Conversation 62731 - Epreuves circulaires

Raphi26
Dimanche 15 avril 2012 - 23:00

Chalom rav,
Est ce que chaque epreuve que nous recevons (lo alenou, lo alehem) ainsi que les recompences, nous sont elles envoyees par rapport a ce qu'on a fait? Je m'explique : si aujourdhui quelqu'un me fait honte ou me vole, est-ce parceque j'ai fait honte a une autre personne ou j'ai volé a quelqu'un? Mida kenegued mida ou peut etre serais-je "puni" par un autre moyen?
Comme on peut le voir dans pirke avot, chapitre 2 michna 7 "Comme tu a tué, tu a ete tué et celui qui t'a tué sera tué a son tour"
Tosa raba et hazak oubarouh pour votre travail extraordinaire! Vraiment !

--
Question envoyée via l'application iPhone

Daniel Levy
Mardi 26 juin 2012 - 12:59

Chalom,

A premiere vue, tout semble etre "mida kenegued mida" (mesure pour mesure).
C'est ce que laisse penser la Michna dans Sota chap.1 lorsqu'elle expose cette notion, que ce soit dans le cadre de la punition [michnayoth 7 et 8] ou dans celui de la recompense [michna 9].
Et c'est ce qui semble explicite dans la formule de nos Sages [Sanhedrine 90a et Otsar hamidrachim (Eisentstein) p.486] stipulant que "toutes les mesures divines sont mesure pour mesure".
Neanmoins, nous savons que l'expression "tous" ou "toutes" n'est pas a comprendre litteralement ("Eine lemedine mine haklalot" [par exemple Qidouchine 34a]), meme dans le cadre de la Halakha qui a pourtant la vocation d'etre rigoureuse.
Ainsi la regle generale n'empeche pas l'exception qui la confirme.

Il est donc possible que le principe de "mida kenegued mida" (d'ailleurs tres present dans les textes de la Thora) soit generalement en vigueur, mais pas systematiquement.
Par ailleurs, nous savons que la justice divine est complexe: d'abord, de tres nombreux parametres peuvent intervenir; ensuite, toutes les epreuves ne constituent pas necessairement une punition. Il y a la notion de "yissourine chel ahava", souffrances infligees par amour [cf. Berakhot 5a].
C'est d'ailleurs ainsi qu'il convient d'interpreter les epreuves qui arrivent aux autres.

Pourtant, vous citez une Michna de Avoth, qui raconte qu'Hillel voit un crane flotter sur l'eau et proclame: "c'est parce que tu as noye que tu as ete noye, et ceux qui t'ont noye seront noyes a leur tour".
Cela semble constituer la preuve irrefutable que non seulement tout est "mida kenegued mida" , mais aussi que l'on peut ainsi interpreter ce qui arrive aux autres!
En effet, comment expliquer autrement l'interpretation immediate du meurtre comme punition pour un assassin?
A vrai dire, si l'on comprend ainsi cette Michna, plusieurs questions se posent:
- une question d'ethique [R. Yits'haq de Tolede]: et si la victime etait en fait un homme pieux, mort en qidouch Hachem? Ce jugement serait alors totalement injustifie!
- une question de logique [Tosfoth Yom Tov]: comment peut-on dire que tout assassine etait lui-meme assassin alors que le tout premier qui a ete assassine n'a pas lui-meme assassine (sinon, il n'aurait pas ete le premier)?

En fait, il existe une autre explication.
Tout simplement, Hillel, qui a assiste a cette triste fin, connaissait la victime et ses antecedents, et savait pertinemment qu'il s'agissait d'un assassin.
C'est l'explication qui a ete retenue par une partie des commentateurs [cf. Sforno, ainsi que R. Ya'aqov ba"r Chimchone d'apres R. Yits'haq de Tolede].

Pour finir, Maimonide, en commentant cette Michna, insiste sur un aspect important de "mida kenegued mida": la punition est en partie le resultat naturel de l'action, qui revient a l'envoyeur, telle une fosse creusee sous ses propres pieds.
Cela correspond bien a la vision de Maimonide, pour qui l'intervention divine se fait de la maniere la plus naturelle possible, et l'on peut comprendre d'apres lui, pourquoi le systeme de "mida kenegued mida" est omnipresent.