Conversation 35256 - Femme élue

gaboss
Samedi 17 février 2007 - 23:00

je ne sais pas si vous êtes au courant, mais depuis le mois de janvier les femmes sont eligibles au consistoire du bas-rhin. Cette information peut sembler anodine, neanmoins elle a sucité une enorme polemique en france et a strasbourg particulierement. RAV SCHLESINGER, dayan de la synaguogue ets-haim, c'est entierement oposé a cette reforme et les propos sont allé trés loin, d'ou ma question, y a t-il un interdit a ce qu'une femme puisse etre elu au consistoire? je precise que cette derniere ne participera pas au culte, y a t-il donc un interdit?

kol touv

Dr Michael Ben Admon
Lundi 5 mars 2007 - 06:33

Shalom,

Excusez la longueur de la reponse, necessaire pour cerner les differentes positions.

Il nous faut eclaircir plusieurs points:
1/ Pour quelles raisons, une femme n'aurait pas le droit de voter et d'etre elue ? La femme n'aurait-elle pas les qualites intellectuelles requises pour effectuer cette tache ? Ou alors serait-ce au contraire pour proteger une certaine 'nature' feminine.
La halakha sur ce point est tres riche et je j'essaierai dans les lignes qui suivent d'en dessiner l'itineraire.
Cette question, traitee dans la litterature halakhique depuis bien longtemps, a ete d'actualite dans les annees 1920 en Israel, alors que des femmes demandaient le droit de vote actif (election) et passif (etre elue).
Le Rav Kook, premier grand-rabbin d'Israel, pourtant conscient des challenges du nouveau foyer juif en Israel, s'y oppose. Ses arguments sont d'ordre moral, social, familial, national et religieux.
L'argument moral: La politique n'est pas la plus noble des professions: calomnies, injures, perte de la vie privee, autant de raisons qui selon lui ne permettent pas a une femme d'y acceder. C'est l'argument bien connu de la discrimination positive: Pour conserver l'honneur de la femme, on lui interdit l'acces a la politique.
L'argument social: les femmes qui courent en politique sont decues de ne pas etre appreciees par leur mari en tant que femme et cherchent donc, en prenant un role masculin (a l'epoque!) a se faire aimer. La famille etant le centre du Judaisme, une femme juive n'a aucun besoin de prouver a qui ce soit sa valeur et sa contribution a la societe, en assurant l'education de ses enfants
L'argument familial: Le vote different entre les conjoints menace leur equilibre et peut entrainer des conflits a sein du couple. Pour les preserver, la femme ne votera pas.
L'argument national: les nations voient dans la Bible la legitimite de la presence du peuple juif sur la terre d'Israel. Pour assurer cette legitimite, le peuple juif d'aujourd'hui doit montrer qu'il est le descendant legitime, dans son engagement religieux, a l"israel biblique. Sans quoi, il n'aura plus de droit sur cette terre. Or l'engagement religieux exclut l'eligibilite de la femme.
L'argument religieux: Le texte de la Thora concernant la nomination du roi exclut la possibilite d'une reine, comme le commentent le Midrash halakha sifri et Maimonide dans son Mishne Thora.
Pour ces 4 raisons le Rav Kook fait part de son dessacord a voir l'entree des femmes en politique.Toutefois, il est a noter qu'il ne publie pas de responsa de style halakhique a ce propos mais fait savoir son avis au travers une correspondance privee. Il convient de resituer ces propos dans le contexte historique ou les femmes n'avaient en Europe aucun droit de vote egalement.
La position du Rav Kook n'est pourtant pas partagee de tous. Le Rav Ouziel, egalement grand-rabbin d'Israel, quant a lui ne voit en cela aucun probleme et il repond aux arguments du Rav Kook dans un responsum bien documente.
Pour lui, le droit de vote (actif) est une donnee meme du systeme politique: Le public feminin, acceptant les lois et normes votees au parlement pour toute la population sont soumises au lois en vigueur. Il serait donc absurde de leur imposer des devoirs sans leur conferer le droit de vote. Les femmes sont parfaitement egales aux hommes au niveau intellectuel et aucune raison ne peut etre evoquee pour prouver le contraire. Si, au sein d'une famille, l'homme et la femme n'ont pas les memes avis politiques, ceci pourra au contraire contribuer a renforcer le couple au travers de discussions sur la vie du pays et son avenir.
Pour le Rav ouziel, la halakha concernant les lois des rois et leur nomination ne sont pas en vigueur aujourd'hui et le systeme democratique n'est en rien comparable au systeme monarchique presente dans la Torah. De plus, l'eligibilite ne ressemble pas a la nomination d'un roi mais a une volonte generale de la part du peuple d'accepter l'autorite des elus.
Ces arguments et bien d'autres sont partages et developpes, entre autres, par les rabbins Herzog, Hirshensohn et Halevy.
Dans le monde orthodoxe (Haredi), le droit de vote a ete octroye sur la base de textes halakhiques et de vision pragmatique: afin d'avoir le plus de representativite et deputes au parlement, les femmes devront aussi voter. Pour ce qui est de l'eligibilite, chaque communaute a ses normes, en vue de la sensibilite de ses membres et leurs aspirations.

Il ressort donc de ces propos que l'eligibilite de la femme n'est pas contraire a la halakha. Dans certains milieux minoritaires ou les hommes et les femmes vivent entierement separes, on trouvera moins de femmes occupant des postes politiques ou administratifs importants. Dans d'autres cadres, meme religieux, on trouvera beaucoup de femmes a la tete d'institutions importantes.
Il est a noter que cette question a fait l'objet d'une plainte a la court supreme israelienne suite a la demande de Mme Lea Shakdiel d'occuper un poste au conseil aux affaires religieuses dans une ville du sud d'Israel. Le Juge Elon, bien connu pour son immense erudition halakhique publia alors l'avis de la halakha et le presenta devant la court supreme, avis qui presente plus amplement les sources presentees ici.