Conversation 2518 - Peut=on habiter dans les "territoires"
Habiter dans les territoires occupés ( par nos cousins ) est-il interdit ou permis en raison des dangers actuels? Et quels sont les differentes positions des grands rabanims comtemporains?
Avons-nous le droit de nous installer dans les territoires?
Ces territoires, comme vous les appelez, sont partie intégrante d'Erets Israël. C'est dans cette région que le peuple juif a été fondé: Avraham a planté sa tante à Eilon Moré , près de Chehem (Napluse), le sacrifice de Ytskhak s'est déroulé sur le Mont du Temple (Jérusalem), Yaakov était à Bet El (près de Ramalla), Josué a conquis Jéricho, David était roi de Hevron…
Ces territoires sont le berceau de notre peuple, coeur de la terre promise à nos patriarches.
Nous avons donc le droit moral de "revenir à la maison". Le droit? Plutôt le devoir! Car en effet le Ramban, Nahmanide, nous enseigne qu'habiter en Erets Israël est une mitsva. (1) Cette mitsva ne consiste pas uniquement en la conquête de la terre et dans sa possession. La Torah nous ordonne aussi de la peupler dans son ensemble, d'y planter des vergers et d'y construire des villes, afin que la terre d'Israel ne soit pas laissée à l'abandon. Cette mitsva comprend donc deux phases : la conquête ou délivrance de notre pays d'une part, que l'on appelle en hebreu KIBOUCH, et d'autre part, l'entreprise de faire refleurir cette terre délaissée durant deux mille ans en lui redonnant vie, en construisant des routes, des villes, des usines, en plantant des forêts: c'est le YISHOUV AARETS. Ce n'est pas parce que nous avons été chassés et spolliés de notre patrie il y a deux mille ans, que nous avons perdu nos droits sur elle. Nous avons toujours affirmé, depuis notre départ, que nous reviendrions. Nous n'avons jamais perdu l'espoir de sortir de notre exil. Trois fois par jour, durant deux mille longues années, nous avons levé les yeux au ciel en demandant à la grâce divine de nous ramener à Sion, et maintenant que cela est réalisable vous doutez du droit de récupérer notre foyer?
A-t-on le droit de s'installer dans des endroits dangereux?
Il faut tout d'abord ramener les choses à leur juste proportion. Il est vrai qu'il y a eu des morts sur les routes de Judée et Samarie, et chaque personne assassinée est une victime de trop. Mais dans les faits, il n'est pas tombé plus de personnes dans ces régions d'Israël que dans d'autres régions. On ne peut donc pas dire objectivement que certains coins d'Israël sont plus dangereux que d'autres! Cependant il est clair que nous avons le devoir de faire attention à notre personne, et que tous ceux qui se mettent en danger enfreignent un interdit de la Torah! (2)
Selon ce principe, voyager en Israël en ce moment, ce n'est pas enfreindre la Torah? A-t-on le droit de prendre des risques?
Une question semblable a été posée au célèbre rabbin, le Noda Biyéouda. (3) La chasse à l'ours dans les forêts est-elle autorisée, malgrè le danger ? Le possek répondit que si la chasse est effectuée dans un but lucratif, afin de vendre les peaux, pour gagner sa vie, cela est autorisé par la Torah. En effet, il n'est pas interdit de prendre des risques quand ils sont pris dans le cadre du travail. Un juif peut être marin, malgré les dangers encourus : tempêtes, dysentrie, brigands… Selon ce principe, le Hazon Ish a autorisé d'être charpentier, de monter sur les toits malgré le risque de se fracasser la tête. (4)
Le Rav Moshé Feinstein résume ce principe: il est autorisé d'avoir un métier dangeureux, lorsque les risques ne sont pas trop importants. (5)
C'est pour cette raison que le rav Elyachiv de Jérusalem, n'a pas interdit aux habitants orthodoxes de la ville de Modiin de prendre la route directe qui va vers Jérusalem, même s' il y a eu des attentats sur ce chemin, car le danger n'est pas considéré comme important et que la population a besoin de se rendre à son travail. De même il n'a pas interdit de faire ses courses dans la rue Yaffo de Jérusalem, bien qu'elle ait connu beaucoup d'attentats meurtriers. (6)
Pourquoi ces risques ne sont-ils pas considérés comme trop importants? Qui doit ou peut définir les dangers?
Ce sont les forces de l'ordre, responsables de la sécurité, qui doivent définir ce qui représente un danger grave ou non. Nous les civils, nous ne connaissons pas les données, souvent gardées secrètes, des dangers à chaque endroit et des forces armées placées pour nous défendre . Si un territoire est considéré comme très dangeureux et que l'armée nous interdit de nous y rendre, car elle ne peut pas assurer notre sécurité, alors il est clair qu'il est interdit d'y aller. C'est le cas aujourdh'ui des villes arabes en Judée-Samarie et Gaza. Dans les autres endroits, les forces de l'ordre ne nous interdisent pas d'y habiter et ils assurent notre sécurité. Il est donc permis d'y vivre.
Selon les principes de la halakha, la vie dans ces régions d'Israël n'est pas considérée comme un danger grave car le nombre des victimes, de toute façon trop élevé, est tout de même moins grand que d'autres dangers que nous sommes prêts à encourir dans notre vie quotidienne. Il y a, par exemple, 10 fois plus de morts par an dans les accidents de la route que dans les attentats. Cependant, personne ne pense que prendre le volant (et conduire selon le code de la route) c'est enfreindre les lois de la Torah! Si s'exposer à ce danger est autorisé, alors à plus forte raison risquer un danger moindre !
Il y a un principe dans la halakha qui ennonce que les personnes qui sont envoyées (Chaliah) pour faire une mitsva ne doivent pas craindre sur leur chemin et renoncer à leur démarche. La Torah leur promet que la providence divine les garde plus particulièrement des dangers qui les menacent. Cependant il doivent quand même prendre des précautions. Ce principe est en vigueur également pour les dangers "habituels", car malgré tout, nous ne devons pas compter sur les miracles!
Les rabbanim ont réparti les dangers en deux groupes:
1. Lorsque il y a PLUS de 10% de risques que nous soyons en danger, il est interdit de prendre ce risque. (7) Sinon, c'est compter sur une intervention divine miraculeuse, qui ne se manifestera peut-être pas en notre faveur!
C'est la raison pour laquelle le Talmud nous oblige à prendre la fuite, même au milieu de notre prière, si un scorpion s'approche de nous, alors que nous devons continuer à prier avec ferveur lorsqu'un serpent passe près de nous. (8) Le scorpion est considéré comme très dangeureux, car il attaque presque à tous les coups. Par contre le serpent n'attaque que lorsqu'il se sent menacé. Cette halakha a été reprise par le Choulkhan Aroukh. (9)
2. Lorsque le risque de danger est de un pour mille, il n'y a aucun problème hilkhatique. (10) C'est pour cette raison que dans une période de répression pour les juifs, nous ne devons pas allumer la Hanoukia devans la fenêtre. Mais nous devons l'allumer dans la maison, à l'abri du regard des voisins. Pourquoi les rabbanim ne nous ont-ils pas dispensés entièrement de la mitsva (qui est Dérabanan) face au danger? Rabbi Akiva Eguer d'expliquer que dans un cas de danger rare, de moins de un sur mille, cela n'est pas considéré comme danger. Dans le cas de la hanoukia, il est peu problable que les non juifs fouillent nos maisons pour rechercher une hanoukia allumée!
Plus de 200.000 juifs vivent en Judée Samarie. Chaque jour il y a des milliers d'habitants qui prennent leur voiture pour se rendre sur leur lieu de travail, et Baroukh Hachem, il n'y a des attentats que très rarement (bien que, même un seul, ce soit de trop!). Ce danger est donc moins de un pour mille! C'est selon cette définiton que le Rav Vozener, a refusé de définir le marché de Jérusalem, le Makhané Yéouda, où malheureusement il y a eu plusieurs attentats, comme un endroit dangeureux qu'il serait interdit de fréquenter.
A-t-on le droit de mettre en danger des femmes et des enfants?
Une question similaire a été posée il y a déjà plus de 350 ans à un rabbin de renom, le MEHIL TSEDAKA.(11) 3 juifs de l'époque avaient décidé de monter en Israël. Les rabbins de leur communauté voulaient les en empêcher en leur prêchant que s'ils voulaient prendre des risques, partir en voyage sur la mer, cela était leur problème, mais qu'ils n'étaient pas autorisés à mettre en danger leurs enfants. Selon l'estimation de ces sages, le voyage en lui même était très dangereux et la vie en Israël serait insupportable pour des enfants habitués à un autre climat. Ces 3 compagnons se sont retournés vers le MEHIL STEDAKA pour lui demander son avis. La réponse du rav était claire : les rabbins qui vivent loin de la mer ne doivent pas estimer si cela est dangeureux ou si cela ne l'est pas. Ils ne connaissent pas le sujet dans ses moindres détails. C'est aux rabbanims qui vivent près d'un port de définir le danger. D'après son évaluation, le voyage en bateau ne peut être considéré comme spécialement dangereux. Tous les jours il y a des bateaux qui partent et d'autres qui arrivent sans catastrophe. Le MEHIL STEDAKA rajoute à son argumentation: "Si le danger pour les enfants n'est pas plus grand que pour les adultes, alors il n'y a pas de différence entre les uns et les autres. Ce qui est autorisé aux adultes est autorisé aux enfants".
Selon ce même principe, il est rapporté au nom du Hazon Ish que pendant la guerre d'indépendance de l'état d'Israel, un habitant vivant près de la frontière était venu lui demander s'il avait le devoir de déménager, car cela était dangereux pour sa famille. Le rav lui répondit qu'il devait rester dans son village, car si tous les habitants faisaient de même, les frontières du pays se restreindraient. (12) La halakha est la même pour les enfants et les adultes.
Il faut prendre en compte aussi que la mitsva de conquérir et d'habiter en Israël diffère de toutes les autres mitsvot. En effet en général, nous sommes dispensés de pratiquer les mitsvot qui nous mettent en danger. Si un jeûne est dangereux pour la santé d'un malade, il doit manger, durant le jeûne, même si c'est le jeûne de kippour. Il est permis d'accompagner une femme enceinte à l'hopital le jour de chabbat pour accoucher. La mitsva d'Erets Israel ne s'annule-t-elle pas devant les dangers de guerre, le terrorisme?
Comme nous l'avons déjà exprimé, le Ramban définit le fait de conquérir la terre d'Israël et d'empêcher les autres peuples de prendre possession de notre terre, comme une mitsva, et ce malgré les risques. Cette mitsva est en vigueur à toutes les époques, même lorsque nous n'avons pas de Bet Hamikdach. Chaque parcelle de terrain qui est habitée fait donc partie de l'accomplissement de cet ordre divin. . Nous avons donc pour mission de résister face à ceux qui désirent nous la reprendre. La mitsva de vivre sur la terre d'Israël ne s'annule donc pas devant un danger possible. C'est la conclusion du Minekhat Hinoukh. (13)
Conclusion: il est permis de vivre dans les territoires que nous avons libérés pendant la guerre des six jours. Cela est même une mitsva, de même que d'habiter à Tel Aviv ou Haifa.
Des juifs de toutes tendances confondues vivent en Judée et Samarie et aucun de leurs rabbanim ou de leurs chefs spirituels ne leur ont demandé de faire leurs baggages. Cela est vrai pour le courant sioniste religieux et aussi pour les hassidim de Emmanuel, les Lubavitch de Eli, les élèves du Rav Ovadia Yossef de Bétar, ou les Litaim de Tel Sion.... De même, des milliers de juifs et de grands rabbanim viennent régulièrement prier sur les tombeaux de nos pères à Hevron.
1. Séfér Amitsvot du Rambam, ajoux du Ramban mitsva 4.
2.
3. responsa NODA BIYEOUDA, 10.
4. Hazon Ish, Hochen mishepat, 18;2.
5. Igrot Moshé, Hochen mishepat 104
6. article du rav Chelomo Cohen Kaan, Koré Oneg, 602.
7. mishekenot yaakov.
8. traité de Berakhot 33A.
9. choulkhan Aroukh 190,3.
10. responsa Rabbi Akiva Eguer 60.
11. responsa Mehil Tsedaka 26.
12. Peer Ador, tome 2 page 42.
13. Minekhat Khinoukh 425.
J'aimerais savoir si selon vous, s'installer dans les territoires, c'est transgresser la mitsva de ne pas mettre sa vie en danger ?
La raison a ete amplement repondu est en longueur sur le site a plusieurs reprises. Merci.
Resume concis: Non ce n'est pas interdit au contraire c'est une mitsva.