Conversation 44479 - nous et les autres non-juifs

abraham75
Samedi 1 novembre 2008 - 23:00

Chalom,
1) Qu'est-ce que le traité Jebbamoth où il semble que l'on explique que les non-juifs ne sont que du "bétail" ?
2) Est-il vrai qu'il est écrit « Les non-Juifs ont été créés pour servir les Juifs en tant qu'esclaves ». {Midrasch Talpioth 225} ?
Je ne pose pas cette question par malice, mais simplement parce que je crois que, si ces citations sont exactes, il serait vraiment nécessaire d'expliquer le contexte dans lequel elles ont été énoncées, ne serait-ce que pour éviter que la diffamation du judaïsme ne se répande comme une trainée de poudre sur le Web : s'agissait-il d'opinions minoritaires ? quelle lecture les rabbins font-ils aujourd'hui de ces sentences ?

Dr Michael Ben Admon
Dimanche 2 novembre 2008 - 10:55

Shalom,

Le texte du traite Yebamot 61a, dans le cadre d'une analyse sur les regles de purete et d'impurete, en vient a interpreter un verset de Ezequiel. Dans ce cadre est rapportee la comprehension de Rabbi Chimon bar Yohai qui fixe: 'Vous etes appeles Homme et les idolatres/non-juifs ne sont pas appeles Homme'. Cette phrase qui traite originellement d'une question de ritualite (impurete) a fait coule beaucoup d'encre et il est difficile de ne pas trouver chez les commentateurs talmudiques et halakhiques un commentaire de ces propos,
On trouve des commentaires qui insistent sur l'existence d'une difference ontologique entre les juifs et non-juifs, commentaires d'inspiration mystique dont l'argumentation est a accepter ou non mais pas a discuter. En effet, c'est un discours qui n'est pas ouvert au dialogue mais qui releve de la croyance.
D'autres commentaires insistent sur le caractere culturel de la diiference entre juifs et non-juifs: selon eux, l'Homme decrit dans le verset et dans le Talmud est celui qui est soumis au systeme religieux et culturel des lois de purete et d'impurete. Toute autre personne n'y etant pas soumis il ne fait pas partie de l'humanite souscris a la halakha. Les commandements expriment cette difference qui n'est pas du tout d'ordre ontologique
En gros, on peut trouver des textes durs a l'encontre des non-juifs a cote d'autres d'une grande ouverture. Je pense que d'une maniere generale les textes racistes ont ete difficilement acceptes et sont toujours sujets a interpretation; ce qui devoile un certain malaise moral face a des positions extremistes.
Maimonide avait comme projet d'ecrire un livre a ce sujet, qu'il considerait comme central, mais il n'en a pas eu le temps...
Je publie, si D.ieu le veut, un livre en hebreu qui traite de cette question, dans les mois suivants et me ferais un plaisir d'en envoyer un exemplaire aux cheelanautes hebraisants.

abraham75
Dimanche 2 novembre 2008 - 23:00

suite de la question 44479
Merci infiniment de la précision et de la rapidité de votre réponse. Je serais évidemment ravi de pouvoir lire votre livre, même si la faiblesse de mon hébreu me contraindra à y mettre le triple du temps !
Permettez-moi toutefois de réagir sur trois points
1/ vous dites qu'on ne peut discuter la thèse de la "supériorité ontologiique" du peuple juif parce qu'elle relève de la croyance. Vous avez sans doute raison mais à condition d'ajouter que, pour tout homme civilisé, c'est une thèse tout simplement monstrueuse, car, si l'on suit l'avis de Simeon Bara Yochaï et de ceux qui s'en inspirent (Yehudah Halévi, certains kabbalistes, etc.), il y aurait deux catégories d'hommes, ou plutôt une seule catégorie (nous autres Juifs) tandis que tous les autres seraient rejetés du côté de l'animalité, de la "semence de bétail", avec tout ce que cela implique comme conséquence morale (indulgence pour le vol, la violence, le meurtre même commis à l'égard des non-juifs). Il ne s'agit pas là d'une "croyance" respectable parmi d'autres, mais d'une abomination, en contradiction avec ce que notre tradition comporte de meilleur (nous sommes les premiers à avoir proclamé l'unité du genre humain). A l'époque moderne, à ma connaissance, seule une idéologie a osé briser l'unité humaine, et nous savons ce que cela a donné.
2/ au fond, il n'y a rien d'étonnant à ce que de telles croyances aient pu s'exprimer dans l'Antiquité et au moyen âge, et l'on sait qu'au 16e siècle encore l'Eglise se demandait si les Indiens avaient une âme. Ce qui est fâcheux, c'est d'imaginer que, pour un certain nombre de rabbins d'aujourd'hui, la déclaration des droits de l'homme qui postule l'égalité en dignité de tous les hommes n'est pas soluble dans le judaïsme !
3/ Il est vrai que présenter la différence comme "culturelle" plutôt qu'ontologique est un véritable progrès... Mais ce n'est pas non plus l'exemple d'une ouverture extraordinaire, en tout cas aujourd'hui. IL y a eu bien des antisémites acharnés qui se réclamaient du christianisme : ils ne disaient pas que les Juifs étaient ontologiquement inférieurs puisqu'ils acceptaient de les convertir. On ne peut pas attendre que la terre entière suive les lois de Moïse pour reconnaître "l'humanité de l'autre homme". Il me semble qu'Abraham, en voulant sauver les justes de Sodome et Gomorrhe, ou Dieu lui-même, en sauvant les habitants de Ninive (texte que nous lisons chaque année à Yom Kippour), faisaient preuve de plus de discernement que certains maîtres racistes qui leur ont succédé.

Dr Michael Ben Admon
Mercredi 5 novembre 2008 - 13:14

Shalom,

Merci pour vos remarques.
Il faut signaler qu'une partie non-negligeable des rabbins d'aujourd'hui adoptent les vues de Rabbi Menahem Hameiri (Perpignan, 15eme siecle) et proposent une vision radicalement differente, et tout a fait legitime dans l'histoire de la pensee juive et en terrain halakhique, des relations juifs-non juifs. Je pense essentiellement aux rabbins Ouziel, Hirshensohn, Halevy, Yossef Messas pour ne citer qu'eux.