Conversation 83475 - ADAM et EVE

joel
Samedi 16 décembre 2017 - 23:11

Shalom Rav,

Dans la question 83209, vous indiquez que Adam HaRishon parlait l'hébreu, pourtant dans Sanhédrin 38b, on nous dit que Adam Harishon parlait Araméen.

Adam était donc polyglotte.

Merci pour le temps que vous nous consacrez

Joël

Nathan Schwob
Vendredi 22 décembre 2017 - 13:51

Vous posez une excellente question que Rabbi Yehouda Halévy a déjà soulevée dans le Kouzari. Vous trouverez un résumé dans "La voix de la Thora" du Rabbin Élie Munk sur Beréchit 2,23.

 

La tradition suivant laquelle Adam et Eve parlaient l'hébreu a sa source dans le Midrach Beréchit Rabba (18,4) sur le verset (2,23) qui dit que la femme s'appellera "Icha=אשה" car elle a été prise de l'homme "Ich=איש". De cette correspondance entre le nom masculin et féminin, particulière à l'hébreu, le Midrach déduit que D-ieu a créé le monde en utilisant la "langue sainte" (l'hébreu), le Lachon HaKodech, qu'il faudrait plutôt traduire par "la langue du sacré".

Rachi rapporte aussi ce Midrach sur place, et les commentateurs du Midrach ainsi que Rachi sur la Thora (Noah' 11,1) en déduisent logiquement que c'est aussi la langue parlée par Adam puisque c'est lui qui a nommé sa femme "Icha".

 

D'autres explications sur cette contradiction ont été données :

 

Rabbi Jonathan Eybeschütz voit dans ces deux textes une évolution historique : la "langue du sacré", dans laquelle les paroles de la création ont été exprimée ne devaient être utilisée que pour servir D-ieu. Après la faute, Adam et Ève ont perdu leur niveau spirituel élevé et ont oublié l'hébreu qui fut remplacé par l'araméen. À l'inverse, on pourrait en déduire que le retour, au courant du siècle dernier, à la langue ancestrale "du sacré" nous appelle aussi à un retour à la moralité et à la sainteté.

 

Pour le Maharal de Prague (H'idouché Agadot sur Sanhédrin) le père de l'humanité entière devait parler une langue sans aucun particularisme national ou culturel, puisqu'il portait en lui potentiellement toutes les différences entre les peuples. Ainsi elles auront toutes une et même source. La langue adéquate à cela était l'araméen, alors qu'aussi bien les soixante-dix langues des nations que l'hébreux portent en elle un bagage culturel spécifique à la nation qui la parle. Cette idée reprend sous un autre angle, ce que nous avons dit dans la première réponse.

Le Maharal n'a pas ressenti le besoin de résoudre la contradiction qui pourrait refléter deux traditions, une transmise en Erets Israël (Midrach) et une en Babylonie (Talmud), ou bien deux aspects d'une leçon plus spirituelle qu'historique.