Conversation 75302 - Soucis a la synagogue!

Esther73000
Lundi 9 juin 2014 - 23:00

Bonsoir,

Nous avons eu un soucis la semaine dernière dans notre synagogue. En effet, pour chabbat il n'y avait pas de Cohen mais nous avions deux Lévy. Le rabbin a fait monté un Lévy à la Torah comme s'il s'agissait d'un Cohen, c'est à dire il a fait deux fois la montée. Le deuxième Lévy n'était pas très content et l'officiant a signalé au rabbin qu'il aurait dû faire monter les 2 lévys, un lévy pour la première montée et le 2ème Lévy pour la 2ème montée et moi de mon côté j'ai toujours entendu que sans Cohen c'état un "Israel" qui faisait la première montée!

Si ça peut vous aider le rabbin est Loubavitch et l'officiant séfarade!

Je vous remercie d'avance si vous pouvez m'apporter une réponse précise avec des références halakhiques.

J'ai déjà cherché sur votre site et j'ai trouvé la réponse à la question 395 où le Rav David Zenou abonde dans mon sens.

Cependant dès que l'on ose remettre en cause le rabbin de ma communauté sa seule réponse c'est "moi je le sais mieux que vous, j'ai étudié 7 ans en Yéshiva et je connais la Halakha alors vous devez m'écouter", alors que dans la vie personne n'est parfait et tout le monde peut faire des erreurs seul H.achem est parfait! Mais comment peut on faire pour dialoguer avec lui dans ces conditions? Je vous demande car je ne veux pas le froisser.

Merci pour votre réponse et merci pour votre site!

Rav Samuel Elikan
Jeudi 19 juin 2014 - 11:13

Shalom,
Je comprends votre dilemme, il n'est pas évident, surtout de nos jours, d'entendre quelqu'un dire qu'il sait mieux que les autres, et puis, les erreurs arrivent à tout le monde... Cependant, comme vous le notez bien, il y a un ordre à garder. Ainsi en est-il concernant les montées à la Torah et ainsi en est-il dans la "hiérarchie" communautaire.

1. Le respect du rabbin
Il faut respecter le rabbin, c'est important. En effet, il a étudié plus. Trouver une réponse sur internet ne saura jamais remplacer une étude approfondie, dans les sources, etc.
De manière générale, il y a toujours des exceptions et même si on croit savoir quelque chose, il convient de le vérifier.
Pour l'anecdote, je me souviens d'un rabbin qui avait entraîné un "choque communautaire" en affirmant quelque chose (qui était par ailleurs explicite dans le Moreh Nevouh'im du Rambam, mais) qui était opposé à la "croyance commune", à ce que les gens pensaient savoir, car personne ne se gênait de lui faire remarquer qu'il n'y connaissait rien et qu'il disait n'importe quoi... Cela a engendré d'inutiles disputes... Il faut donc faire attention de ne pas trop remettre son autorité en cause.
Le Rambam écrit (1) que si l'on voit notre rav fauter (!) on lui dira "ne nous as-tu pas enseigné ainsi et ainsi". C'est-à-dire qu'il y a là l'expression d'un grand respect pour le Rav, dont le rôle est de nous enseigner la Torah. On lui demande sous forme de question. On ne lui dira pas : comment pouvez-vous faire cela ou dire ainsi, ce sont des bêtises ! Cela est interdit. Bien que le Rambam parle de notre propre Rav (qui nous a enseigné la majeure partie de ce que l'on sait) et pas forcément du rabbin de la communauté à laquelle nous appartenons et duquel nous n'apprenons pas la Torah, je crois qu'il est bon d'éprouver un même respect et s'il y a quelque chose qui nous semble incorrect de poser la question.
Le Ari zal affirme par ailleurs (2) que le Rav qui nous enseigne "donne de l'esprit (rouah')" à son élève, tout comme un père en donne à son fils, sauf que pour le rav - le lien est différent, il serait plus profond, resterait plus longtemps imprégné dans l'esprit, à la manière de l'amour de David et Yonathan !
Tout cela pour dire que le mieux est d'y aller gentiment et de lui poser la question, sincèrement, sans colère, pour apprendre, ça permettra éventuellement un dialogue et vous en apprendrez bien plus (et pas seulement qu'il a étudié 7 ans en yeshiva...), c'est vraiment, je pense, dans l'intérêt de tous.

2. Faire monter un Lévi à la place du Kohen
- Il est tout à fait permis à un Lévi de monter à la place du Kohen, tout en le signalant (en disant "bimkom kohen"), lorsqu'il n'y a pas de Kohen, mais on n'y est pas obligé (3). Et ce, bien que certains décisionnaires déconseillent de le faire monter en premier et conseillent que ce soit un Israël (4).

- Il y a un certain problème à faire monter un Kohen après un autre, car on viendrait à en penser que le second est moins "bien" que le premier, qu'il aurait un défaut, c'est pourquoi on appelle le même Kohen deux fois. Il semblerait que ce problème existe aussi avec deux Lévi'im, comme nous le dit le Talmud (5), ce serait même plus grave, car alors on penserait que les deux sont "problématiques".
Donc, s'il n'y a qu'un seul Kohen et que des Lévi'im (c'est-à-dire pas d'Israël), on fera monter le même Lévi deux fois, pour éviter tout doute ou suspicion... ! (6)

Dans votre cas, il y avait peut-être un Israël qu'on aurait pu faire monter en deuxième, bien que cela ne soit pas nécessaire, mais quoi qu'il en soit, un autre Lévi n'aurait pas pu monter après le premier !
C'est donc que votre rabbin a eu raison...

Cordialement,

Sources:
(1) Rambam, hil. Talmud Torah chap. 5, hal. 9.
(2) Sha'ar HaGuilgoulim, intro. 10.
(3) cf. Yalkout Yossef, t. II, p. 49 et 337; ainsi que dans les ajouts sur le siman 135, hil'hot sefer torah, lettre 4 et la longue note sur le sujet avec de très nombreux avis permettant.
(4) Cf. par exemple MB sur OH 135.
(5) TB Guittin 59b.
(6) Tour OH 135 au nom de Rav Amram et Rav Sa'adia Gaon, cf. encore Beit Yossef, ad loc.; Sh. Ar. OH 135, 9-10; Yalkout Yossef sur OH 135, lettre 28.