Conversation 34131 - Filles de Job

Jobina
Lundi 4 décembre 2006 - 23:00

Il nous est dit que D.ieu donna à Iob, après ses épreuves, le double de tout ce qu'il possédait avant : Le verset 12 indique bien le double de possessions matérielles. Pour ce qui est des enfants, il en reçoit le même nombre, et la même répartition (7 fils 3 filles). Les filles de Iob sont les seules qui sont nommées; leur rang de naissance est précisé l'une par rapport à l'autre, et d'une certaine façon, c'est elles qui bénéficient du surplus de don de D.ieu, puisqu'elles ont une part d'héritage avec leurs frères. Que représentent donc les filles de Iob pour notre instruction?

Nathan Schwob
Jeudi 8 février 2007 - 07:58

Tout d'abord les filles de Yov font partie du tableau final dressé par le livre, du "happy end", où l'on voit que Yov a finalement été dédommagé et même bénit. Cette image complète le message central du livre: D. dirige le monde avec un extraordinaire sagesse qui de toute évidence nous dépasse. C'est pourquoi personne ne peut avoir la certitude absolue que ce qui lui arrive (et à plus forte raison aux autres) est une récompense ou une punition, pour telle faute ou telle bonne action. Malgré tout, et sans se perdre dans les contradictions, nous devons savoir qu'il existe un lien entre notre comportement et ce qui nous arrive. Nous devons en tirer des leçons morales constructives en gardant une confiance absolue en D. que tout est pour notre bien et que finalement ce point là aussi s'éclaircira. Comme le disait Yov (27,5): "Jusqu'à mon dernier souffle je ne me démettrais pas de mon intégrité", et finalement sa fin fut bénie.
Mais le livre de Yov fournit aussi d'amples détails sur ses filles: leur noms: Yemima = Claire comme la lumière du jour, Ketzia = une des plantes odorantes de la Ketorèt (encens), Keren Hapouch = couleur de lune de crocus (1). On nous dit aussi que leur beauté dépassait celle de toutes les femmes de la terre, et Rachi rajoute qu'il s'agit de la beauté physique et morale. Puis nous apprenons qu'elles ont reçu une part de l'héritage de leur père avec les frères.
Ces détails doivent compléter le tableau familial dressé au début du livre:
Yov était un homme pieu, craignant D. (1,1) mais ses enfants aimait faire la bringue (1,4). Normal pour les jeunes direz vous, mais Yov quant à lui craignait que ses enfants aient manqué de respect pour D. ne serait ce qu'en pensée (1,5), ils avait donc l'habitude après la fête, de les appeler à se sanctifier pour participer à l'offrande de sacrifices "Ola", qui expient les fautes commises en pensée.
Là commence l'exercice intellectuel et théorique de Yov, le "Gedanken Experiment" d'Einstein (2): et si tout s'écroulait, disparaissait, se dit Yov, comment ces malheurs influenceraient ma position vis avis de D.?
Après une bonne quarantaine de chapitres de dissertations sur le sujet, l'exercice se termine, tous les biens de Yov sont là, ses enfants aussi puisqu'ils ne sont morts que dans la théorie. Quelles ont été les influences du "petit exercice mental" sur Yov et sa famille. Là le texte nous enseigne que Yov a évidemment changé. Par contre chez ses enfants, les fils sont restés les mêmes tandis que les filles en ont tiré une leçon si forte que toute leur personnalité s'est transformée au point qu'il ait fallut les renommer et qu'elles en ont acquit leur renommée (3). L'héritage spirituel de Yov a passé chez ses filles et nous avons là un message éducatif.
Pour continuer à approfondir, relevons que les exigences spirituelles de Yov sont très élevées, elles se situent au niveau de la pensée. Yov est aussi à la recherche d'une sagesse portée par la connaissance (H'ochma) d'une part et par la compréhension intérieur des choses qui découle de ces connaissances (Bina) d'autre part (4). Les fils de Yov représentent ses connaissances qui n'ont pas changées tandis que les filles représentent sa capacité de déduire de là les sous entendus et leurs implications pratiques. Ce côté a été radicalement bouleversé, Yov n'agit plus à la fin du livre comme au début.
Peut être sous cet angle là nous pouvons comprendre les noms des trois filles:
Yemima = la lumière, correspond à la Menora du temple et à la sagesse qui est entièrement mise au service de D.
Ketzia = l'odeur de la Ketorèt, correspond à l'autel intérieur, qui représente la dernière touche de perfection des actions par la pureté des intentions.
Keren Hapouch = la couleur royale, correspond à la table des pains qui représente les richesses matérielles, elles aussi consacrées à la réalisation de la volonté divine.

Voir aussi la 11912.

(1) D'après l'explication du Talmud Baba Batra 16b.
(2) C'est ainsi qu'Einstein appelait ses réflexions sur des expériences de physique quantique irréalisables dans la pratique. Nous suivrons ici l'avis de Rabbi Chimeon Ben Lakish (Baba Batra 16a) qui identifie le Satan au mauvais penchant (Yetzer Hara), donc à une des facettes de l'homme lui-même. Cet avis se rapproche de celui de Rabbi Chemouel bar Nah'mani pour qui toute l'histoire de Yov est une allégorie. Cet avis est suivit par le Ramban (Rabbi Moché ben Nah'man, 1194-1270, Espagne - Israël) et le Malbim (Rav Méir Livouch Ben Yeh'iël Michal, 1809-1879, Volin, Varsovie, Bucarest) dans leurs commentaires sur Yov.
(3) La forme du mot "Chiveana" (42,13) indique que se sont les mêmes fils, comme le mot "Koulana" dans Berèchit 42,36. Ramban, "Commentaire sur Yov" dans "Les écrits du Ramban" Tome1, Ed. Mossad Harav Kook.
(4) Versets (28,12); (28,20); (28,25); (34,16); (38,4); (38,36); Talmud Nida 45b.

rd
Mercredi 18 juillet 2007 - 23:00

bonjour en réponse a la 34131, j'ai une question par rapport a Yob. Je n'es pas compris ce que vous dites quand les fils et filles ne sont morts qu'en théorie. Ils sont morts ou pas? Si oui, est-ce qu'ils ont résussités ou c'était d'autres enfants?

Nathan Schwob
Jeudi 6 septembre 2007 - 09:06

La réponse à la question 34131 est basée sur l'avis de nos sages qui dit que le livre de Yov est une allégorie, c'est à dire que Yov n'a jamais existé. Le livre de Yov constitue une réflexion sur les malheurs humains et sur la justice divine. Le problème n'est pas énoncé en termes philosophiques, mais à l'aide d'une histoire. L'auteur imagine d'abord une situation dramatique et éprouvante : la mort des enfants pour finalement reprendre la question de la justice divine, avec le retour des enfants. C'est à mon sens ce que veulent expliquer les commentateurs comme le Ramban (dans sa 2ème explication) et le Malbim, pour qui les enfants ne sont pas mort et donc n'ont pas ressuscités. Yov croyait qu'ils étaient morts, trompé par l'envoyé du début du livre, cet envoyé qui lui-même était manipulé par le Satan (Voir la note No2 dans la 34131).

Mais il existe d'autres commentaires:
Pour Rachi et le Ramban (1ère explication), les premiers sont morts et les suivants sont d'autres enfants.
Je n'ai pas sous les yeux un commentaire expliquant qu'ils ont ressuscités mais ce n'est pas exclu qu'on puisse trouver quelqu'un qui pense comme cela.