Conversation 2492 - Thora et humanisme

Anonyme
Mardi 19 novembre 2002 - 23:00

y a t il un humanisme plus exigeant que la thora?
et si vraiment cet humanisme est codifiee est il possible de le considerer comme une religion parallele, comme un mouvement benefique pour israel?

Rav Elie Kahn z''l
Mardi 3 décembre 2002 - 23:00

La question de savoir si il existe une morale humaine en dehors de la Tora est sujette a discussion.
Rabbi Tsvi Elimelekh de Dinov (1) par exemple ecrit que l'interdiction de voler, commettre d'adultere ou d'assassinat vient de la Tora. C'est parce que D'ieu nous l'a interdit que nous ne le faisons pas, pas parce que notre morale nous l'interdit.
A l'oppose, le Rav Moche Chmouel Glasner (2) ecrit que passer outre a ce qui est accepte par les societes eclairees, meme si ce n'est pas interdit explicitement par la Tora, est plus grave que transgresser une interdiction explicite. Pour expliquer son propos, il donne l'exemple suivant: il est explicitement interdit par la Tora a un homme de revetir ds habits de femme. Par contre, l'interdiction d'aller completement nu n'apparait pas dans la Tora. Elle est acceptee de maniere quasi universelle. Le Rav Glasner pose donc la question suivante: un homme dort nu dans son lit, et se reveille a la lueur d'un incendie qui ravage sa chambre. Il n'a pour se revetir qu'un habit de femme. Devra-t-il revetir cet habit, ou sortir nu?
J'ai l'habitude de donner un autre exemple, base sur un fait divers d'il y a plusieurs annees. Un avion s'etait ecrase dans les Andes, et les rescapes n'avaient survecu qu'en consommant la chair de passagers qui avaient eu moins de chances qu'eux. Si ces rescapes avaient ete des juifs religieux, et qu'ils aient hesite entre consommer de la chair humaine ou des boites de conserves contenant de la viande non cachere, que leur aurait conseille un rabbin? L'interdiction de consommer de la chair humaine n'apparait pas dans la Tora, celle de consommer de la viande non cachere (de porc, par exemple) est quant a elle explicite.
On ne peut pas parler d'un humanisme plus exigeant que la Tora, mais on peut affirmer selon certains, que la Tora tient compte d'une morale innee, qui demande a etre renforcee ou amelioree. Le Rav Kook parle de la morale naturelle, et explique que la Tora doit permettre l'epanouissement de cette morale (3).
On doit acceuillir favorablement tout mouvement faisant progresser le niveau moral de l'humanite, mais il n'y a pas de "religion parallele". En tant que juifs, nous croyons a la specifite de la Tora, seule livre revele.

References: 1: Pologne, 18-19me siecle; Bney Issaskhar, maamarey h'odech Sivan, maamar 5, 22. 2: Hongrie-Israel, 19-20eme siecle; Dor Revii, intoduction. 3: Orot Hakodech, 3, p. 27.

estherarazy
Dimanche 20 novembre 2005 - 23:00

Shalom rav,

Je voudrais rebondir (avec votre permission) sur votre réponse intitulée « Torah et Humanisme » ( question numéro 2492)
Vous y écriviez : « On ne peut pas parler d'un humanisme plus exigeant que la Tora, mais on peut affirmer selon certains, que la Tora tient compte d'une morale innée, qui demande a être renforcée ou améliorée.”

Or il me semble qu’on peut désigner un humanisme plus exigeant que la Torah : l’humanisme exprimé par la Charte Universelle des Droits de L’Homme, Charte qui reconnaît, entre autres, la liberté d’expression, de croyance et de culte.
Ces libertés sont explicitement incompatibles avec une Torah où l’on peut lire (par exemple) : « Ce prophète ou ce songeur sera puni de mort, car il a parlé de révolte contre l’Eternel votre dieu… » (Deut 13 :12, et tout le chapitre 13 en général, et Deut 17)
Il existe sans doute de nombreux commentaires adoucissant la peine des « idolâtres » et des « faux-prophètes », et une importante jurisprudence réglementant l’application de ces peines, et vous pouvez me donner toutes sortes d’interprétations byzantines de ce verset, mais le fait est, (à moins qu’on me démontre le contraire), que la Torah ne reconnaît pas le principe même des libertés d’expression, de croyance et de culte.

Il me semble que l’humanisme qui reconnaît aux homosexuels le droit plein et entier d’être ce qu’ils sont, est bien supérieur à une Torah qui ne se contente pas de condamner l’homosexualité, mais condamne à mort les homosexuels en personne (Lév 20 : 13) (Là encore je sais bien qu’on peut me citer tout une tradition de commentaires et de jurisprudence adoucissant la sévérité de la sanction, mais il n’en est pas moins vrai que la Torah condamne l’homosexualité en son principe)

Mais dans les deux cas, il me semble que c’est un peu plus qu’une « amélioration » de la morale toraïque qui est nécessaire pour atteindre ce qui me semble être un meilleur humanisme que l’humanisme toraïque.

J’espère de tout mon cœur que vous me montrerez que j’ai tort, sinon j’ai envie de dire : « De qui se moquent-t-on ? » (Pardonnez mon effronterie mais je suis un peu révolté par ce que vous avez écrit. Chacun voit midi à sa porte et chaque religion considère que son texte sacré est le plus moral, le plus profond, le plus beau…)

Merci pour votre patience et votre indulgence

Rav Elie Kahn z''l
Lundi 28 novembre 2005 - 23:00

Chalom,

Il n'y a pour moi pas de dichotomie possible entre la Tora écrite et la transmission orale, ce qui fait que je ne peux en aucun cas faire abstraction des commentaires qui rendent quasiment impossible l'application de la peine de mort.
Mais il y a surtout une différence beaucoup plus significative entre mon approche et celle que reflète votre remarque.
Toute opinion n'est pas obligatoirement légitime. certaines sont dangereuses. Sartre avait à l'époque déclaré que l'antisémitisme n'était pas une opinion protégée par le principe de la liberté d'opinion. Et l'on peut de nos jours assigner en tribunal les négationistes. Où est la liberté d'opinion?
C'est que chaque société reconnait qu'il y a des opinions qui qui mettent en danger leur existence, et qu'elles se sentent donc le droit de prendre les mesures qui s'imposent pour se protéger.
Je ne désire pas entrer ici dans le détail de savoir quelles sont les opinions qui entrent dans cette catégorie, et celles qui n'y entrent pas. Je voudrais juste vous inviter à réflechir au fait que la liberté d'opinion n'est pas un principe absolu, et qe sa limitation ne vient pas seulement de cette Tora qui est à vos yeux si obscurantiste.

Accepter comme légitime certaines opinions ou certaines conduites ne doit pas obligatoirement être considéré comme un progrès moral.
Cela peut au contraire provenir d'une permissivité coupable.

estherarazy
Vendredi 2 décembre 2005 - 23:00

L'idolatrie et le polyhtéisme

Cher Rav,

Merci pour votre réponse à ma question 26980 même si vous avez en quelque sorte ajourné le débat en disant "Je ne désire pas entrer ici dans le détail de savoir quelles sont les opinions qui entrent dans cette catégorie [des opinions légitimies], et celles qui n'y entrent pas."

Pardonnez moi de vous importuner encore en vous interrogeant sur un sujet qui n'est pas sans rapport avec le précédant.
Ma question porte sur la première loi noahide.

Il me semble, si j'ai bien compris, que la première loi noahide consiste en l'interdiction des cultes paiens. Interdiction de l'idolatrie et du polythéisme, qui sont deux choses à distinguer.
Si j'ai bien compris, tout individu doit croire en un unique Créateur de l’univers.

Ma question est : pourquoi le polythéisme et l'idolatrie ne rentrent pas dans la catégorie des "opinions légitimes" ?
(tant que, bien sur, ils ne mènent pas à des aberrations comme les sacrifices humains, mais il y a eu dans l'histoire des idolatries et des polythéismes relativement paisibles, qui n'impliquaient pas des sacrifices humain, et il y a eu dans le judaisme le mystère du sacrifice de la fille de Jephté qui a intrigué beaucoup de commentateurs...)

Tous les idolatres et tous les polythéistes de tous les temps sont ils pecheurs ? Ne peut-on pas être idolatre et/ou polythéiste, et juste ?
Et avoir autant de poids aux yeux de D. qu'un goy qui respecte les sept lois noahides ou qu'un juif qui respecte les 613 mitsvoth ?

Pardonnez moi la naiveté de ma question, je sais que le judaisme est fondé d'abord sur un monothéisme rigoureux, mais je ne comprend pas pourquoi on condane si vigoureusement les idolatres et les polythéistes.

Merci pour votre patience

PS: J'aimerais avoir, si possible, l'avis du rav Simsovic sur la question.

Rav Elyakim Simsovic
Lundi 5 décembre 2005 - 23:00

Une correction quant à l'interprétation que vous donnez. L'interdiction de l'idôlatrie n'implique pas l'obligation de "croire en un Dieu unique Créateur de l'univers".
Cela dignifie qu'il vaux mieux être athée que de croire aux faux dieux.
Il y a une ascèse morale et religieuse qui doit conduire l'homme à être athée des faux dieux pour pourvoir un jour approcher le Dieu vivant.

Cela dit, étant donné qu'un non-juif qui compte parmi les "hassidé oumot haolam", ce qui pourrait se traduire par "les homme de bien de par le monde" a part au "monde à venir" ce qui devrait répondre à votre question.

En simplifiant beaucoup, cela signifie, par rapport à votre question, qu'il y a une différence entre celui qui adore une effigie tout en sachant qu'elle n'est que la représentation qu'il se donne d'un dieu qui est "ailleurs", invisible à l'oeil de chair, incorporel et immatériel, et celui qui croit, pour reprendre la formule de Malraux à "la présence effective du dieu dans son simulacre". Comme par exemple les chrétiens qui sont tenus de croire au dogme de la transsubstantiation au terme duquel leur dieu est réellement présent dans l'hostie qu'ils reçoivent en communion.
Leur culpabilté en cela tient seulement au fait qu'ils ont hérité des erreurs de leurs pères et le Dieu de miséricorde saura faire en leur faveur la part des choses.

Ce qui est condamné, c'est l'erreur volontaire connue comme telle parce que connue la volonté de Dieu telle qu'elle s'est révélée dans la Thora et qui vise à dénaturer la Présence du Visage de Dieu : tu n'auras pas d'autres dieux devant Ma Face.