Conversation 90646 - se rebeller contre D.

bonjour
1) a t on le droit de critiquer l'œuvre de D. ?
( même si D. est parfait contrairement à nous )
2) ou trouve t on la référence de cet interdit ?
pour illustrer mon propos, on considère, le plus souvent que D. est notre père.
donc, on décide de lui obéir, le plus souvent, " le plus possible ", mais intérieurement ( ou verbalement ) on déclare que ce que l'on vit est une injustice ou nous déplaît. ça peut être quelque chose de bénin ( limite un caprice d'ado ingrat, qui aime le plus souvent son père ) ou ça peut être quelque chose d'important.
je précise que je n'ai pas assez lu la rubrique emouna de cheela mais que je n'ai vu nulle part, l'interdiction d'exprimer ( en son fort intérieur, verbalement ou part écrit l'interdiction de critiquer D.ieu )
Merci de prendre le temps de me répondre, éventuellement de me proposer des livres à lire ( les devoirs du coeur ? yesilat yecharim ? )
L'idée général, c'est de reconnaître et de remercier D pour tous les bienfaits qu'il nous accorde mais dans le même temps signifier qu'il y a une décision ( certainement pour notre Bien / le Bien général ) qui ne nous plaît pas. C'est sûrement de la gaava, mais de nouveau, c'est se placer dans une relation père / ado. Je reconnais Ton autorité, je m'y plie parce que je n'ai pas le choix mais ça me fait souffrir / de la peine et je Te le fais savoir.
Merci

Chalom,
Vous touchez la à un sujet central de la relation entre l’homme et D.ieu : peut-on exprimer un désaccord, une douleur, voire une forme de critique à l’égard de ce que D.ieu fait ou permet ? Il est essentiel de distinguer entre la critique arrogante qui conteste la justice ou la sagesse divine en prétendant que D.ieu a « tort » (ce qui serait problématique au regard de la foi juive), et l’expression sincère de détresse, de souffrance ou d’incompréhension face à une épreuve.
ans ce second cas, non seulement cela est permis, mais la Torah elle-même donne la parole à l’homme qui souffre. Avraham dit à D.ieu : « Le Juge de toute la terre ne ferait-Il pas justice ? » (Berechit 18,25). Moshé demande : « Pourquoi as-Tu fait du mal à ce peuple ? » (Chémot 5,22). Iyov se plaint longuement. Et les Téhilim sont remplis de cris du cœur, de questions douloureuses, parfois de ton presque révolté – et pourtant, ce sont des paroles saintes, canonisées.
Ces exemples montrent que la Emouna (foi) n'exclut pas la plainte. Au contraire, elle l’intègre, car une relation vivante avec D.ieu ne nie pas la souffrance. Il n’y a pas d’interdit clair dans la Torah qui dise « Tu ne critiqueras pas D.ieu ».
Cependant, les textes mettent en garde contre la remise en cause de la justice divine dans un esprit d’orgueil ou de rébellion.
Par exemple, les Sages critiquent ceux qui blasphèment ou "parlent mal" du Ciel par colère (Talmud, Ta’anit 20b).
Mais l’expression honnête d’un cœur brisé n’est pas un blasphème. Elle peut être une forme de prière. Il est tout à fait sain de dire à D.ieu : « Je sais que Tu es juste, mais ce que je vis est trop dur. J’ai du mal à voir en quoi cela est bon. Je Te fais confiance, mais j’ai mal. » Cela n’est pas un manque de foi, c’est une foi incarnée dans la chair de l’existence, qui continue de prier, de chercher, de parler à D.ieu même quand c’est difficile. Parmi les lectures utiles sur ce sujet : Hovot Halevavot (Les Devoirs du Cœur), surtout le chapitre sur la confiance en D.ieu (Chaar Habitakhon), enseigne comment continuer à faire confiance, même sans comprendre ; Messilat Yesharim pour l’approche de la perfection morale et de l’acceptation divine ; Netivot Shalom de l’Admor de Slonim, qui parle avec empathie des défis spirituels de l’homme moderne ; et bien sûr, les Téhilim, à lire non comme des louanges figées, mais comme un dialogue de l’âme, y compris dans sa fragilité.
En résumé : ce n’est pas une faute de dire que quelque chose nous fait souffrir ou de ne pas comprendre. Tant que cela s’inscrit dans une volonté de rester en relation avec D.ieu et de progresser, cela peut être, au contraire, une étape précieuse dans la maturité spirituelle.
Bivrakha