Conversation 80170 - Sheirout Léoumi - interdit ?

Taliabbou
Lundi 28 mars 2016 - 23:00

Bonjour, j'aimerais savoir s'il y a une interdiction de faire un shirout Leumi ?

Rav Samuel Elikan
Mercredi 30 mars 2016 - 01:23

Shalom,

Il n'y a aucun interdit en cela, et certains pensent même que c'est un devoir civique et religieux. (1)

Certes, certains le voient d'un mauvais œil, car retardant le mariage (2) ; ou lorsqu'on est forcé à le faire - pour des raisons de pudeur (3) - mais aujourd'hui où cela est volontaire et dans le cadre d'un sheirout léoumi religieux adapté aux jeunes filles religieuses, il n'y a aucun problème, comme dit.

Cordialement

Notes:

(1) L'avis qu'il n'y a aucun problème à effectuer un sheirout léoumi est largement répandu, c'est notamment l'avis du Rav Shemouel Eliahou (grand-rabbin de Tzfat) au nom de son père le Rav Mordeh'ai Eliahou ztsk"l ; du Rav Avraham Shapira ztsk"l (ils étaient tous deux - les rabbanim Shapira et Eliahou - grands-rabbins d'Israël et d'éminents juges rabbiniques) ; du Rav Avigdor Neventzahl (grand-rabbin de la vieille ville de Jérusalem, auteur du resp. Teshouvot Avigdor ; resp. Be'Itzh'ak Yikareh ; commentaire BeI'tzh'ak Yikareh sur le Mishna Beroura ; du livre "Yeroushalaim beMo'adeiah" sur les fêtes juives, etc.) ; le Rav Yaakov Ariel (grand-rabbin de la ville de Ramat-Gan et auteur du resp. BeOhala shel Torah en 5 vol.) ; de mon maître le Rav N.E. Rabinovitch (rosh yeshiva à Ma'aleh Adoumim) ; du Rav Aharon Lichtenstein et du Rav Amital (qui étaient les rashei yeshiva de la yeshiva du Goush Etzion); etc. etc. - la liste n'est vraiment pas exhaustive. et est trop longue pour être écrite...

(2) cf. resp. Dvar Yehoshoua VI, §9 - selon cet argument même aller à un séminaire serait problématique !

(3) c'est notamment l'avis du H'azon Ish, du Rav Shah', etc. qui disent que c'est "yehareg oubal ya'avor" !

DanouCohen
Mardi 29 mars 2016 - 23:00

Bonjour Rav,

J'ai souvent entendu comme vous le dites, que pour le H'azon Ish, le Rav Shah', etc. c'est "yehareg oubal ya'avor". (essentiellement les Possqim 'hareidim ashkénazim)

Voici mes questions:
1. Tout d'abord, où écrivent-ils ça? (personne ne m'a jamais donné de référence)
2. Quelle était la position de Rav 'Ovadia Yossef? (J'ai entendu que c'était la même position sévère, mais sans référence, difficile à croire)
3.Comment peuvent-ils dire ça?
On ne peut pas, à notre époque créer, un nouveau décret. Sur quel ancien décret serait-ce fondé?
4.Faut-il nécessairement prendre ces paroles (ces écrits?) au sens propre? Peut-être qu'il s'agirait plutôt d'une mise en garde à l'égard de leurs propres élèves, afin de conserver le mode de vie 'hareidi (askénaze plus particulièrement) intact, en tout point de vue, y compris dans le rôle de la femme, sa position dans la société...

En effet, étant donné que j'ai du mal à comprendre qu'il faille préférer mourir que faire son service civil (alors qu'en principe, on n'a le devoir de le faire que pour éviter un meurtre, une relation interdite, ou un acte d’idolâtrie), j'aurais pensé, qu'une telle mise en garde relevait plus de la grandiloquence que d'un véritable interdit.
Or, dans une communauté, réputée faible et extrêmement sensible à tout changement, cela aurait une certaine justification, sans que ce soit vraiment contraignant pour les autres bons juifs orthodoxes, qui appartiennent à des communautés plus ouvertes.

(Lorsque je parle d'ouverture, il ne s'agit pas de dénigrer ceux qui sont moins ouverts. Je respecte toutes les communautés, y compris les communautés h'areidiotes que je qualifie de "fermées", qui selon moi sont indispensables, et qui ont un rôle primordial dans le judaïsme contemporain, ainsi que dans le développement et la connaissance de la Torah en Israël et dans le monde, même si je déplore certains travers. Car personne n'est parfait, y compris dans les communautés plus ouvertes)

Rav Samuel Elikan
Jeudi 31 mars 2016 - 04:23

Shalom,

1. Il y a un "avis de Da'at Torah" qui a été publié le 15 Eloul 5712, il y a de cela 60 ans, et signé par le rav Tzvi Pessah' Frank, le Rav Isser Zalman Meltzer et le Rebbe de Tschebin où ils écrivent que c'est "yehareg oubal ya'avor", la raison invoquée est que les jeunes filles sont toujours dans le domaine soit de leur père, soit de leur mari, aller "travailler pour l'état" revêt donc d'une sorte de "prostitution" (!) et c'est donc "avizarayhou degilouy arayot", ainsi c'est "yehareg veba'al ya'avor" (cf. HaTzvi Israël, p. 311)

Le H'azon Ish a donné son accord à cela lorsque cela était "forcé", mais il n'a pas parlé d'une situation où c'est volontaire (S. Cohen, Pe'er Hador, H'ayei HaH'azon Ish, t. V, p. 41).
Le Steipeler en 1971, dans un autre "édit de Da'at Torah" qui a été alors largement publié revient sur les termes du premier Da'at Torah du Rav Frank en précisant que même si c'est volontaire, c'est interdit, parce que la jeune fille risque "d'abîmer son degré spirituel", de devenir moins religieuse. Cet "édit" a été signé et approuvé par le conseil de "gdolei hatorah" de la Aggoudat Israël comprenant alors notamment le rabbi de Gour et le Rav Shah'.

2. En 1978, le Rav Ovadia Yossef se joint aussi aux 70 rabbin séfarades qui vont renforcer cet avis et il revient dessus 10 ans plus tard encore dans son livre "Otzar HaDinim LaIsha veLabat" (paru en 1988, §37, lettre 4, p. 384), alors que le Sheirout Léoumi fêtait ses 17 ans d'existence.

3. Ils ne disent pas que c'est un décret, ils disent juste qu'il ne faut pas y aller, car cela est contraire au monde de vie ultra-orthodoxe et que cela peut amener à de "l'assimilation", à une perte de religiosité.
Par ailleurs, comme dit, ils se basent sur le fait qu'une jeune fille de cet âge doit se marier, etc.

4. Oui, je suis tout à fait d'accord avec votre dernier point.
Chaque rabbin est possek pour sa communauté, selon les circonstances et normes qui y sont en vigueur, il en a toujours été ainsi dans le Peuple Juif, depuis que le Sanhédrin a été "aboli" ou plutôt détruit.

Cordialement,

DanouCohen
Mercredi 30 mars 2016 - 23:00

Bonjour cher Rav,

Merci pour votre réponse.

Je me permets néanmoins de revenir sur plusieurs détails:

J'ai recherché, les quelques références indiquées sur www.hebrewbooks.org, ainsi que sur Responsa project.

1.Soit, je ne suis pas doué pour les recherches, soit ils sont pas disponibles. Si vous êtes plus doué que moi, pouvez-vous me recommander un lien?

2. Je connais un livre appelé Otsar Dinim Laïsha Wélabath, mais il est signé par Rav Ytsa'q Yossef, et non par son père. Parlons-nous du même livre?

3. Si oui, pourriez vous préciser la référence indiquée? (nom du chapitre, voire premiers mots du paragraphe en question)En effet, ce livre a subit de nombreuses modifications au cours des éditions successives. Je dispose de l'édition de 5749 et de 5765. Dans les 2 cas, la référence ne correspond pas, à celle que vous indiquez.

4.Vous dites: "Ils ne disent pas que c'est un décret, ils disent juste qu'il ne faut pas y aller, car cela est contraire au monde de vie ultra-orthodoxe et que cela peut amener à de "l'assimilation", à une perte de religiosité.
Par ailleurs, comme dit, ils se basent sur le fait qu'une jeune fille de cet âge doit se marier, etc."

Mais d'un autre côté, vous dites (en leur nom même si j'ai bien compris, que vous n'êtes pas d'accord), qu'il vaut mieux mourir que de transgresser!

comment concilier ces 2 parties de votre réponse?

4. Je ne comprends pas l'argument selon lequel "ça retarde le mariage".
a. Faut il préférer mourir que de retarder son mariage?
b. En quoi travailler entre 35 et 39h par semaines au ministère (cas de la fille d'un ami à moi, qui effectue son service civile) de l'intégration retarderait-il sa date de mariage? (Quelle différence si elle "travaille pour de vrai")
c. Y aurait il une obligation de la Torah pour la femme de se marier?

Je comprends l'argument de la Tsniout, mais pas au point de préférer se laisser tuer que de "transgresser".

Merci beaucoup

Rav Samuel Elikan
Jeudi 31 mars 2016 - 09:15

Shalom,

1. Ce ne sont pas de livres qui se trouvent sur hebrewbooks ou sur le Bar-Ilan.
Je n'ai pas de lien à recommander, ni ne crois être plus doué que qui que ce soit.

2-3. Effectivement, il s'agit bien du livre du Rav Itzh'ak Yossef.
Je me suis trompé, il s'agit bien du chap. 37 et de la page 284, mais de la lettre 30 et non 4. En note 30, le Rav Itzh'ak Yossef rapporte une lettre signée par son père publiée dans la revue Ohr Torah datant de Sivan 5742 (1982) où il interdit d'aller au Sheirout Léoumi. Cela a été republié avec l'autorisation du Rav Ovadia et en toute connaissance de cause.
Le paragraphe commence : "Assour BeIssour Mouh'lat LeBanot Lehitgayess leSheirout Tzva'i ve'af leSheirout Léoumi..."

4. Selon eux - il est effectivement interdit de faire le sheirout léoumi pour des raisons de pudeur et des raisons "politiques", c'est-à-dire de normes sociales. Il ne s'agit donc pas d'un décret mais d'une décision rabbinique (ces deux concepts sont différents). Comme je l'ai dit dans la précédente réponse, je suis d'accord avec vous que le fait de dire qu'il faut "mourir plutôt que de transgresser" est une "grandiloquence", une exagération et n'est pas à prendre au pied de la lettre... Il n'y a donc - je crois - aucune contradiction dans ce que j'ai écrit.

5. a. Comme dit, c'est à prendre au figuré.
b. Vous posez une bonne question. Il n'est pas évident - selon ces rabbins - qu'une femme non-mariée puisse travailler dans un environnement mixte selon la halah'a, pour cette même raison. Il n'y a donc pas de différence avec un vrai travail.
c. Il y a une discussion à ce propos dans les tossafot (cf. Beit Shemouel EH 1,2 et Aroh' HaShoulh'an, id. 4) - quoi qu'il en soit le Ran (resp. §32 - de mémoire) affirme qu'une femme qui se marie accomplit un commandement.

Cordialement,