Conversation 83779 - Le sens du prénom Léa

naomi22
Mardi 3 juillet 2018 - 21:23

Bonjour

je vais bientôt accoucher d’une petite fille et je ne suis pas encore sûre du prénom.

nous aimions bien lea mais j’ai lu plusieurs fois que cela voulait dire fatiguée et je trouve son histoire un peu triste vu que jacob est en fait amoureux de Rachel.

J’aime le fait qu’elle symbolise la fécondité malgré tout.

Ai-je mal compris le sens de ce prénom ? Je voudrais être sûre avant de le choisir ou pas. 

Merci d’avance pour votre aide.

Rav Samuel Elikan
Mercredi 4 juillet 2018 - 12:42

Shalom,

 

Premièrement, Besha'a tova, nous vous souhaitons un heureux accouchement, dans les meilleures conditions, plein de santé et dans la joie !

 

Mon ami le Rav Oz Bluman dans son livre "Shevatim" explique (p. 33, n. 15) que Léah en akkadien signifierait "force", "puissance", ce qui correspondrait à la définition des versets qu'elle était plus "grande" que sa sœur Rah'el (Bereshit 29,16).

En effet, selon un enseignement rabbinique, les deux soeurs, Rah'el et Léah étaient jumelles (Seder Olam Rabbah, 2 ; cf. encore Maharal, H'idoushei Aggadot, t. III, p.125-126).

Cet enseignement peut se comprendre du fait que les termes bibliques pour exprimer l'âge sont "tza'ir" ou "tze'ira" (jeune) et "beh'or" ou "beh'ira" (plus âgé/e) - les termes de "guedola" (grande) et "ketana" (petite) marqueraient plutôt, selon lui, un potentiel d'action sur le monde (cf. encore R' Tzadok HaKohen de Lublin, Dover Tzedek 40,1).

Nos Sages expliquent ainsi que ses yeux étaient "humides" (Bereshit 29,17) parce qu'elle pleurait, ne voulant pas se marier à Essav auquel elle était promise (TB Baba Bathra 123a) ; c'est donc un signe de vertu.

D'autres commentateurs, comme le Rav Naftali Tzvi Yehouda Berlin, fameux Rosh Yeshiva de Volozhin (HaAmek Davar, ad loc.), explique qu'elle avait des yeux sensibles qui exprimaient sa grande sensibilité - l'empêchant par là même d'aller aux champs avec les troupeaux.

Les Tossafot (cf. Torah Shelema, ad loc. al. 29, §54 dans les notes) quant à eux pensent qu'elle avait des yeux d'enfant, soulignant par là qu'elle avait une vision du monde "naturelle", pleine de douceur et de simplicité, d'intégrité, d'innocence.

Léah est décrite par nos Sages comme ayant une propension vers la nature, "s'asseyant au carrefour", voulant sortir - mouvement de recherche du plaisir (cf. Tanh'ouma Vayishlah' 7, TB Baba Bathra 123a, Torah Shelema 34:2 et dans les notes ad loc.) d'une part et d'autre part, elle est décrite par le Zohar (I, 158a) comme extrêmement discrète - tous ces mouvements seraient "voilés" et l'a font appartenir au "monde du voilement". 

Comment résoudre cette contradiction ?

Le Rav Bluman propose dans son livre (p. 34-37) que Léah a effectivement une propension vers la nature, vers le monde, mais il y voit, par ses "yeux doux, délicats" la profondeur, ce qui y est voilé. Ce n'est pas pour rien qu'elle symbolise ainsi la fécondité - ce qui est voilé dans la nature. En hébreu le monde se dit "o'lam" qui pour racine "E'-L-M" qui signifie "voiler" - "he'elem" - le monde étant un voile que Léah arrive à percevoir profondément, à dévoiler, par son identité.

Ainsi, il n'est pas anodin qu'elle se marie à Yaakov de manière voilée.

Mais finalement, Yaakov l'aime pour cela.

Et la Royauté, Yehouda (et donc le Roi David et le Mashiah') sortiront justement d'elle, car celle-ci est effectivement "voilée" et se dévoile après que le monde soit "réparé", dès qu'on retrouve ce regard "naturel", sincère, innocent.

Le Rav Shneor Zalman de Lyadi (l'Admour HaZaken, disciple du Maggid de Mezeritsch et fondateur de H'abad) explique que ceux qui interprètent le nom de Léah comme signifiant "fatigue" veulent exprimer par là qu'elle était capable de percevoir la réalité profonde sans arrêt, "recevant sans arrêt du flux (Divin)" (Maamarei Admour HaZaken al Parashiot HaTorah vehaMoadim, t. I, p. 169).

 

En tout cas, c'est un très joli nom.

Bonne chance et mazal tov!

 

Cordialement,