Conversation 3821 - Pourquoi prier?

Anonyme
Dimanche 12 janvier 2003 - 23:00

J'ai parcouru la rubrique Priere , on y trouve beaucoup de halakhot , mais je n'ai pas trouve d'explications sur l'essence de la Priere .
Pourquoi prie-t-on ?
D-ieu a-t-il "besoin" de nos louanges ?
Ou est-ce nous qui avons besoin de le louer ?
Pouruqoi dit-on que la Tfila est un des piliers du monde ?

Merci d'avance.

Rav Elyakim Simsovic
Mercredi 9 avril 2003 - 23:00

Pour ne pas vous faire trop attendre, voici une première partie de la réponse. Je vous promets une suite très bientôt !

Pour commencer, quelques questions de vocabulaire. Si nous ne définissons pas le lexique, nous risquons de ne pas nous entendre.

Introduction : les différents rites oraux de la liturgie juive

Il existe dans la liturgie juive plusieurs rites oraux que l'on regroupe parfois sous le titre générique de prière.
1. les rites de louange, téhila
2. les rites d'action de grâce, hodaa
3. les professions de foi (p. ex. qériat chéma) et
4. les rites de demande, téfila. Seuls ces derniers sont au sens strict des prières.

Il existe aussi des rites de sanctification (qaddich, qédoucha) qui tiennent une place particulière dans la liturgie.
Je laisse de côté les rites de supplication (té'hina), de confession (vidouy) et d'autres qui sont des sous-classes des précédents (léhallel, léchabéa'h, léfaër, léromem, léhader...).

La fonction de tous ces rites peut être facilement et même intuitivement comprise. Le seul à faire vraiment problème est celui de la prière-demande.

1ère partie : Le droit à la prière

En effet, la question que la conscience juive se pose en premier lieu n'est pas de savoir si c'est Lui qui a besoin de nos prières ou si c'est nous (là aussi, la réponse "pieuse" est évidente) mais la vraie est : comment se fait-il que nous ayons le droit de prier.

Prier, cela signifie avoir le formidable toupet de se mettre debout face au Maître souverain des mondes et de lui dire : « la réalité que Tu m'as faite ne me convient pas. Change-la ! ».
Bien sûr, on y met les formes, mais cela revient finalement à ça.

Il faut donc élucider le premier point : le droit à la prière.
Ceci fait l'objet d'un passage talmudique (Bérakhot 26b) qui dit : « téfiloth avoth tiqnoum » qu'on a l'habitude de traduire par : « les prières, ce sont les Pères qui les ont instituées ». Et le Talmud appuie son dire sur les passages bibliques qui l'attestent.
Instituées doit être ici compris au sens de « rendues possibles ».
Les Pères, ce sont Abraham, Isaac et Jacob, engendreurs de l'identité d'Israël. Je résumerai ainsi la contribution spécifique de chacun : les temps de la journée ne sont pas équivalents et à chaque temps de la journée, l'aube, le plein jour et l'entrée dans la nuit correspondent des tonalités différentes dans la relation à Dieu et de Dieu à Son monde. L'évidente vérité de Sa bonté au temps du matin (Abraham), la rigoureuse vérité de Sa justice dans l'éclat du grand jour (Isaac), la vérité confiante en Sa Providence dans le temps de la nuit (Jacob). C'est que les Pères non plus, tous héros et héraults de Sa gloire, ne sont pas des Justes interchangeables. Ils ont eu à affronter et à vaincre des forces destructrices qui depuis la première faute avaient envahi le monde et dont la Genèse relate les méfaits.

C’est en tant que tels, parce qu’ils étaient en train, chacun en son temps et à sa manière, de relever le formidable défi d’arracher le monde de l’homme au déterminisme naturel pour le rendre conforme au projet de Dieu, qu’ils ont eus à Lui demander les forces nécessaires à cette tâche. Autrement dit, pour celui qui vit dans le monde de la nature et n’en connaît pas d’autre, il n’y a pas lieu de prier. Le Créateur a mis dans la nature tout ce qui est nécessaire à la subsistance des créatures ; il n’y a donc pas lieu d’adresser une quelconque prière au Créateur. Mais au-delà de l’aspect initial du monde tel que Dieu l’a créé « au commencement », il y a le projet de Dieu pour le monde, projet qui s’accomplit dans l’histoire par les actions des hommes.

Cette force particulière, qui dépasse l’ordre naturel, s’appelle dans le langage de la Thora : bérakha, que nous traduisons par bénédiction. C’est elle que nous demandons dans la prière et c’est pourquoi aussi la prière est formulée liturgiquement sous forme de bénédictions : Baroukh ata…

C’est donc dans la seule mesure où nous nous présentons devant Lui en tant que descendants d’Abraham, d’Isaac et de Jacob – et descendants cela ne veut pas dire seulement biologiquement, que nous pouvons Lui dire : Tu leur as accordée cette bénédiction pour eux et leurs enfants. Nous sommes leurs enfants, nous continuons leur œuvre et nous avons besoin de cette bénédiction pour faire Ta volonté.
Mais au moment même où nous disons cela, si nous sommes sérieux et sincères, nous ne pouvons pas ne pas nous demander : suis-je vraiment ce que je dis que je suis ? est-ce que je veux vraiment l’être ? A travers ce geste de la prière-demande se manifeste un tout autre aspect de la prière, que le français masque dans son vocabulaire.
Le mot prière, téfila est le substantif d’un verbe à la forme réfléchie (hitpaël pour les grammairiens) et qui en hébreu se dit léhitpallel. Cette forme réfléchie appartient à une racine, pallol qui veut dire juger. (pour les hébraïsants, voyez la correspondance avec « pélili ») Il y a donc dans l’attitude du Juif qui se met en prière, debout comme devant le tribunal, l’attitude de quelqu’un qui se met en jugement. Et les attendus de ce jugement concernent le fait de savoir : qui suis-je, moi qui prie, pour avoir le droit de prier.

A suivre…

Anonyme
Lundi 31 mars 2003 - 23:00

A propos de la 3821 : cessez les retouches SVP !! postez la reponse , meme si elle est trop grosse !! J'ai hate !

Rav Elyakim Simsovic
Lundi 31 mars 2003 - 23:00

Ouf ! quelle véhémence ! Mais hélas, je n'ai pas de chance. Mon ordinateur a été durement frappé par les violents orages de la semaine dernière (pannes de courant sauvages) et je travaille dur pour récupérer le maximum de mes disques moribonds - y compris le texte sur la prière, version intégrale et version abrégée. Si tout va bien et avec l'aide de Dieu je posterai la réponse avant Chabbat. (J'écris ceci sur un ordinateur de rechange.)

Anonyme
Mardi 8 avril 2003 - 23:00

A propos de la 3821 sur la priere ...je crois que votre ordinateur a rendu l'ame et que la reponse obese est perdue :-(

Rav Elyakim Simsovic
Mercredi 9 avril 2003 - 23:00

Mon ordinateur, grâce à Dieu est ressuscité et la réponse n'est pas perdue :-)
Malheureusement, il est des drames plus graves dont un deuil dans la famille de mon épouse et le temps file à une vitesse peu croyable.
De plus, nous sommes en ce moment sur une trajectoire de collision imminente avec la planète Pessah et tout porte à croire que la rencontre étant inévitable il va falloir prendre quelques mesures appropriées pour s'y poser en douceur au lieu de s'y écraser.
Mais si vous allez visiter le satellite 3821, vous y trouverez déjà un début de réponse en consolation d'une si longue attente.
Bonne lecture.

Anonyme
Jeudi 10 avril 2003 - 23:00

3821 -
Mille mercis. J'attends la suite avec impatience.
(Rav Simsovic : donnez vous des cours dans la region du Sharon ou du Goush Dan ?)

Rav Elyakim Simsovic
Samedi 12 avril 2003 - 23:00

Je donne un cours à Herzlya à des petits groupes d'études (ouverts)
- dimanche soir Kollel Erev, Beit Knesseth Ahdout, Rehov Hakouzari, Herzlya Merkaz,
à 19h45, en hébreu (Etudes sur Pessah, Omer, Yom Haatzmaout, Yom Yérouchalayim,
Chavouoth)
- dimanche soir c/o Marc et Nadine Passentin, rehov David Hamelekh, Herzlya Pitouah,
à 20h45 en français (Etude du Netza'h Israel du Maharal de Prague)
- mardi soir, Beit Knesset Beit Yoel, rehov Hamossadat, Herzlya Beth,
à 20h15 en hébreu (etude du livre de la Genèse)

Si vous voulez des détails, epsimso@trendline.co.il