Conversation 41696 - Passage de la Mer Rouge et anthropomorphisme

Timna668
Samedi 19 avril 2008 - 23:00

Shalom Rav,

J’aimerais, si vous m’y autorisez, vous poser quelques questions, peut-être un peu personnelles.

Croyez-vous, sans aucune espèce de doute d’aucune sorte, que la mer rouge s’est ouverte pour laisser passer les hébreux ?

Si la réponse est oui, pouvez-vous, si cela peut se décrire, m’expliquer le cheminement de votre raisonnement ou de votre ressenti ?

Si la réponse est non, comment arrivez-vous à intégrer ce doute dans votre croyance ?

« D.ieu a dit a Moshe... D.ieu a vu … » D.ieu a donc une bouche, des yeux ?

Dans les textes saints il y a (je trouve) une présence trop troublante pour moi du merveilleux qui était « utile » à l'homme pour croire. J’ai envie de dire « Ca sent trop l’Homme » pour que je ne me pose des questions. Voyez-vous ce que je veux dire ? Il en est de même dans les trois religions monothéistes... En ce qui me concerne ça m'éloigne plus de la foi que ça ne m'en rapproche, ça m'attriste aussi, beaucoup....
Mais je cherche, je cherche.

Merci d’avance,

P.S J'ai posé une question restée sans réponse (non pas à vous, mais à tous les Rabbanim je crois) intitulée "le mal est-il justifiable".
Cela fait tellement longtemps qu'elle attend que je ne me rappelle plus quand je l'ai posée (!) Peut-on voir ce qu'il en advient ? Merci

Rav Elyakim Simsovic
Jeudi 24 avril 2008 - 03:28

Absolument !
C'est moi, ici, qui ne suit pas votre raisonnement. Le sujet ne se prête aucunement à démarche intellectuelle. La Thora nous communique une information. Nous pouvons vouloir la soumettre à notre capacité de compréhension, mais sa vérité ne dépend nullement de notre sagacité ou de notre acuité intellectuelle.

Concernant les expressions Dieu a dit, Dieu a vu etc., le sujet a déjà été amplement discuté par les théologiens et commentateurs. En bref, l'erreur du raisonnement vient ici essentiellement de ce que nous nous prenons pour la référence, ou l'étalon, du discours de la Thora. Et donc nous projetons sur Lui les dimensions de notre propre être, en oubliant qu'à l'origine, c'est Lui qui nous a créés. Essayez de penser ceci : nos yeux, nos mains, notre bouche ne sont que des rémanences diminuées et matérialisées de ce que sont une vraie bouche, de vrais yeux.

Je ne suis pas sûr de pouvoir partager votre sentiment concernant le merveilleux,. Certes, si le Livre dont nous parlons était une oeuvre littéraire, ce sentiment pourrait s'éprouver comme légitime. Mais dans la mesure où il s'agit de la Parole du Créateur des Mondes adressée à celle des créatures capable d'en être la conscience, le merveilleux disparaît comme tel, c'est-à-dire en tant que conte. Et je vous prie de ne pas mélanger les genres : il n'y a rien de commun entre la Thora d'Israël et les récits de la geste des héros du christianisme et de l'islam. J'en discuteria si vous voulez, mais ce n'est pas ici le lieu de le faire.

Je vais vous raconter un "conte" talmudique (traité Chabbat 53b) pour faire son affaire au "merveilleux" tel que vous en parlez.
"Un homme très pauvre s'est retrouvé veuf avec un enfant en bas à âge. N'ayant aucun moyen de payer une nourrice, il était désespéré. Un miracle survint : deux seins lui poussèrent et il put allaiter son bébé."
Rav Yossef serait tenté de voir en cet homme un "grand" pour avoir eu le mérite d'un tel miracle. Mais le grand maître qu'était Abayé lui répond "au contraire, il fallait que c'est homme soit tombé bien bas pour que soient bouleversés en sa faveur les lois de la nature!"

Quant au mal, il ne s'agit nullement de le justifier (les théodicées sont l'affaire d'autres sensibilités religieuses que celle d'Israël), mais de le combattre. Or, pour combattre efficacement son ennemi, il faut - d'une part - le connaître aussi bien que possible et - d'autre part - connaître les défauts de nos propres défenses qui nous rendent vulnérables à ses attaques.
Et donc la première chose à savoir et à rappeler c'est que le mal est créé. Il ne participe donc pas de l'essence de l'être mais des circonstances de sa présence au monde. Le mal, c'est finalement l'exacerbation d'un vouloir être qui, indispensable pour assurer la persévérance dans l'être, se muerait en égoïsme démesuré, niant la légitimité de tout être autre que moi.
Faut-il épiloguer ?
Moadim lésimha.