Conversation 78276 - Les femmes lisent la Torah ?!

mick636
Dimanche 5 juillet 2015 - 23:00

sur 78250 et 70031.
Si d'une part il est permis qu'un enfant mineur, donc pas astreint aux commandements, lise la Torah pour des adultes (et donc les en acquitte) et que d'autre part une femme peut faire un cours à un publique mixte, il devrait être permis qu'une femme lise la torah.
Visiblement, à par chez les libéraux, on ne le constate pas...
Pourquoi?

Rav Samuel Elikan
Mercredi 8 juillet 2015 - 07:21

Shalom,

Vous posez une bonne question, et à la fois, touchez à une question sensible.
Je voudrais juste, avant de commencer un plus ample développement, revenir sur le fait qu'un enfant, en pratique, de nos jours, dans la grande majorité des communauté ne lit pas.
Par ailleurs, comme je l'avais déjà noté, certains écrivent qu'on le fait justement monter après les sept obligatoires, justement parce qu'il ne saurait acquitter ; il s'agit de grandes discussions chez les décisionnaires.

Pour revenir, à votre question, sachez que ce n'est pas une question nouvelle et nos Sages à l'époque du Talmud en parlent déjà (TB Méguila 23a ; cf. aussi Tossefta Meguila 3,5 (3,11 dans l'éd. Lieberman)). Ils interdisent. La raison invoquée est un concept qui n'apparaît pas beaucoup dans la littérature talmudique - "kevod hatzibour", qu'on pourrait traduire très approximativement par "la dignité de la communauté" :

"Tout le monde monte à la Torah parmi les sept personnes requises, même une femme, même un enfant. Nos Sages enseignent : une femme ne lira pas (en public) en raison de la "dignité de la communauté" (kevod hatzibour)".

On parle d'un cas où il y a 10 hommes dans une synagogue, un jour où l'on lit la Torah.
Là, on voit bien des propos de nos Sages que ce n'est pas formellement interdit, puisque la mishna dit bien que théoriquement une femme, comme un enfant peuvent monter et lire la Torah.

Toutefois, il existe des raisons, hétéronomes à la loi de base, qu'il reste encore à comprendre, notamment ce qu'on appelle ici "kevod hatzibour" qui font que pratiquement les femmes ne montent pas à la Torah. C'est l'usage et c'est ainsi que durant toutes les générations cela a été fait.

Ce concept est repris par le Rambam qui tranche (hil. tefila 12,17) que la femme ne lit pas en public à cause de la "dignité de la communauté" (kvod hatzibour).

On apprend donc d'ici qu'il se peut que certaines choses soient permises mais ne s'appliquent pas ou sont "déconseillées" pour toutes sortes de raisons qu'il convient d'étudier et de comprendre.

La clé de compréhension est donc, ici, ce concept de "kvod hatzibour".
De quoi s'agit-il ?
Est-ce similaire au fait de donner un cours devant un public mixte ?
Est-ce lié à de quelconques normes ?
Si oui, seraient-elle d'ordre sociologiques ?
A des normes de pudeur ?
Au fait que la femme ne soit pas astreinte à l'étude de la Torah ?
Est-ce lié à "la voix" de la femme ? etc. etc.
Par ailleurs, la communauté peut-elle renoncer à sa dignité ?
Si oui, dans quels cas ?

Toutes ces questions sont sujettes à discussion et il n'est pas évident qu'une femme puisse lire devant un public mixte, ni que ce soit vraiment formellement interdit ; entre femmes par contre - il y n'a pas vraiment de raison d'interdire.

Quoi qu'il en soit, je ne souhaite pas m'étendre sur ce sujet, très "politisé" ces derniers temps dans certains milieux, et sur lequel il existe déjà une grande littérature.

Il s'agit du genre de sujets desquels on ne peut vraiment parler que lorsque les esprits - de toutes parts - sont calmes et prêts à discuter sincèrement, en lisant de manière honnête les propos émis au fil des générations, dans une étude vraie et respectueuse, sans avoir un quelconque motif politique ou autre ; ce genre d'étude requiert une volonté d'arriver à "la vérité" des propos tenus par nos Sages, à comprendre ce que cela veut dire, peu importe quelles en seront les conséquences.
Seulement après, on peut voir comment cela s'accorde avec la réalité ; et c'est justement le travail du rabbin d'accorder la halah'a à la réalité.
Le fait de fixer à la base le but à atteindre, quel qu'il soit, sans que ce dernier émane du paradigme de la halah'a, est, à mes yeux, non seulement un manque d'honnêteté intellectuelle, mais surtout une aliénation terrible de la halah'a.

Je crois qu'une des grandes discussions avec les libéraux touche justement sur la place de la tradition, le respect et la confiance qu'on a envers celle-ci.
L'usage reste comme dit, généralement, que les femmes ne lisent pas devant un public mixte, la Torah.

Cordialement,