Conversation 71034 - Age de l'Univers

Hannah75
Lundi 19 août 2013 - 23:00

Bonjour,
J'ai posé la question 71000 et suite à votre réponse privée, je ne trouve malheureusement pas la réponse sur le site.
Pourriez-vous m'aider svp ?

Ma question était la suivante :

"Je voudrais connaitre votre position quant à la science qui affirme que le monde est apparu il y'a des milliards d'années et l'homme des millions d'années.
Que répondre quand on nous pose la question d'expliquer notre croyance vis à vis de cela ?"

Merci

Nathaniel Zerbib
Samedi 26 octobre 2013 - 12:45

Chalom,

Pour répondre à votre question de manière plus générale, nous trouvons quatre approches principales quant à la relation entre la science et la Torah :

1. Seule la science a raison et les faits décrits dans la Torah contredisant les théories scientifiques sont erronés, le Monde est donc bien âgé de 15 milliards d’années et l'homme est issu du singe et a revêtit sa forme actuelle au terme d'un processus d’évolution s’étendant sur des millions d’années.

2. Seule la Torah a raison et toutes les théories scientifiques allant à l'encontre de ce que la Torah prétend sont fausses. Le Monde a bien 5774 ans et l'Homme a été créé par D. à partir d'une portion de terre. Cet axiome est répandu dans les courants religieux juifs ou non-juifs. L’église chrétienne s'en est servie pour réfuter des théories scientifiques au Moyen-age comme celle de Copernic selon laquelle la Terre tourne autour du soleil argumentant qu'elle contredit un verset explicite du livre de Yeochoua (10,12) : " Soleil a Givon, cesse ton mouvement" prouvant que c'est le soleil qui tourne autour de la Terre.

Le point commun entre ces deux approches est qu'il y a une signification théologique aux hypothèses scientifiques et que la contradiction entre la Torah et la science est inéluctable.

3. Ce que les scientifiques prétendent est en accord avec ce qu'il est écrit dans la Torah. Selon cela, il est possible de montrer que le Monde a un peu moins de 6000 ans même de manière scientifique.

4. La Torah est d'accord avec ce que la science prétend : on trouve des sources dans la Torah faisant allusion au fait que le Monde a bien 15 milliards d’années.

Le point commun entre les deux dernières est qu'il n'y a pas de contradiction entre la Torah et la science.

Ce qui rattache ces quatre approches est un axiome erroné qui veut que la Torah et la science traitent du même sujet et ont pour fonction de répondre aux mêmes questions. Ainsi, à la question concernant l'age du Monde, une réponse est censée être fournie par les rabbins et les scientifiques et il convient de comparer leur réponse et de discerner l'existence d'une contradiction ou au contraire d'une correspondance entre les deux. Cependant, en analysant cette hypothèse, il se trouve qu'elle est incorrecte.

Le sujet dont traite la science est bien différent de celui qui concerne la Torah. La science a pour fonction de décrire le Monde dans lequel nous vivons et expliquer comment il fonctionne. Les questions auxquelles elle répond sont par exemple : "De quoi se compose la matière?" ou "Quelles lois la régissent?".
La Torah, pour sa part, se préoccupe de la signification morale selon laquelle le Monde a été créé et répond aux questions comme : "Dans quel but la matière a été créée?" ou "quelle conduite morale dois-je adopter?" qui sont des questions d'ordre moral et non scientifique. L’idée courante selon laquelle tout est inclus dans la Torah peut s’avérer trompeuse si on la saisit de manière simpliste du fait que la Torah, telle qu'elle se présente à nous, ne comprend pas tout. Il est impossible d’étudier toute science à travers les versets de la Torah.La preuve en est qu'aucun des Sages d’Israël n'a appris quelconque science, que ce soit la médecine (Maimonide), l'astronomie (le Maharal), l’Économie ou les sciences politiques (R' Its'hak Abravanel) en ne faisant qu’étudier la Torah.

Sur la base de cette constatation, une cinquième théorie a été énoncée, celle du Prof. Yeshayahou Leibowitz  prétendant une différenciation totale entre les deux. Etant donné que la Torah traite des valeurs morales et que la science concerne le Monde naturel, il n'y a aucun rapport entre les deux et de ce fait, il ne convient pas de les analyser l'un par rapport à l'autre. Ainsi, la théorie scientifique selon laquelle l'Homme descend du singe et celle de la Torah affirmant qu'il provient de la terre sont toutes deux justes sauf que l'une décrit l'origine de l'Homme sur le plan biologique tandis que l'autre le fait sur une échelle morale et spirituelle. La difficulté de cette position est le reniement d'une source commune à la Science à la Torah ; celui qui a créé le Monde biologique est le même qui a donne la Torah; cette unité est censée laisser une trace dans les deux domaines.

Ainsi, il existe une sixième (et dernière) approche, celle du Rav A.I Kook zats"l qui repose sur deux fondements :
1. Il n'y pas de rapport entre la science et la Torah
2. Il y a un lien profond entre la science et la Torah.

Si ces deux fondements paraissent à première vue contradictoires, c'est parce qu'ils traitent du sujet à travers deux optiques différentes ; en ce qui concerne les questions scientifiques "classiques" (phénomènes physiques, structures biologiques et géologiques...), il convient d'adopter l’idée qu'il n'y a aucun lien entre la Torah et la science.Les réponses a ces questions ne se trouvent aucunement dans le texte de la Torah. Même lorsque l'on trouve dans la Torah un verset dont l'objet serait un fait physique ou biologique, il ne doit pas être saisi dans un contexte scientifique classique. Dans cet ordre d’idées, Ribbi Its'hak Arama , dans son commentaire de la Torah, a devancé le Rav Kook en réfutant la possibilité d'expliquer les lois de Cacherout en se basant sur les règles sanitaires. Si c'en était l'unique raison, nous aurions pu arriver aux mêmes conclusions simplement en étudiant les règles d’hygiène alimentaire qui rendrait la Torah inutile dans ce domaine.
D'un autre coté, il existe nécessairement un lien profond entre les deux domaines du simple fait que le Dieu qui a créé le Monde et celui qui a donne la Torah et que cette Torah a été donnée aux hommes résidant dans ce Monde que les scientifiques explorent. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre le deuxième fondement. La foi en l’unité de D. sur laquelle le judaïsme se base, admet que D. est présent dans tous les domaines, à la fois dans la Torah que dans la science. Il y a donc nécessairement une corrélation, certes masquée, entre les deux qui reflètent la volonté divine dont une partie se révèle dans la Torah et l'autre à travers les découvertes scientifiques.

Pour finir, le Rav Kook donne un exemple illustrant parfaitement cette approche ; la théorie de l’Évolution. Les Sages de la Kabbale décrivent l’évolution spirituelle du Monde comme un processus graduel, un développement progressif.Cependant, cette ordre de pensée ne résidait qu'au sein de cercles très fermés alors que la croyance populaire était que le Monde a été créé en une fraction de seconde en l'exemple du verset : "D. dit : Que la lumière soit. Et la lumière fut". La théorie de l’Évolution précisément, qui a habitué l'Homme a pensé à l'engendrement du Monde biologique dans un processus s’étendant sur plusieurs milliards d’années a entrouvert une porte à la rencontre avec l’idée que D. se dévoile à travers la science et l'Histoire. Tout cela sans rapport avec la question de savoir si cette théorie est correcte ou erronée sur la plan scientifique qui se doit d’être traitée à l’intérieur du Monde de la science.
S'il s’avérait, par une démonstration scientifique, que cette théorie soit fausse , cela ne nous empêchera pas de continuer à croire en la véracité des propos tenus par les Sages de la Kabbale au sujet qui lui est parallèle. D'une part, parce que cette corrélation entre les deux domaines n'est pas parfaite et l'on ne peut mettre le doigt exactement sur leur point de rencontre qui reste encore vague. D'autre part, le fait même que cette théorie ait été énoncée et diffusée à la connaissance humaine, (indépendamment du fait qu'elle soit juste ou non) voulue et causée indirectement par D. suffit à satisfaire cette correspondance entre les deux.

Bivrakha.