Conversation 72689 - La grandeur de D.ieu

EliasR
Lundi 25 novembre 2013 - 23:00

Au fond de moi je sais très bien qu'il n'y a pas de limite au pouvoir d'Hashem mais quand je réfléchis il y a quelque chose que je ne comprends pas qui affaiblit ma Emouna.
Si
1) Hashem a crée le monde avec certaines règles physiques qui le régulent
2) Hashem a donné a l'homme le libre arbitre
3) Les miracles de grande ampleur arrivent rarement

De quelle manière Hashem exercice-t-Il Sa Providence sur le monde au jour le jour ? (si l'on exclut le fait que s'Il cessait de vouloir l'existence continue du monde le monde disparaitrait instantanément)
Merci d'avance

Rav Samuel Elikan
Jeudi 26 décembre 2013 - 16:47

Shalom,
Votre question est très bonne et en a tracassé plus d'un.
De nombreux penseurs juifs se sont penchés sur le sujet.
Je répondrai très succinctement, en présentant deux approches, mais vous pourrez trouver de nombreuses informations en tapant "providence" dans le moteur de recherche.

L'approche "rationaliste"
Selon Aristote et d'autres - Dieu "ne fait attention", accomplit Sa Providence, etc., seulement sur les espèces, comme le genre humain, Il gère un équilibre, mais s'en fiche des individus. Selon la charia (loi canonique de l'islam) par contre chaque plante ou feuille qui tombe suit la Volonté Divine en cela et tout est régi, tout n'est que Providence.
Le Ralbag (Guersonide - Guerres de l'Eternel, 4ème livre) présente ces différentes approches et les repousse en faveur d'une synthèse: D'ieu "exerce Sa Providence" sur les espèces de manière générale et sur certains individus; en effet, la prophétie prouve que D'ieu n'est pas totalement détaché du particularisme, certains individus sont prophètes, d'autres non, ce qui prouve que les hommes sont bien différents aux yeux de D'ieu et donc la Providence diffère. Il continue en affirmant que grâce au développement de leur intellect ces individus particuliers sont liés par la pensée à D'ieu et ainsi, par conséquent, sont sous Sa Providence.
Cette idée il l'a reprise d'autres penseurs juifs avant lui comme le Rambam (Maïmonide, Guide des Egarés III, 17 et 51), lui même très probablement influencé par Rabbi Avraham Ibn Daoud (qui exprime une idée similaire dans son Emounah Ramah p.97-98) et avant eux Rabbi Avraham Ibn Ezra (sur Shemot 23:25 et 33:21).
Plus on est proche de D'ieu, comme les Patriarches (Avraham, Itzh'ak et Yaakov qui pouvaient méditer tout en travaillant), plus on s'approche de la prophétie et plus on est "sous la Providence" (donc "protégé", etc.). Toutefois, il suffit d'un instant d'inattention pour nous faire descendre de ce niveau, c'est très dynamique. La Providence se dévoile surtout dans l'équilibre naturel des espèces et dans la capacité à se lier à D'ieu.

L'approche "mystique"
Le Rav H'esdai Crescas (Lumières de l'Eternel, II, 2,1), cependant, soutient que tous les éléments de la nature sont des "ustensiles", des "outils" permettant le dévoilement de la Providence. Chez lui, la Providence est liée à l'amour, elle en est l'expression : la Providence se dévoile par le fait que plus D'ieu aime quelque chose, plus celle-ci donnera de l'amour à D'ieu en retour. Les éléments naturels peuvent avoir une "mission" pour la Providence, mais pas nécessairement. Il distingue au moins trois catégories d'éléments qui agissent selon la Providence à des degrés différents. Chaque élément naturel dévoile la Providence, mais chacun selon son niveau.
En outre, il faut savoir que selon lui le libre-arbitre se limite à la volonté, ce qui veut dire que tous les actes sont l'expression de la Volonté Divine. Toutefois, c'est notre volonté qui peut les engendrer: si on veut se rapprocher de D'ieu, alors nécessairement on deviendra un "ustensile" dans les mains de D'ieu, comme les prophètes et les anges bibliques...
Au niveau de l'état de conscience, c'est à dire au niveau psychologique, Rabbi Tzadok HaKohen de Lublin écrit (Tzidkat HaTzadik 64) que même si l'homme perçoit que D'ieu est "avec lui" et qu'il est sous la Providence, cela ne veut pas dire que D'ieu est content ou d'accord avec ses actes. Rabbi Tzadok explique que parfois il nous semble que D'ieu nous aide, non pas parce que c'est la voie qu'Il désire, mais parce que tout choix que fait l'homme librement - on l'aide depuis le Ciel.
Cette approche laisse moins de place à l'homme certes, mais ne lui enlève pas sa responsabilité pour autant, tout en nous faisant prendre conscience de l'immanence du Divin: il n'y a pas besoin de "miracles de grande ampleur" (sic) pour voir la Providence, elle se dévoile partout, sous différentes formes.

En espérant avoir donné quelques pistes premières de réflexion,
Cordialement,