Conversation 8059 - Qui a ecrit le Zohar?
Shalom,
Quelle est l'origine de la divergence entre les historiens et les Rabbins quant a l'auteur et a la datation du Zohar?
Qui est ce Moise de Leon?
Merci beacoup, et merci pour ce site!
"Ce" Moïse de Léon est un rabbin espagnol du 13ème siècle (1240-1305) auteur lui-même de divers ouvrages de qabbala (Michkan Haédout, Sheqel Haqodech, Hanéfèche Hakha'hama) dont l'un au moins a été traduit en français chez Verdier (Le Sicle du sanctuaire = Sheqel Haqodech).
Etant donné qu'on ne trouve aucune mention ni référence au Zohar dans la littérature juive antérieure au 13ème siècle, époque à laquelle les manuscrits le concernant commencent à circuler et qu'on a relevé (études de G. Sholem et Y. Tishby en particulier) des similutudes et convergences de thèmes et de style entre des passages du Zohar et des des écrits de r. M. de Léon, que certains passages du Raaya Méhemna le mettent en cause de manière assez directe (cf. la thèse non-publiée du rav Israël Malka de Genève), on a émis l'hypothèse que l'auteur du Zohar - ouvrage considéré comme pseudépigraphique - n'était autre que Moïse de Léon.
Il existe une approche hébraïque - sémitique - radicalement différente dans sa mentalité de la conception occidentale. Celle-ci s'imagine qu'un livre est l'expression absolue de la sagesse. Elle tend à considérer qu'une idée n'existe pas tant qu'elle n'est pas écrite. Cela finit par déteindre même sur certains Juifs qui lorsqu'on leur explique quelque chose demandent "où c'est écrit ?" C'est parfois une simple manière discourtoise et qui se veut polie de dire à quelqu'un "je ne te crois pas". Mais en fait, pour la tradition hébraïque c'est la Thora orale qui est le gage d'authenticité de la Thora. C'est sur la Thora orale que l'alliance essentielle a été contractée (Exode 34:27 : ki al pi hadévraim ha-élè karateti itékha bérit véet yisrael = "car c'est sur la dimension orale de ces paroles que J'ai contracté alliance avec toi et avec Israël", voir Guittin 60b : "Haqadoch Baroukh n'a contracté d'allinace avec Israël que pour ce qui est oral" ; voir aussi Yérouchalmi, Péah, II, 4, Méguila IV, 1, Haguiga I, 8).
De même que la Michna et le Talmud ou les midrachim, le Zohar finit par être mis par écrit lorsque les circonstances socio-historiques le rendent nécessaire. Il faudrait reprendre pratiquement toute l'histoire des secousses qui agitent le monde Juif et non-Juif dans le nord de l'Espagne et le Sud de la France à cette époque, la controverse autour des écrits de Maïmonide, la floraison des disputations théologiques et de la littérature dogmatique qui leur fait suite pour comprendre pourquoi les rabbins ont décidé d'accepter la mise par écrit d'une partie des commentaires ésotériques de la Thora. La tradition distingue de ce point de vue l'auteur d'un livre et son rédacteur. Pour nous donc, nous n'avons aucun problème à admettre que Moïse de Léon ait pu être le rédacteur du Zohar (il faudrait encore distinguer les diverses couches textuelles, car le Zohar n'est en réalité pas un livre mais un ensemble de textes formant des unités distinctes mais coordonnées et qui ont été imprimés ensemble sous le titre générique du plus important d'entre eux). Cependant, l'auteur du Zohar est rabbi Chimé'on bar Yo'haï.
Dans l'une de ses introductions à son monumental commentaire du Zohar, le Pérouch Hasoulam, rabbi Yéhouda Leib Ashlag écrit (je cite de mémoire): "Pour nous, il ne fait pas de doute que l'auteur du Zohar est rabbi Chiméon bar Yo'haï. Mais si on venait à nous prouver sans l'ombre d'un doute que son auteur serait rabbi Moïse de Léon, cela ne diminuerait en rien le prestige du Zohar ni lui ôterait aucun éclat de sa valeur. Nous aurions seulement à reporter sur Moïse de Léon toute la considération, l'admiration et le respect que nous avons pour rabbi Chiméon bar Yo'haï en tant que l'auteur de cette oeuvre magistrale."
concernant la question 8059, pourquoi y a t-il un tel doute concernant le Zoar et son auteur. Je vous pose la question car c'est la premiere fois que j'entends parler d'une telle possibilite, sauf pour les psaumes de David. Y a t-il d'autres exemples ?
Il n'y a en réalité aucun doute et si vous relisez attentivement la réponse vous verrez qu'il en est ainsi. Les érudits dont c'est le gagne-pain et qui n'ont d'autre dieu que les documents écrits s'intéressent plus à la texture du papier et à la qualité de l'encre qu'aux mots vivants dont le premier est le support et dont la seconde est la trace. C'est bien dommage.
Et le roi David, pour reprendre la jolie formule du midrache, a écrit les Psaumes par le moyen de dix Anciens, dont lui-même. Aucun doute, là non-plus.