selon la Torah! Le djihad existerait donc pour vous dans la tradition juive? La valeur d’une vie humaine est-elle si négligeable à vos yeux pour la sacrifier sur l’autel de quelconque idéologie ? Je suis désolé de vous dire que Non, notre jeunesse n’est pas de la chair à canon !

Je n’ai cependant pas choisi de baser mon argumentation sur un plan éthique ou historique mais uniquement sur des références de Torah.

En effet vous écrivez (sans donner de référence) : 'Si tu veux la paix prépare la guerre'. Nous pourrions croire cette phrase tirée des Pirké Avot ou peut-être même de Mishlei ?
Il n’en est rien il s’agit d’un extrait du "Traité de l'art militaire" de Végèce, historien latin de Constantinople du IVe siècle avant l’ère vulgaire. En Latin dans le texte : "SI VIS PACEM, PARA BELLUM.
Vous faites donc passer une vulgaire citation latine pour une parole de sagesse Juive !

Votre argument essentiel pour encourager ce jeune à faire l’armée à l’air d’être un Rambam que vous citez (à nouveau sans référence !) « Les guerres menées par Israël étant des Molkhamot Mitsva, tout un chacun est tenu d'y participer. Le Rambam nous dit, que même le Hatan doit s'enrôler. »

Il s’agit à nouveau d’une véritable Genevat Daat (tromperie) car Maïmonide ne parle absolument pas de l’armée actuelle.

En effet le texte se trouve dans Mishné Torah Hilkhot Melakhim (ch.5 ; h.1 et 2).

Maïmonide dit qu’il existe 3 guerres qui sont considérées comme guerre de Mitsva: la guerre pour la conquête de la Terre d’Israël (au temps de Josué), la guerre contre Amalek, et une guerre pour sauver le peuple juif d’un oppresseur. Toute autre guerre comme celle pour agrandir les frontières d'Israël au-delà des frontières d'origine sont considérées comme facultative (guerre de Reshout).

Le Rambam explique que la différence qui existe entre ces deux types de guerres (Mitsva et Reshout) réside dans le fait que pour une guerre de Mitsva le roi peut imposer au peuple d’Israël de partir en guerre sans avoir besoin de l'approbation du Sanhédrin (tribunal suprême de 71 Dayanim) et sans oracles (Ourim et Toumim), par contre la guerre de Reshout le roi ne peut la mener sans l’autorisation du Sanhédrin.

Nous comprenons donc que ces deux types de guerres (Mitsva et Reshout) ainsi que les règles qui leurs sont attenantes ne sont plus applicables de nos jours, car le Rambam pose comme préalable essentielle à toute guerre l’existence d’un roi.

Or ainsi qu’il est dit dans le Rambam Hilkhot Melakhim (ch.1 ; h.3) la nomination d’un roi ne peut se faire que par un Sanhedrin de 71 anciens ainsi qu’un prophète.
Nous savons malheureusement que depuis la destruction du temple toutes ces conditions n’existent plus puisque nous n’avons ni prophètes, ni Sanhedrin, ni roi, et par voie de conséquence plus de guerre de Mitsva.

Nous trouvons des preuves en ce sens dans deux décisionnaires majeures.

Le Hatam Sofer (Even Haezer 155) explique la règle du jeune marié (Devarim 24 ; 5) : 'Si quelqu'un a pris nouvellement femme, il sera dispensé de se rendre à l'armée, et on ne lui imposera aucune corvée: il pourra vaquer librement à son intérieur pendant un an, et rendre heureuse la femme qu'il a épousée.'
Le Hatam Sofer fait remarquer que le Smak (Sefer Mitsvot Katan) de Rabbi Isaac de Corbeil ne parle pas de cette Mistva. Il explique que l’habitude de ce baal hatosfot est de ne citer que les règles qui sont applicables de nos jours : le Smak omet donc volontairement la question de la guerre car elle ne se pose plus aujourd’hui en l’absence de royauté.

Le Noda Biyoudah (Mahadoura Tinyana Even Haezer 129) explique la règle de la Yefat Toar (femme de belle apparence) : 'Quand tu iras en guerre contre tes ennemis, que l'Ét-ernel, ton D-ieu, les livrera en ton pouvoir, et que tu leur feras des prisonniers; Si tu remarques, parmi les captifs, une femme de belle figure, qu'elle te plaise, et que tu la veuilles prendre pour épouse, tu l'emmèneras d'abord dans ta maison; elle se rasera la tête et se coupera les ongles, se dépouillera de son vêtement de captive, demeurera dans ta maison et pleurera son père et sa mère, un mois entier. Alors seulement, tu pourras t'approcher d'elle et avoir commerce avec elle, et elle deviendra ainsi ton épouse.' (Devarim 24 ; 5)
Le Noda Biyoudah explique que cette Mitsva n’est plus applicable de nos jours, car le Sanhedrin a cessé de fonctionner déjà à l’époque des Tanaïms (Maitres de la Mishna) et que depuis la destruction du temple nous n’avons plus de roi ni de soldat pour mener une guerre de conquête.

Il est triste de constater la façon que vous avez de négliger les références et encore plus cette de tromper le lecteur sur le contenu des enseignements de nos Maîtres.

Il est triste de vous voir utiliser votre position de rav pour tromper votre lecteur qui pense que votre parole est de faite Toraïque et qui risque de baser sa vie sur vos conseils, alors que vous trahissez les enseignements de nos Sages pour servir une idéologie

J’espère que ce jeune garçon saura ouvrir les yeux face à toute la propagande qui est véhiculée à travers votre message et qu’il comprendra qu’il n’existe aucune guerre de mitsva de nos jours si ce n’est celle de combattre l’hérésie.

Rav S.D. Botshko
Jeudi 27 octobre 2011 - 03:41

Cher Ami,
Le ton de votre lettre me laisse perplexe. Pourquoi ne pas exprimer son désaccord de manière respectueuse sans accuser de provoquer, d'embrigader, de proner le djuhad, de faire des enfants de la chair à canon et même d'hérétisme.

Je pense effectivement que l'on doit se préparer à la guerre pour l'éviter. Pendant deux mille ans nous étions sans défense et on pouvait nous tuer sans que nous ne puissions rien faire. Une poionée d'hommes armés pouvaient amener des centaines de personnes dans des chambres à gaz sans qu'ils ne puissent rien faire.

Grâce à Hachem, cette époque est révolue. Hachem dans Sa grande Bonté a eu pitié de nous et nous a ramené sur la terre qu'il nous a donnée et nous a créé un état qui organise une armée pour défendre notre peuple. Mais il faut savoir que l'on n'a pas le droit de se fier aux miracles et que cette aide d'Hachem ne vient que si nous faisons nous-mêmes ce qui est en notre devoir.

La Guerre de défense n'est pas le djuhad et ceci est une insulte et du lachon Hara non seulement contre un individu mais contre la collectivité d'israël. Non, les enfantts d'Israël qui servent au sein de Tsahal ne sont pas assoiffés de sang, ne veulent pas la guerre, mais ils sont prêts aux plus grands efforts pour défendre leur peuple.

Je suis père qui a des enfants soldats dont un sous les drapeaux aujourd'hui pour plusieurs années et j'ai des élèves qui servent dans toutes les unités avec leurs frêres de tout Israël. Nous devons leur dire merci aui lieu de les considérer comme vous l'avez fait.

D'ailleurs, ils suivent en cela les grands d'Israël de tous les temps. C'est bien Avraham qui est parti en guerre pour sauver Loth, c'est bien Jacob qui se prépare à la guerre contre Esaü. certes il prie, mais ne se contente pas de la prière.
Moïse notre Maître tue un Egyptien qui s'en prend à son frêre juif, puis mène lui-même des guerres. Le suivront en cela Josué, les Juges, les Rois, les Maccabées, Rabbi Akiva lui-mmeme qui soutiendra Bar Kokhba.
Aujourd'hui aussi, nombreux sont des grands Talmidé hahamim qui servent dans l'armée et sont un exemple pour tous.

Maïmonide dit que la guerre de défense est une guerre obligatoire et il est bien entendu logique qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un roi pour devoir se défendre. Ceci est dit explicitement dans le Choulkhan Aroukh au Chapitre 329, 6 que l'on profane le Chabbat el prend les armes même le chabbat pour défendre les juifs.
Regardez aussi à ce propos les paroles de Rabbi Menahem Shnnersonh de Loubavitch dans Torat Menahem 5727 parachat Masseé qui dit cela de manière tout à fait explicite.
Lisez aussi les enseignements du rav Kook dans ses responsa Michpat Cohen pages 305 et suivantes. Ajoutons aussi, que le gouvernement d'Israël a des prérogatives de roi pour de nombreux sujets, entre autre la levée des impôts et c'est ainsi que le Rav Ovadia Yossef dit que la loi du royaume est la loi s'applique aussi pour le gouvernement d'israël.

Vos références de Hatam Sofer et du Noda Biyehouda sons sans rapports. En effet, il est déjà écrit dans la guemara et tranché dans le Rambam que la loi du marrié qui n'a pas besoin de faire la guerre ne s'applique que pour les guerres autorisées et( non pour les guerres obligatoires et que par conséquent elles n'ont pas cours de nos jours, mais pour les guerres obligatoires, ces personnes ne sont pas quittes de la Mitsva. Et ici nous connaissons tous l'historie de cet héros Aaron Karov qui le jour même de son mariage est parti à la guerre de Gazza et y a été grièvement blessé puis miraculeusement sauvé. De même pour les lois de la femme prisonnière qui n'ont pas cours de nos jours pour la même raison.

De toute manière ces deux décisionnaires ont vêcu bien avant la création de l'Etat d'Israël.

Mais surtout de grâce, nous pouvons être d'opinions différentes, mais restons respectueux les uns des autres.

J'ajoute ici un chapitre de mon livre "Y a-t-il une obligation de vivre en Israël" dans lequel je cite intégralement une réponse de mon père zatsal sur la question du service militaire pour ceux qui étudient la Thora

CHAPITRE 14
ÉTUDE DE LA THORA ET SERVICE MILITAIRE
Dès la création de l’État d’Israël, un problème nouveau heurte les consciences religieuses: fallait-il interrompre l’étude de la Thora pour servir dans l’armée ?
Un élève de mon père qui étudiait dans une yéchiva en Israël s’est adressé à lui pour demander son opinion. C’était en 1967, juste après la guerre des Six jours. À cette époque, les yéchivot hesder permettant de mener de front des études talmudiques avec le service militaire n’existaient pas. Je livre ici la traduction intégrale de la réponse qu’il a faite à l’époque et qui garde toute son actualité, cette question troublant aujourd’hui encore une jeunesse à la recherche d’une authentique voix de la Thora :

Mon cher,
Vous avez demandé mon avis à propos du service militaire des élèves des yéchivot dans l’armée israélienne. Je dois avouer que je suis moi-même perplexe et troublé face à cette question car il est difficile d’adopter une position claire et nette sur un tel sujet. Nous devons trancher ici entre deux valeurs fondamentales, l’étude de la Thora d’une part, la sécurité du peuple et de l’État d’autre part. Donner la préséance à l’une conduit à négliger l’autre ; qui peut décider laquelle est la plus importante ? Nos plus grands sages ont eux-mêmes débattu pour tenter de déterminer s’il fallait accorder la primauté à l’étude ou à l’action . Leur conclusion selon laquelle l’étude l’emporte car elle mène à l’action, a elle-même fait l’objet d’une polémique entre les Richonim , Rachi et les Tossaphistes ; ils s’interrogent sur sa signification : laisse-t-elle entendre que la primauté appartient à l’étude ou à l’action ?
Le fait qu’il soit difficile de parvenir à une position claire sur ce problème ne nous dispense pas d’en débattre autant que nécessaire. Quelle que soit la conclusion à laquelle on aboutit, il ne saurait être question de dénigrer le point de vue adverse. C’est pourquoi, il m’est pénible de constater qu’en Israël, les tenants de ces deux conceptions s’excluent et se méprisent.
Après réflexion, il me semble qu’il convient d’aborder et d’analyser cette question sous trois angles : les principes, leurs conséquences et la dimension psychologique. J’examinerai tout d’abord les arguments qui tendent à dispenser les élèves de yéchiva du service militaire.
Les principes :
1) L’étude de la Thora est plus importante que tout, et celui qui s’y adonne est exempté de toutes les autres obligations. Celui qui se place sous le « joug de la Thora » est dispensé de ses devoirs civiques et des obligations liées à la vie quotidienne. Selon la halakha , les sages de la Thora sont exemptés de divers impôts et autres devoirs car la Thora est la valeur suprême. Quiconque impose une besogne ou un fardeau à celui qui étudie la Thora porte atteinte à son honneur.
2) C’est justement pour assurer la sécurité du pays qu’il importe d’étudier nuit et jour car la Thora est notre arme la plus efficace et il n’existe pas de plus grand mérite que celui des jeunes enfants qui s’adonnent aux études sacrées. Nous sommes profondément convaincus que ce ne sont pas les armes qui nous assurent la victoire, mais l’aide du ciel et c’est en étudiant toujours davantage que nous pouvons l’obtenir : Israël n’a pu remporter la victoire que grâce au mérite de ceux qui étudient la Thora. Nos sages expliquent à propos de l’expression « Je suis une muraille » qu’il s’agit de la Thora et que ceux qui l’étudient n’ont pas besoin de gardes car elle les protège. De même, lorsque de nombreuses personnes étudient, elles assurent la protection du peuple. L’exemple de Josué qui fut puni pour avoir supprimé l’étude de la Thora en temps de guerre nous le confirme .
3) La nation juive a un corps et une âme. S’il est important de veiller à la sécurité de son corps, il est encore plus nécessaire de veiller à celle de son âme et de son esprit. Nous savons que la terre d’Israël sans la Thora est comme un corps sans âme. Nos sages affirment qu’il est plus grave de faire pécher Israël que de le tuer . Ainsi, rabbi Yohanan Ben Zakaï, en demandant à Vespasien de lui donner « Yabné et ses sages » , assura la pérennité du peuple juif pendant deux mille ans sans État. Sans la Thora et son esprit, Israël n’aurait pu survivre. C’est pourquoi il y a lieu de veiller à notre sécurité sous ce double aspect : les uns assureront la protection du corps et les autres formeront une armée céleste chargée de veiller sur le niveau spirituel de notre peuple afin qu’il ne perde pas sa raison d’être, sans laquelle il n’aurait droit ni à l’existence ni à la renaissance. Nombreux sont d’ailleurs les Juifs non-religieux qui partagent ce point de vue et sont convaincus de la valeur capitale de la Thora qui a permis la survie du peuple en diaspora ; ils estiment qu’il ne faut pas négliger ce patrimoine spirituel ni abandonner notre tradition nationale.
Conséquence des principes énoncés ci-dessus :
1) le service militaire conduit à gaspiller du temps qui pourrait être consacré à l’étude de la Thora (bitoul Thora).
2) Cette perte de temps s’étend à la période qui précède l’incorporation et à celle qui suit le service militaire. Le jeune qui s’apprête à partir à l’armée n’a plus le temps ni la patience d’étudier ; il n’en a plus toujours la même envie car ses centres d’intérêt ont changé.
3) Le service militaire est, par nature, profane et matérialiste. Il amoindrit la spiritualité du soldat, son assurance et sa foi car il le fait vivre dans un milieu et une ambiance profanes. Le prophète l’exprime fort bien lorsqu’il affirme « ni par les armes, ni par la force, mais de par mon esprit... » De même, nos sages expliquent que lorsque Jacob parle de ce qu’il a pris « par mon glaive et par mon arc » , il faut comprendre par ma prière et par ma supplication .
4) Mauvaise influence de l’environnement social. Même pour une personne à la foi et au comportement solidement enracinés, il est très dangereux de tomber « d’un si haut sommet dans un puits aussi profond ». Si l’on considère la yéchiva comme une institution vouée à l’étude et à l’éducation, l’armée apparaît comme son contraire, un lieu où on s’éloignerait de la religion et de la morale.
5) L’incorporation des élèves de yéchiva pourrait provoquer la fermeture des yéchivot et diminuer de façon dangereuse l’influence de la Thora.
Si l’on examine la question de ce point de vue, en opposant les deux termes du dilemme – la Thora ou le service militaire – il ne fait aucun doute qu’il est interdit d’abandonner la Thora pour l’armée, quelles que soient les circonstances. Mais cette manière de poser le problème doit être analysée en profondeur car elle repose sur une conception idéologique qui a un aspect psychologique à la fois conscient et subconscient.
1) Attitude vis à vis de l’État : de nombreux Juifs religieux qu’ils en aient conscience ou non considèrent l’État d’Israël comme un élément étranger à la tradition, créé dans un cadre laïc. Même ceux qui ne vont pas aussi loin que les Hassidim de Satmár partagent à des degrés divers leur point de vue. Ils refusent certes d’adopter la doctrine de Satmár, mais ils ne peuvent s’empêcher de penser, en leur for intérieur, que ce sont les plus extrémistes qui détiennent la vérité. Ils considèrent donc l’État d’Israël comme un fait accompli qui n’est admissible qu’a posteriori : maintenant qu’il existe, il convient de perpétuer son existence, de le renforcer et d’assurer sa sécurité, même si sa création ne résulte pas de la volonté divine.
2) Il en est de même pour Tzahal qui est, comme je l’ai dit plus haut, l’incarnation de la force profane à l’état brut. L’armée, comme dans tous les pays du monde, est le symbole de la force et de la puissance, l’antithèse de l’esprit.
Ces Juifs religieux reconnaissent bien sûr, qu’étant donné notre situation, nous ne saurions nous passer de l’armée, mais ils la considèrent comme un mal nécessaire. Nos sages disent déjà qu’il faudra toujours des parfumeurs et des tanneurs ; on peut considérer que les yéchivot représentent les parfumeurs et l’armée, les tanneurs.
Cette approche découle de facteurs subconscients. Examinons, à présent, les motivations conscientes.
1) Les étudiants des yéchivot n’ont aucune considération pour le monde non-religieux. Le monde extérieur à la yéchiva et à la religion n’a pas de réalité pour eux. Ils y voient l’incarnation du mal et s’efforcent d’éviter tout contact avec lui. L’élève de yéchiva doit rester dans son domaine réservé, « les quatre coudées » de son quant à soi, en dehors de ce monde inférieur et négatif.
2) Les yéchivot face à l’action : on répète inlassablement dans toutes les yéchivot que seule la halakha compte pour le Saint Béni Soit-Il et que le monde n’est que vanité et désordre. Tout ce que le monde renferme n’existe que pour ceux qui étudient la Thora au regard de laquelle rien n’a de valeur. Si on considère la Thora comme le symbole de la vie, tout ce qui lui est extérieur est néant, les dirigeants des yéchivot et leurs élèves sont les seuls êtres humains dignes de ce nom, les autres constituant un peuple d’ânes ; tout instant de la vie consacré à une activité autre que l’étude – aussi noble soit-elle – substitue un monde fugitif au monde réel, la mort à la vie, le néant à la réalité.
Telles sont les prémices sur lesquels reposent la philosophie des yéchivot et le rapport à Tzahal qui en découle. Cette dichotomie qui sépare la religion de la vie et qui s’apparente à la conception chrétienne, convient parfaitement aux non-religieux. La plupart d’entre eux ne s’opposent donc pas à ce que les élèves des yéchivot soient dispensés du service militaire car cela fait parfaitement leur affaire : chacun pour soi. Ils affirment qu’ils se réjouissent de l’existence d’un petit milieu qui représente la religion et la Thora et dont le mérite contribue à leur protection. On demande simplement à ces gens là de rester dans leur coin et de ne pas se mêler à la vie quotidienne du pays. Telle est, me semble-t-il, la véritable explication des positions de Moshé Dayan et Chimon Pérès.
Il faut maintenant déterminer si cette approche coïncide effectivement avec la conception de la Thora. Point n’est besoin d’un long discours, vous connaissez « l’approche de Montreux » sur ce point. La Thora n’a pas été donnée aux anges et l’homme ne doit pas aspirer à devenir un ange en dissociant son esprit de son corps. Son devoir n’est pas de se consacrer exclusivement à son intellect et à sa cérébralité au détriment de son corps (« ses 248 organes et 365 nerfs »). Ce qui fait la grandeur de l’être humain c’est justement cette harmonie entre le corps et l’âme. Le Saint Béni-soit-Il, n’a rien créé d’inutile dans le monde : « Et Dieu vit que tout ce qu’il avait créé était très bien » . Toute la création est positive, mais « Dieu l’a créée pour faire » ; cela signifie que l’homme doit lui apporter sa contribution et œuvrer pour conduire le monde à la perfection.
Une polémique oppose l’école de Chamaï à celle de Hillel à propos de la création du monde ; les uns prétendent que ce sont les cieux qui ont été créés en premier et les autres que c’est la terre . Selon le Midrach Rabba, ils ont été créés simultanément L’unicité du créateur implique l’unité de la création et il n’est pas possible de diviser le monde en deux domaines distincts : le ciel et la terre, l’âme et le corps, l’intelligence et l’action, le génie et le saint, la vie quotidienne et la vie spirituelle. L’unité est totale ; elle a pour nom perfection. C’est pourquoi la vie nous a été donnée, accompagnée des mitzvoth. La mitzva nous permet, dans notre vie quotidienne, de sanctifier et de purifier tout ce qui se fait de par le monde.
L’expression « vous serez saints » signifie que nous devons intégrer la Thora à tous les domaines de la vie publique et privée ; la séparer du monde revient quasiment à nier de fait l’unité divine, aboutissant à un dualisme. De même, les sept jours de la création qui comprennent six jours d’action et une journée entièrement chômée, « entièrement chabbat » représentent ou incarnent la création dans sa plénitude. Il nous faut faire régner l’esprit du chabbat tous les jours de la semaine, c’est la leçon de la création du monde. Je n’ai pas besoin de développer cette idée car vous connaissez ma position sur cette question.
J’ai trouvé, chabbat dernier, dans le Midrach Rabba sur la paracha de Yithro, une magnifique remarque à propos du verset « et il dit toutes ces paroles ». Le midrach fait remarquer que Dieu fait tout simultanément, il fait mourir et fait vivre, etc. Le Saint Béni soit-Il n’est pas comparable à un être humain. Un roi de chair et de sang n’est pas capable de faire la guerre, d’être scribe et d’enseigner aux jeunes enfants, alors que Hachem en est capable : hier Il faisait la guerre et aujourd’hui, au Mont Sinaï, Il descend enseigner la Thora à Ses enfants. Nous devons nous efforcer à Lui ressembler en toutes choses...
Nos sages nous ont enseigné qu’il convient de suspendre l’étude de la Thora pour ensevelir un mort ou pour doter une fiancée . Ce n’est pas parce qu’il est plus important de doter une fiancée que d’étudier la Thora, mais parce qu’une telle action constitue l’application de ce qui a été étudié. Si un étudiant est sollicité pour une bonne action, il doit l’accomplir pour appliquer ce qu’il a appris ; c’est ainsi qu’il doit se comporter dans la vie et il doit « mettre la Thora en pratique dans toutes ses activités ». L’étude et l’action finiront pas se fondre et se confondre.
Prétendre que la guerre est une activité profane qui ne doit pas être menée par des personnes religieuses mais abandonnée aux laïcs, est une conception erronée qui ne repose sur aucun de nos textes sacrés. Cette conception résulte sans nul doute de l’influence des non juifs. Chez nous, nous le voyons dans la Thora, la guerre juste est considérée comme l’une des activités les plus sacrée ; elle doit être menée par les sages et les hommes d’esprit. C’est écrit en toutes lettres dans le texte qui dispense d’aller à la guerre « l’homme pusillanime et celui qui a le cœur faible » l’individu rendu craintif par ses fautes, même celui qui n’a fait que parler pendant l’office, (entre yichtabah et yotzer) ne participe pas à l’effort militaire . Selon la Thora, ce ne sont pas « les autres », les non-religieux, qui doivent aller à la guerre, mais les Justes.
Les élèves de yéchiva affirment, non sans orgueil, que c’est grâce à leur mérite qu’Israël a remporté la guerre des Six jours. Il est un peu étrange de voir des gens revendiquer un tel mérite ; nous savons que lorsque quelqu’un revendique pour lui-même un mérite, on finit par l’attribuer à d’autres. Pour en revenir à la guerre des Six jours, il est difficile de savoir à qui revient le mérite de la victoire. On peut établir une analogie avec la destruction du temple, nos Sages rapportent qu’à cette époque, les Juifs étaient absorbés par la Thora, ses commandements et les bonnes actions ; la cause de la catastrophe était la haine gratuite . C’est justement pourquoi il serait bon que les étudiants des yéchivot se fassent incorporer dans Tzahal et y servent dans l’avant garde.
Je peux rappeler à cet égard, ce que j’avais expliqué à propos de la paracha Choftim : « et le Cohen s’avancera et il parlera au peuple et lui dira écoute Israël, vous vous apprêtez aujourd’hui à partir en guerre, que votre courage ne mollisse point ; soyez sans crainte et ne vous laissez point déconcerter etc. » Ce passage donne la réponse à notre question. Étant donné que « le pusillanime et celui qui a le cœur faible », ceux qui redoutent les retombées de leurs fautes sont dispensés d’aller à la guerre, tout le monde pourrait avoir peur d’y participer. En effet, on ne peut jamais être sûr que l’armée ne compte pas un seul homme qui n’ait fauté puisqu’il « n’existe pas un seul juste parfait sur la terre qui n’ait jamais fauté ». C’est pourquoi le Cohen déclare : « Soyez sans crainte et ne vous laissez point impressionner. » La force de la collectivité est fondamentalement différente de celle de l’individu ; le principe de « Chema Israël » s’y applique. Même si vous n’avez point d’autre mérite que celui d’avoir dit le Chema, vous mériterez d’être sauvés (Rachi rapportant un commentaire des Sages). Le texte fait ici référence aux fils de Jacob qui, lorsqu’est évoquée la possibilité d’une imperfection parmi leurs descendants qui pourrait les affaiblir, répondent en chœur au nom des générations à venir « Chema Israël ».
On peut aussi citer le passage de la Genèse dans lequel Abram, ayant appris que son parent était prisonnier, arma ses fidèles, enfants de la maison. En vérité, ce n’est pas sans hésitation, qu’il se lança dans une guerre qui ne lui avait pas été ordonnée par Dieu. Cela ressort clairement du verset : « ne crains rien Abram » . Mais il ne s’est posé toutes ces questions qu’après avoir agi. Au moment de passer à l’action, une seule idée le préoccupait, son parent était prisonnier. (Il s’agissait de Loth qui n’était pourtant pas un juste irréprochable et qui, de plus, était son rival ; voir le Midrash). Il s’est néanmoins empressé, d’intervenir lui même avec "ses fidèles, enfants de la maison", sans avoir recours à un émissaire.
Le Midrach rapporte à propos du passage "il arma ses fidèles" , qu’Abram les passa en revue pour s’assurer qu’ils étaient tous des justes irréprochables ; il trouva une imperfection à chacun et finit par rester seul avec Eliézer. Le monde reposait alors entièrement sur Abram qui était âgé et étudiait à la yéchiva. S’il partait en guerre, qui étudierait ? Et s’il tombait au combat, sur qui reposerait le monde ? Il ne s’embarrassa pas de telles préoccupations ; ayant appris que son parent était prisonnier, il s’empressa de partir en guerre.
De même, lors de la guerre contre Amaleq , l’unité entre celui qui avait transmis la Thora (Moïse) et le chef d’état-major (Josué) était totale. Moïse ne resta pas de côté, il s’assit sur une pierre et éleva ses mains pour donner foi et confiance aux combattants et leur faire comprendre qu’il s’agissait de la guerre de leur génération contre Amaleq. C’est ainsi que Moïse, Aaron et Hour combattirent avec Josué contre Amaleq. Qui Moïse désigna-t-il comme chef d’état-major ? Un laïc ? Certainement pas ! il choisit Josué. Pourquoi Josué ? Le Zohar nous explique que Josué étant le fidèle disciple de Moïse dont il ne quittait pas la tente. C’est lui, le Roch Yéchiva qui s’adonnait nuit et jour à l’étude de la Thora qui fut choisi pour vaincre Amaleq. On trouve dans la Mékhilta citée par Rachi , sur le verset « sors et va combattre Amaleq », que celui-ci signifie : « sors de ton nuage, ton confort spirituel et lutte contre lui. » C’est-à-dire qu’il reçut l’ordre de partir au combat alors qu’il était plongé dans l’étude de la Thora, car cette guerre constituait la mise en application des commandements contenus dans la Thora.
Nos sages rapportent aussi qu’Abraham s’excusa de devoir interrompre une conversation avec Dieu pour accueillir des hôtes (les trois anges dans Genèse XVIII). En effet, l’hospitalité l’emporte sur le dialogue avec Dieu car elle en constitue l’objectif et la mise en pratique. Nos sages (cités par Rachi) expliquent aussi que si les « mains de Moïse s’alourdirent », c’est parce qu‘il avait négligé d’accomplir lui-même ce devoir et en avait désigné un autre à sa place (Rachi sur Exode XVII, 12). Les mains de Moïse, celles-là même qui allaient transmettre la Thora, se sont alourdies pour nous faire comprendre qu’il n’existe pas de dichotomie entre celui qui a transmis la Thora et celui qui doit faire la guerre, tout comme Hachem est à la fois le Dieu de la guerre et celui qui donne la Thora, qu’Il est Un et que Son Nom est Un.
Qui Josué choisit-il comme soldats ? « Les autres » ? Non ! Il sélectionne des hommes de bien, des braves craignant la faute afin que leur mérite les soutienne. Pourtant l’attaque d’Amaleq avait été provoquée par le relâchement du peuple dans l’application de la Thora. Cela ne dispense pas ceux qui étudient de prendre la tête des combattants en temps de guerre car cela représente l’accomplissement de la Thora. Celle-ci ne nous a pas été donnée seulement afin que nous l’étudiions. Maïmonide nous enseigne qu’il est permis de transgresser le chabbat pour se défendre : « c’est une mitzva pour tous les enfants d’Israël qui le peuvent, d’aller porter secours à leurs frères assiégés et les sauver des idolâtres. » C’est encore plus vrai pour le commandement qui nous enjoint d’étudier la Thora et qui ne connaît pas de limites comme la journée du chabbat. Maïmonide ajoute que « pour réaliser ce genre d’action, il ne faut avoir recours ni à des étrangers, ni à des enfants... ; elles doivent être accomplies par les grands d’Israël et ses sages etc. Les hérétiques qui affirment qu’il s’agit d’une transgression du chabbat et qu’ils ne peuvent y participer sont ceux à propos desquels il est dit « Je leur ai donné de mauvaises lois et des règles selon lesquels ils ne pourront pas vivre. »
Par la suite, un ange vient trouver Josué et lui dit : « Hier vous avez annulé le sacrifice quotidien du soir et aujourd’hui vous avez perdu le temps qui aurait dû être consacré à l’étude. » Aussitôt, Josué se retire, et se plonge dans la halakha .
Cela nous montre que seuls ceux qui étudient la Thora peuvent se voir reprocher de la négliger. Josué a été réprimandé parce que l’étude de la Thora avait été négligée pendant la nuit, alors qu’aucun combat ne se déroulait. L’ange lui a montré qu’il n’y avait aucune contradiction entre la guerre et l’étude de la Thora et que les deux étaient compatibles. Le livre et le glaive sont liés à jamais. Ceux qui étudient doivent se battre et ceux qui se battent doivent étudier lorsqu’ils ne sont pas occupés à combattre.
Les sages qui étudient sont exonérés d’impôts mais ils ne sont pas dispensés d’apporter leur contribution à la sécurité et à la vie du peuple, car il s’agit ici de sauver des vies humaines. Il est permis de transgresser des commandements pour sauver une seule vie humaine. Aucun étudiant de yéchiva n’a jamais envisagé de ne pas faire tous les efforts possibles et imaginables pour soigner un malade et le sauver. Ce doit être encore plus vrai lorsqu’il s’agit d’un sauvetage collectif qui concerne une communauté entière. Les Bné Thora (personnes qui s’adonnent à l’étude de la Thora) devraient donc se précipiter pour être les premiers à défendre le peuple. C’était le cas au cours des générations passées. Pendant la période biblique et celle des Hasmonéens, ceux qui étudiaient la Thora prenaient la tête des armées.
On peut aussi évoquer l’exemple de rabbi Aqiba et de tous les sages de sa génération qui, selon Maïmonide, s’imaginèrent que Bar Qokhba était le Messie. Celui-ci aurait donc dû consacrer sa vie à l’étude de la Thora et à la pratique des mitzvot. Pourtant – et ce n’est pas un hasard – il s’adonnait aux activités militaires et menait les guerres de Dieu. Il est établi que rabbi Aqiba s’est trompé. Maïmonide fait cependant remarquer que son analyse était juste ; Bar Kokhba n’était pas le Messie, mais il aurait pu l’être .
Le chef d’État-major, voilà le Messie !
Je crois avoir mis en lumière les fondements erronés sur lesquels reposent les prétendues contradiction et incompatibilité qui existeraient entre l’étude de la Thora et le service militaire. Je pense avoir clairement montré qu’en théorie, ceux qui étudient la Thora et s’y consacrent sont particulièrement tenus de participer à la défense du peuple et d’apporter leur contribution à la sécurité de l’État. Il est possible qu’il faille faire une exception pour celui dont la Thora est la seule activité (Thorato oumanouto) et celui qui est dispensé de toutes les mitzvot, y compris la récitation du chema et la prière. Cependant, je doute qu’il existe en notre génération un seul individu répondant à cette définition. Qui oserait revendiquer un tel statut ? Ceux qui prétendent se consacrer exclusivement à l’étude de la Thora le font au détriment du devoir de préserver les vies de la communauté d’Israël.
Je vais, à présent, aborder la seconde partie de cette démonstration et me pencher sur les conséquences et les implications des principes énumérés ci-dessus.

Peut-on prétendre que la théorie selon laquelle les étudiants des yéchivot doivent faire le service militaire ne peut s’appliquer que lorsque tout le peuple d’Israël se soumet à la Thora et à ses commandements, en situation idéale. On se souvient que le roi Ézéchias, qui menait la guerre de Dieu contre Sennachérib planta un glaive dans le Beth-Hamidrach (lieu d’étude) et menaça de poignarder tous ceux qui n’étudieraient pas la Thora . La formation et le service militaire ne peuvent l’emporter sur la sauvegarde et la vie spirituelle de notre peuple. Si tout Israël étudiait la Thora, tout le monde devrait accomplir son service militaire. À notre époque où l’immense majorité du peuple délaisse l’étude de la Thora, la minorité restante doit compenser. Puisque les autres n’étudient pas, nous ne combattons point. Si l’État imposait l’étude de la Thora à tous les jeunes gens, nos jeunes iraient aussi au service militaire.
Étant donné que le devoir de se défendre ne résulte pas d’un compromis mais constitue en lui-même une obligation sacrée et un commandement important, il n’est pas possible de s’y soustraire sous prétexte que d’autres n’accomplissent pas non plus tous les commandements. Les mitzvot sont du domaine de la responsabilité individuelle et chacun est tenu d’accomplir chacune d’entre elles ; je ne peux pas davantage me dispenser du commandement de défendre mon peuple que de ceux de mettre les téfiline ou d’accomplir de bonnes actions. Néanmoins, étant donné qu’il s’agit d’un commandement non quantifiable et qui peut être partiellement délégué, il convient de prendre aussi de compte les besoins spirituels du pays. C’est pourquoi on peut envisager, en temps de paix, d’écourter le service militaire des étudiants des yéchivot. (Je développerai cette idée par la suite.) Il faut bien-sûr veiller à ce que ce service militaire n’amoindrisse pas l’envergure des études sacrées dans le pays. Comme il s’agit de deux objectifs qui ne sont pas contradictoires, je suppose qu’une solution permettant de les concilier devrait être trouvée.
Il devrait en être de même pour la question de l’influence de l’armée sur la foi, la pratique religieuse et la moralité des appelés. J’ignore si la thèse selon laquelle l’armée aurait une mauvaise influence est fondée et s’il est vrai qu’un certain nombre de religieux ayant accompli leur service militaire ont abandonné leur mode de vie antérieur. Il est possible que ces craintes soient dénuées de tout fondement. On peut même supposer, si l’on réfléchit honnêtement, que le service militaire exerce souvent une heureuse influence notamment en ce qui concerne les relations humaines car il développe des qualités telles que le dévouement envers ses camarades et son pays. J’ai lu dans la presse des récits sur les trésors d’abnégation déployés par certains soldats pour sauver l’un de leurs camarades. Je suis enclin à croire que ces exemples qui contribuent à la formation de chaque soldat, ont une influence au moins aussi profitable que les cours de morale donnés dans les yéchivot.
Même si on accepte l’idée selon laquelle l’armée constitue intrinsèquement un danger pour la foi et la pratique religieuse, on peut se demander si nous ne portons pas une part de responsabilité dans cet état de choses. Les élèves des yéchivot n’allant pas à l’armée, personne ne se soucie d’y créer une ambiance religieuse ; ceux qui pourraient le faire choisissent de se dérober. Il en est de même pour l’État d’Israël auquel certains reprochent d’être un pays laïc ; si nous avions pris une plus large part à son édification, la situation serait bien différente.
Si nous refusons de laisser les étudiants des yéchivot participer à la vie quotidienne, si nous en faisons de simples objets de culte, il ne faut pas s’étonner que le pays ne vive pas suivant les injonctions de la Thora. Si nous ne laissons pas nos jeunes aller à l’université, les médecins, entre autres exemples, non guidés par la religion, risqueraient de pratiquer des autopsies à tort et à travers.
Les dirigeants et les enseignants des yéchivot qui ont des qualités exceptionnelles, devraient s’efforcer de créer un mode de vie compatible avec la Thora et régi par elle. Au lieu de se construire un ghetto et de se retirer de la vie et du monde, ils feraient mieux de concevoir un mode de vie permettant de surmonter les obstacles de l’existence tout en restant religieux. La polémique d’aujourd’hui rappelle, à bien des égards, celle du début du siècle sur les études profanes. En Europe de l’Est on considérait que ceux qui allaient faire des études devenaient des hérétiques (apiqorsim) et c’est ce qui se passait. En revanche, en Allemagne, la doctrine du rav Samson Raphaël Hirsch, Thora im derekh eretz, selon laquelle il n’existe aucune contradiction entre la Thora et la nature, entre le judaïsme et la vie, permit à des milliers de Juifs de devenir médecins ou professeurs tout en restant d’une orthodoxie irréprochable et sans devenir hérétiques.
De plus, il n’y a pas de terrain plus propice que l’armée pour influer sur les autres. Comment pouvons-nous laisser passer une telle occasion, une telle chance de rapprocher ceux qui sont éloignés de la religion et de leur faire découvrir ses trésors. On pourrait nous reprocher plus tard d’avoir négligé ce devoir capital, d’avoir désespéré de notre peuple et de la rédemption, de nous être coupés de la communauté et de nous être contentés de « sauver nos âmes ».
Je suggère donc que les rabbins et les dirigeants des yéchivot fassent les propositions suivantes et exigent leur mise en application.
Le gouvernement devra reconnaître officiellement l’importance de l’étude de la Thora pour l’ensemble de la nation. Parallèlement, les rabbins reconnaîtront publiquement l’importance du service militaire en tant que commandement sacré de la Thora.
En ce qui concerne la durée du service militaire, il est difficile pour un jeune qui vient de passer trois ans à l’armée, d’étudier encore plusieurs années à la yéchiva. C’est pourquoi je propose que toute personne ayant effectué une scolarité de trois ans dans un institut talmudique supérieur, fasse un service militaire abrégé qui durerait un an. Ces jeunes consacreraient ainsi quatre années au salut de la nation, soit un an de plus que ceux qui n’étudient pas à la yéchiva.
Conséquences :
1/ De nombreux religieux qui ne vont pas à la yéchiva parce qu’ils font trois ans de service militaire, opteraient pour cette formule qui contribuerait ainsi au renforcement de la Thora.
2/ Le fait que les étudiants des yéchivot s’empresseraient de faire leur service militaire, suscitant le respect par leur dévouement, leur modestie et leur mode de vie, serait source de Qiddoush Hachem, de sanctification du nom de Dieu.
3/ On édicterait un règlement selon lequel les bahouré yéchiva serviraient toujours par groupe d’au moins dix dans la même unité, et seraient éventuellement encadrés par un moniteur. Ils constitueraient ainsi un noyau solide ; loin de se noyer dans la masse, ils pourraient exercer une réelle influence et donner l’exemple d’une vie religieuse ; ils organiseraient chaque jour de fervents offices, mettraient à profit les heures de liberté pour étudier la Thora et créeraient une véritable ambiance de chabbat en allumant les bougies, en chantant, en commentant la Thora, en discutant et en dialoguant avec les autres.
Il leur faudrait d’abord réfléchir à la meilleure manière d’influer sur leurs camarades. Ils devraient leur témoigner amitié et compréhension et cesser de se montrer méprisants comme ils en ont l’habitude. Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet...
Je suis persuadé que nous pouvons accomplir ainsi une œuvre considérable. Il est possible que les non-religieux ne nous aiment pas parce qu’ils ne nous connaissent pas et qu’ils ignorent notre mode de vie. Ils ne savent pas ce qu’est une existence conforme à la Thora et considèrent notre comportement comme étrange. Nous sommes un peu responsables de cette situation car nous nous sommes coupés d’eux. Si nous leur donnons l’occasion de nous rencontrer et que nous essayons de mieux les connaître, nous modifierons les uns et les autres notre manière de dialoguer et nous contribuerons à hâter la rédemption.
J’estime qu’en matière religieuse, le gouvernement ne doit ni intervenir ni imposer quoi que ce soit tant que les positions des rabbins n’auront pas évolué. C’est aux religieux de l’exiger. Il est paradoxal que les non-religieux souhaitent notre présence auprès d’eux à l’armée et que nous les repoussions. L’inverse serait plus logique ; ils devraient nous demander d’effectuer notre service à la yéchiva et non à l’armée et nous devrions répliquer en criant à la discrimination. Nous devrions exiger de jouer un rôle important dans les structures de l’armée afin que nous puissions contribuer à faire d’une armée laïque une troupe céleste. Nous devons faire de Tzahal une institution animée de l’esprit divin qui combatte et répande la Thora tout à la fois.
Je serais curieux de connaître votre réaction à la présente et je vous serais très reconnaissant de bien vouloir me signaler mes erreurs éventuelles.

Bien à vous

Moché Botschko

T@PµZ
Mardi 25 octobre 2011 - 23:00

Réponse à Ha-vi Ba, question N°59686
Bonjour.
Avec tout le respect que je dois aux belles valeurs que vous défendez, et auxquelles je crois moi aussi, il faut tout de même ne pas se méprendre.
Si demain, Reouven achète la maison de ses rêves, et, que le jour de l'emménagement, tous ses voisin, en signe de bienvenue, lui explique tout simplement qu'il n'auront de cesse que de venir voler et tuer sa famille qui emménage...Que fera Reouven quand il se rendra compte que des la première nuit c'est vrai? Et qu'il n'y a aucun dialogue possible, ni aucune possibilité de déménager? Et que la police refuse de se déplacer?
En recentrant le problème, malheureusement, on se rend compte qu'il n'est pas toujours facile d'avoir une vision si utopique et naïve qui pourtant me ravit aussi...

Rav S.D. Botshko
Mercredi 26 octobre 2011 - 15:07

Biverakha