Haut les manches !

Dahan
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lun 10/06/2024 - 07:54

Chalom rav. Je voudrais tout d'abord vous féliciter et vous remercier pour ce merveilleux travail que vous faites (vraiment c'est une grande aide au quotidien). 

J'ai lu plusieurs réponses concernant les manches qui doivent aller jusqu'au coude pour une femme et je suis entièrement d'accord. 

Cependant j'ai une question concernant les manches au coudes qui peuvent remonter et dévoiler un petit peu le bras au dessus du coude. Selon la Torah (si je ne me trompe pas) on peut mettre des manches au dessus des coudes seulement de 1 tefah mais les hahamims ont mis une barrière. 

Voilà ma question : Est ce que cet interdit s'applique aussi sur des manches qui vont jusqu'au coude mais peuvent remonter ? 

Merci beaucoup. Kol touv. 

Rav Samuel Elikan
mar 25/06/2024 - 11:26

Shalom,

Premièrement, merci pour vos encouragements.

Deuxièmement, concernant la tznyout de manière générale - je vous invite vivement à lire la réponse 82055 (https://cheela.org/conversation/82055/), il y là bas une explication sur ces concepts qu'il faut bien comprendre. La tznyot est avant tout une idée, un concept de respect envers son propre corps et par une question de centimètres.

Troisièmement, pratiquement, concernant les manches au coude qui peuvent remonter - certains permettent dans la mesure où cela ne découvre pas plus que quelques centimètres du bras, d'autres sont plus stricts et il s'avère que c'est également lié à des normes locales.

D'où provient cette discussion ?

Nos Sages nous enseignent (1) qu'une femme est tenue de couvrir ses bras, et si elle les découvre en public, elle est considérée comme transgressant l'usage de la loi juive (dat yehoudit). En outre, le reste du bras, qui n'est pas l'avant-bras (zero'a), n'a pas besoin d'être couvert (2). Cependant, il faut clarifier ce qu'est exactement l'avant-bras (zero'a).

Selon la majorité des décisionnaires, l'avant-bras est la partie du bras située entre l'épaule et le coude, et c'est uniquement cette partie qui doit être couverte selon la halah'a. Ainsi, la partie du bras se trouvant au-delà du coude, en direction de la main, n'a pas besoin d'être couvert (3).

Pratiquement, la loi suit l'opinion de la majorité des décisionnaires, qui exigent de couvrir jusqu'au coude (compris), alors qu'au-delà de cela, il n'y a pas d'obligation halah'ique de se couvrir (4).

A noter encore que si, dans un certain endroit, toutes les femmes ont l'habitude de porter une manche longue, leur coutume devient halah'iquement contraignante, cela dépend donc de l'habite du lieu où on est (cf. réponse 82055 citée plus haut).

Suite à cela, il convient de mentionner que certains pensent qu'il n'est pas obligatoire de couvrir le bras jusqu'au coude inclusivement, mais de s'en approcher le plus possible tout en faisant preuve de moins de rigueur à ce sujet (5).

Cependant, selon d'autres, il n'est pas permis de découvrir même moins d'un tefah' des endroits qui doivent être couverts et il faudrait éviter de revêtir des habits dévoilant les coudes (6). Ainsi, pratiquement, chacune fera selon son milieu social, en sachant, qu'a priori, il vaut mieux porter un vêtement avec des manches qui atteignent au-delà du coude, de manière à ce que, quel que soit le mouvement fait, le bras, y compris le coude, reste couvert.

Notons encore qu'une personne étrangère qui ne connaît pas bien la halah'a (loi juive) et ses raisons et raisonnements propres, pourrait penser que la tznyout vise à réduire et à limiter la force vitale, à annihiler la femme et la subjuguer, h'as veshalom (Dieu nous en préserve - cette idée étant contraire au Judaïsme).

Le but de la tznyout, au contraire, est de sanctifier la vie, de la soustraire à la vulgarité et à la laideur de la finitude matérielle et ainsi d'élever la vie et de renforcer sa puissance. La tznyout n'est pas destinée à nuire à l'amour, mais à l'accroître ; en effet, le respect de la tznyout a pour but d'éloigner non seulement de l'inceste, protégeant l'intégrité de la famille (7), mais constitue également une expression de la sainteté de la vie humaine, l'aidant à s'élever vers les valeurs sacrées de la vie ; l'indécence mettant l'accent sur le côté matériel, esthétique et extérieur de la personne, tandis que la tznyout attirerait l'attention sur l'intériorité, l'âme (8).

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(1) TB Ketoubot 72b ; cf. comm. ad loc.

(2) Il convient de noter que, selon Rabbi Shmuel bar Nahmani (Bereshit Rabbah 80,4), toute l'affaire concernant Dina a commencé par le fait que son avant-bras était découvert en public devant Sheh'em ben H'amor, ce qui a suscité son désir pour elle et l'a conduit à pécher avec elle. De la découverte de l'avant-bras aurait découlé toute la mésaventure relatée dans la Torah (Bereshit, chapitre 34) !

(3) A noter que certains sont plus stricts et estiment qu'il est approprié pour une femme de porter une manche longue jusqu'à la main, soit parce qu'ils considèrent que l'avant-bras s'étend jusqu'au début de la main, soit parce qu'ils pensent que telle était la coutume parmi les femmes et qu'il ne faut pas s'en écarter (voir Beit Baruch vol. 1, p. 101).

(4) cf. p. ex. Mishnah Berourah OH 75, s.k. 2 ; Halih'ot Bat Israel, p. 70, etc.

(5) La source de cette opinion se trouve dans le Talmud (TB Berah'ot 24a) où une déclaration de Rabbi Itzh'ak est rapportée : "Un tefah' dévoilé chez une femme est considéré comme nudité". Cela signifie qu'une femme ne doit pas découvrir plus d'un tefah' (environ huit centimètres) des parties de son corps que les Sages ont décrété de couvrir en présence d'hommes étrangers. De ce fait, certains ont voulu conclure qu'il n'est pas interdit de découvrir moins d'un tefah' des parties couvertes, et qu'il n'est donc pas obligatoire que la manche atteigne ou dépasse le coude ; il suffirait qu'elle atteigne une distance inférieure à un tefah' depuis le coude (HaTzne'a Leh'et, p. 139). Selon cette opinion, on peut défendre qu'il est permis selon la loi juive de mettre des vêtements dont la manche n'atteint pas complètement le coude mais s'en approche.

(6) L'argumentation de cette approche est la suivante : ce que le Talmud dit à propos d'un tefah' ne concerne que la récitation de paroles de sainteté ; si moins d'un tefah' des endroits couverts est découvert, cela n'est pas considéré comme une nudité empêchant de dire des paroles de sainteté en face de cela. Mais en termes de lois de la tznyout, même moins d'un tefah' devrait être couvert. De plus, selon le Rema (sur Sh. Ar. OH 75,1), ce principe de moins d'un tefah' ne s'applique qu'à la propre épouse d'un homme, mais pour une femme étrangère, même la découverte de moins d'un tefah' des parties couvertes est considérée comme nudité et il est interdit de dire des paroles de sainteté en face de cela ; ainsi, il serait donc interdit de les découvrir (voir Gan Na'oul, p. 33).

(7) cf. Maïmonide, Guide des Egarés III, 49 ; Rav A.I. Kook, Shemonah Kevatzim, VI, §68.

(8) cf. Rav Kook, Midot HaReIya, s.v. Tznyout.