Conversation 68878 - Coupe des cheveux a trois ans

Nir18
Vendredi 26 avril 2013 - 23:00

Chavoua Tov,
Je voudrais savoir qu'elle est cette tradition de couper les cheveux à un garçon à l'âge de 3 ans?

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Rav Samuel Elikan
Dimanche 28 avril 2013 - 02:14

Shalom,

Cette tradition s'appelle le "h'alake" (de l'arabe) ou "upsherin" (du yiddish) qui veulent dire "coupe de cheveux".

Cette habitude est rappelée par le Rav H'aim Vital (Safed 1543-1629), disciple du Ari zal, qui dit que le Rav Yonathan Sagis lui a témoigné que le Ari a amené son fils alors âgé de trois à Meiron, sur le tombeau de Rabbi Shimon pour lui effectuer sa coupe de cheveux (1). Mais le Rav Vital dit douter de cela, mais écrit quand même cette histoire dans son livre pour "dire qu'il y a une source à cette habitude" (1).

Cette habitude - qu'à l'âge de trois ans on coupe les cheveux de l'enfant - n'est pas rappelée dans le talmud ou chez les décisionnaires. Le Sha'arei Teshouva (2) dit qu'à Jérusalem - sans préciser toutefois d'âge - à la première coupe de cheveux des enfants, on faisait une grande fête pour marquer le début de son éducation qui commence avec le fait de ne pas "tout raser" à zéro (l'interdit de "lo takifou").

Cette habitude - de faire la coupe à trois ans - s'est répandue surtout en Israël et dans les communautés h'assidiques. Dans le livre "Seder Tfila" du Maharid (petit-fils du Tzemah' Tzedek de H'abad) il dit que c'est explicite dans le Pri Etz H'ayim du Ari zal qu'il a coupé les cheveux de son fils à trois ans (je n'ai malheureusement pas vu ou c'était explicite...). Ainsi, il est également écrit dans le Likoutei Sih'ot (3) que nous ne connaissons pas la source de cette habitude de faire la coupe à trois ans, mais c'est très ancien, puisque ça c'est transmis de génération en génération. L'habitude veut que ce soient des justes (tsadikim) qui fassent la coupe, tout comme le Ba'al Shem Tov aurait fait la coupe au Ba'al HaTanya (le fondateur de la h'assidout H'abad, le Rav Shnéour Zalman de Lyadi). La raison à cela est que cela aide l'enfant à recevoir la sainteté (4).

L'habitude des séfarades, selon le Rav Zinner, est de se couper les cheveux vers l'âge de quatre, cinq, six ou même sept ans et on fait une grande fête. Et en Russie, dit-il, certains le faisaient à l'âge de deux ans et d'autres à l'âge de quatre ans (5).
Pourtant, dans les livres de minhag ashkénazes il n'est nul part fait mention d'une telle habitude (6).

Quoi qu'il en soit, il y a plusieurs raisons à cette habitude. Je n'en citerais que trois.

1. C'est une sorte de cérémonie de passage - on devient "plus grand". L'enfant change d'aspect. Jusqu'à l'âge de trois ans l'enfant est considéré socialement et selon la halah'a comme un "bébé" ou "petit enfant", désormais il devient un "grand garçon". C'est un changement de statut qui doit être marqué.

2. Une cérémonie "religieuse" qui vient montrer à l'enfant que désormais il "peut" distinguer entre ce qui est bien et ce qui est mal et commencé à se développer comme un homme. L'espoir traditionnel est qu'à l'âge de trois ans l'enfant commence à ressentir la torah et ses commandements (tout comme Avraham, selon un des avis dans le midrash - connut D'ieu à l'âge de trois ans). C'est ce moment du "sentiment" de l'alliance: tout comme un enfant appelle "papa" ou "maman" et sait qu'ils sont là, qu'ils vont l'aider, même s'il ne sait pas ce que les termes de "papa" ou "maman" veulent dire, philosophiquement parlant. L'enfant ne sait pas ce qu'est D'ieu, mais on espère qu'à l'âge de trois ans il commence à Le ressentir.

3. Cérémonie qui lie l'homme à la nature. De la même manière que les fruits de l'arbre ne sont pas consommables durant les trois premières années (orla), ainsi les cheveux de l'enfant ne sont pas coupés. Et ce, du fait que les versets parlant de cet interdit et ceux parlant de l'interdit de se raser toute la tête sont proches l'un de l'autre (Vayikra 19:23 et 27). De plus, la Torah nous dit bien que l'homme est "l'arbre du champs" (Devarim 20:19)... C'est un bon moment pour montrer à l'enfant qu'en tant qu'humains on doit faire attention au monde qui nous entour, on en fait partie et on doit le protéger et le développer (le'ovdah ouleshomrah).

En espérant vous avoir un peu éclairé,
Kol touv

Sources:
(1) Sha'ar HaKavanot, Droushei HaPessah', 12
(2) OH 531,7
(3) 22, p. 329
(4) Nit'ei Gavriel, du Rav Gavriel Zinner, "Tiglah'at Yeladim, Holah'atam LaH'eder veSeoudat HaH'oumash", intro. p. 23
(5) id. p. 24
(6) Comme le note bien le Keter Shem Tov (Gagin), p. 591: "et dans nos contrées on n'a jamais entendu parler de cela".