Conversation 70594 - Qui a fixé la halakha ?

sarah89
Jeudi 25 juillet 2013 - 23:00

Bonjour,
J aimerais savoir comment fut fixée la halacha? Est ce qu on part du principe que tout à été transmis à moshe à l oral et que ce fut transmis de génération en génération?mais alors comment se fait il qu il y a tant d avis différents?
Ou est ce que les rabbanim donnent leur opinion et on fixe selon la majorité?
Par exemple, j ai du mal à croire que D, a définie les règles de tsniout aussi précises. D ou à t on décide que ce serait jusqu au coude et aux genoux?
Ou pour la nidda, est cf vraiment d, qui a décidé qu il est interdit sur le même canapé?
Je suis religieuse mais parfois je me demande si c est vraiment la volonté de d. De décider d aussi loin et dans les détails de notre vie, si ce n est pas plutôt une déviation de l autorité des rabbins?

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Rav Samuel Elikan
Jeudi 8 août 2013 - 15:50

Shalom,
Je comprends parfaitement votre question qui est plus que légitime, mais me permets néanmoins de la diviser ainsi:

1- Comment fut fixée la loi ?
Nous croyons que c'est la Volonté de D'ieu qu'il existe un certain degré d'uniformité dans les pratiques juives, ainsi que dans l'interprétation de la Loi. Ainsi, il est écrit (Bamidbar 15:16): "Il y a aura une Torah et un loi pour vous" (1). Par conséquent, même lorsqu'il n'existe aucune autorité centrale, tel le Sanhédrin à côté du Temple qui constituait le centre la vie juive, D'ieu a donné les grandes lignes permettant la continuité du Judaïsme comme moyen de vie unifié. Celles-ci sont nommées "halah'a" (2). De plus, étant donné qu'il est impossible d'inclure chaque cas possible dans la Torah Orale, et qu'il est également impossible au Sanhédrin - lorsqu'il existe - de légiférer chaque cas, D'ieu a donné le droit à chaque rabbin le droit de décider relativement à des questions de lois de la Torah (3). Ainsi, même si des lois furent oubliées, elles peuvent être restaurées par le processus halah'ique (4). Celui-ci commence par une étude approfondie du Pentateuque, puis de l'enseignement rabbinique surtout par le Talmud et ses commentateurs. Généralement, le Talmud est le paradigme ultime et il est à la base de toutes les lois. Pourquoi en est-il ainsi ? Eh bien, c'est simple, la relation unique entre D'ieu et le Peuple d'Israël garantie que l'on sera toujours capable d'accomplir Sa Volonté, ainsi qu'il est dit (Devarim 4:29): "C'est alors que tu auras recours à l'Éternel, ton Dieu, et tu le retrouveras, si tu le cherches de tout ton cœur et de toute ton âme" - le verset parle bien de quiconque veut accomplir la Volonté Divine de manière active et est en quête, sincèrement, d'une "rencontre" (cf. TB Baba Metzia 59b et Avot 2,4). Ce lien garantie aussi que, collectivement, le Peuple d'Israël va toujours obéir à la Volonté de D'ieu, à long terme, ainsi le Roi David dit (Tehilim 94:14-15): "Car le Seigneur ne délaisse pas son peuple, et son héritage, il ne l’abandonne pas. Mais son jugement se ramène à l’équité: à lui se rattachent tous les cœurs droits" (5). Par conséquent, une tradition, une pratique, un usage, une coutume ou un code acceptés par l'ensemble du Peuple Juif sont considérés comme Volonté Divine et prend force de loi (6), même si ceux-ci sont préalablement discutés. Le Talmud étant accepté par tout Israël, il devient l'ultime autorité pour toutes les questions de Loi Orale (7). Tous les livres de loi ultérieurs découlent du Talmud et en tirent leur autorité (8).

2- Comment se fait-il qu'il y ait tant de divergences ?
Toutes les opinions trouvées dans le Talmud ont la même "sainteté" (elou va'elou divrei elokim h'ayim), cependant, dans des questions pratiques, on ne pourra suivre qu'une seule opinion. La décision de laquelle choisir dépend soit de la conclusion de la discussion talmudique, soit d'une tradition ultérieure (9). Toutefois, lorsqu'il s'agit d'une question historique, scientifique, de pensée, de vision du monde ou d'une opinion quant à un certain sujet, sans retombées pratiques - tous les avis explicités sont égaux (10). Les raisons de l'existence de divergences au sein de la Torah Orale sont diverses. Certains rabbins pensent qu'à part certaines lois spécifiques (halah'a leMoshe MiSinai) qui furent précautionneusement gardées, jusqu'aujourd'hui, la seule chose qui fut donnée oralement à Moshé furent les règles de l'herméneutique - comment interpréter selon certaines règles logiques les textes de la Torah (comme les 13 lois de Rabbi Yishmael et les sept lois d'Hillel pour l'herméneutique ou les 32 lois de Rabbi Eliezer ben Rabbi Yossei HaGlili pour l'interprétation [exégétique]). Toute interprétation, bien qu'uniforme et orale, laisse place, toujours, à de nouveaux enseignements, d'où l'infinité de la Torah. Cependant, malgré tout, de nombreux enseignements furent perdus, étant donné les persécutions (11). De plus, à une certaine époque (en 7 après l'ère chrétienne), il y eut une grande confusion et un grand nombre de discussions qui aurait dû être traitées (le système d'alors était, après un vote, de suivre l'opinion majoritaire - tous les rabbins présents votaient) restèrent irrésolues (12). Par conséquent, nos Sages ont suivi cette règle: "Si c'est une loi, on l'accepte, mais si c'est dérivé d'un enseignement, cela peut être débattu" (TB Yebamot 76b et Keritot 16b).
Quoi qu'il en soit, il y a des règles très fixes, tant dans l'herméneutique, dans l'interprétation que dans la manière de fixer la halah'a. On ne peut pas trancher sur l'opinion de son maître, on suit généralement l'avis d'un rabbin qui est plus reconnu ou qui a les arguments les plus convaincants, et qui a vu les arguments de ceux avant lui, etc. La halah'a doit également, et c'est très important, être logique (cf. la 69903). Bref, ce cadre fait que la halah'a est à la fois souple et rigide, dans le sens où ses valeurs, inculquées par la Torah et le Talmud, sont certaines et communément admises, alors que ses retombées pratiques peuvent plus ou moins varier.

3- Les règles de pudeur
Les règles de pudeur sont liées à la norme sociale. La valeur que la Torah désire inculquer est qu'il faut se valoriser l'un l'autre et se respecter. Cela n'est pas possible dans la mesure où l'aspect amène à une "'objectification" de l'Autre. Il n'est pas respectable de ne pas s'habiller avec pudeur. On n'oserait pas se présenter devant une personne respectable ainsi... cela met mal à l'aise. De plus, pour mettre en valeur l'aspect de "sujet", de "moi", d'identité transcendante présent en nous, il faut, depuis Adam HaRishon, s'habiller, se couvrir. Il y a cela de nombreuses raisons, mais contentons-nous de l'aspect social. Ce même aspect veut qu'on respecte une norme. Par conséquent, la grandeur de l'habit est relatif à celle-ci. Etant donné qu'il est très difficile de fixer une norme, surtout si elle varie d'un endroit à un autre, de nombreux rabbins ont préféré donner une limite certaine et fixe, afin de créer un certain ordre. Mon maître le Rav N. E. Rabinovitch, quant à lui, écrit clairement que cela varie d'une société à l'autre (resp. Siah' Nah'oum, siman 105-109), dans la limite du raisonnable.

4- Assis sur le même canapé
Il faut d'abord comprendre l'idée de Nida. Une femme, lors de ses menstruations, généralement, ne peut pas enfanter. Par conséquent, tout rapport avec son mari serait stérile et purement pour le plaisir. Le judaïsme voit une importance fondamentale à ce que le couple soit heureux ensemble, mais leur mouvement doit être vers le don de l'un envers l'autre. Être là pour l'autre, afin de ne constituer "qu'une seule chair" (Bereshit 2:24). Cette unité et ce don ne sont pas possible lorsqu'il n'y a pas de projet commun (même s'il est potentiel, cf. Ramban, ad loc. qui comprend qu'il s'agit de la conception d'un enfant) et dans un temps d'écoulement sanguin - cela n'est pas possible. Par conséquent, un certain nombre de lois sont édictées par la Torah, puis par nos Sages, au fil des générations pour séparer physiquement, mais rapprocher spirituellement, les deux membres du couple. Si on s'assoit sur le même lit, on peut venir à en (res)sentir l'autre, chose qui pourrait engendrer à des actes alors interdits, tout comme H'ava fut d'abord touchée par le serpent, avant de fauter, comme le dit le midrash (resp. Mishne Halah'ot IX, 186). Pour éviter tout cela, on met des barrières. Toutefois, il faut savoir que si l'on ne peut pas sentir l'autre, qu'il y a des coussins qui séparent, ou dans une voiture, etc. certains décisionnaires le permettent.

5- Déviation de l'autorité rabbinique ?
Comme dit, la halah'a est là pour réguler notre vie quotidienne et nous permettre d'accomplir la Volonté Divine. Et seule une connaissance un peu plus large de celle-ci nous permet de comprendre qu'elle est à la fois uniforme et à la fois plurielle. Elle ne régule cependant pas tous les aspects de la vie. Elle ne va pas vous dire si vous devez vous marier avec un blond ou un roux, ni comment appeler votre enfant ou encore moins dans quelle action investir. Les rabbins ont parfois de bons conseils à donner, certains aspects liés à divers éléments de la vie, mais il faut savoir les prendre à leur juste titre et, en fin de compte, ils ne sont pas meilleurs que vous, ils essaient de faire la même chose que vous: accomplir la Volonté de D'ieu. En vérité, tout est question de volonté, comme l'a déjà souligné à maintes reprises le Rav A.I. Kook.
Désolé pour la longueur de la réponse. En espérant vous avoir aidé.
Kol touv

Sources
(1) Selon Kouzari III, 38; Ramban sur Meguilah 2a; Ran Meguilah sur Rif 1a, s.v. VeYesh ; cf. encore TB Sanhédrin 88b; Sota 47b; Tossefta H'aguiga 2,7; Rashi sur Yevamot 13b (s.v. lo ta'assou et s.v. amar lo), ainsi que sur Souka 44a en haut (s.v. ledid'hou); Rashba sur Yevamot 14a s.v. amar vers la fin; Beit Yossef dans son introduction, au début; TaZ dans son intro. sur YD.
(2) Littéralement "aller", cela marque le mouvement. C'est la voie dans laquelle va le Peuple Juif. cf. Arouh' s.v. Halah'; Sefer HaTishbi, s.v. Halah'a et Raglei Mevasser, ad loc. citant le Rav MM Hager de Viznitz, le Tzemah' Tzadik . Cf. encore Targoum Yonathan sur Vayikra 5:10 et 9:16 et Torah Ohr, Mishpatim, 75c.
(3) TY Sanhédrin 4,2 (29a-b); Korban HaEdah et Yefe Mareh ad loc.; Sofrim 16,5; Imrei Binah, 8 dans Kitvei Maharatz H'ayout, p. 946-7.
(4) Imrei Binah, ibid.; cf. TB Temourah 16a ; Tossafot sur Eirouvin 21b s.v. mipnei ma; resp. H'avot Yair 192; resp. H'out HaShani 53; comm. du Rambam sur Menah'ot 4,1.
(5) cf. TB Shabat 138b; Tana devei Eliahou Zouta, chap. 16 (31b). Cf. encore Rashi sur Shabat 139a s.v. halah'a.
(6) Malah'i 3:9; TB Baba Batra 60b; Avoda Zara 36b et Ritva ad loc.; Horayot 3b; Midrash Tehilim 137,6; Sofrim 14:18; Sefer Keritot, Yemot O'lam III, 19 (21b).
(7) SMaG, introduction aux comm. négatifs (3a) qui dit bien que le Talmud a été accepté par tous les Sages; Kessef Mishné, hil. Mamrim 2,1; Ba'al HaMaor sur Sanhédrin 12a dans la pag. du Rif; Rosh sur Sanhédrin, chap. 4 siman 6; Rambam, hil. Sanhédrin 5,1; Tour H'oshen Mishpat, siman 25. cf. H'azon Ish, Kovetz Iggerot II, 24.
(8) cf. Rashbam sur Baba Batra 103b s.v. a'd; Toss. Yom-Tov, Shevi'it 4,10; resp. Rosh 31,19; Yam Shel Shlomo, intro. à Baba Kama; Maadanei Yom-Tov, intro.; Maharal, Netivot Olam, Netiv HaTorah, chap. 15 et Dereh' H'ayim sur Avot, p. 66.
(9) Rabbi Shemouel HaNaggid, Introduction au Talmud; Mah'zor Vitri, p. 490; Sefer Kritot, Yemot O'lam, III.
(10) Ce sont l'avis des Tossafot (Yuma 5b et H'aguiga 6b s.v. ma'y; Sanhédrin 15b s.v. shor) et du Rambam (comm. sur la mishna Sota 3,5, Sanhédrin 10,3, Shevouot 1,4; et dans Iguereth Teh'iyat HaMetim), ainsi que du Rashash (Shabat 63a), du Maharatz H'ayot (sur Yebamot 86b), etc.
(11) cf. Kouzari III, 73; Rabbi Meir Aldabi, Chevilei Emouna (Varsovie, 1887), VIII, 80b; Intro. au Talmud, préc. cit.; Ateret Tzvi, Mishpat HaTorah 7, p. 387; cf. encore TB Menah'ot 29b et Meguilat Ta'anit chap. 7 où l'on voit bien qu'à certaines époques les questions ne furent pas résolues car étant donné les persécutions, le Sanhédrin ne pouvait être constitué.
(12) cf. TB Erouvin 46a; Nida 6b et 9b; Iguereth Rav Shrira Gaon, pp. 10, 41; Beit Elokim (du Mabi"t), Sha'ar HaYessodot, 36; Maharatz H'ayot, Mavo HaTalmoud, chap. 14, p. 311 et Yessod HaMishna pp. 12 et 43.