Conversation 4210 - Difference entre les Sifre Thora

Anonyme
Dimanche 2 février 2003 - 23:00

Shalom,
Les sifre torah ashkenazes et sepharades n'ecrivent pas le mot 'patsoua daka' de la meme facon (alef ou he a la fin), dans la parasha de ki tetse.
Chaque lettre de la torah a une importance infinie et une influence cosmique. Si la torah etait changee d'un grain d'encre, le monde ne pourrait subsister.
Je m'etonne donc que cette difference ne provoque pas plus de discussions dans le monde de la halaha! faut il en deduire que l'un ou l'autre des sifre torah est pasoul? Ce serait un hidoush enorme!
Cela peut parraitre etre un detail, mais j'espere que vous comprenez son impotance pour moi, notament lors de frequents debats a l'universite face a ceux qui veulent faire 'evoluer' la torah, pretendant que seul l' 'esprit' de la loi compte, pas le pied de la lettre.
Si vous connaissez une source hilhatique (shout ou autre) traitant de ce sujet, je vous remercie d'avance de me le faire savoir.
Encore merci pour tout, bessorot tovot.

Rav Elyakim Simsovic
Mardi 18 mars 2003 - 23:00

Vous écrivez :
« Chaque lettre de la torah a une importance infinie et une influence cosmique. Si la torah etait changee d'un grain d'encre, le monde ne pourrait subsister. »

a. La Thora et le séfer Thora.
La Thora est infinie, mais le séfer Thora ne l'est pas. La Thora est au-dessus des lois de la nature, mais pas le séfer Thora. A propos de l'aphorisme bien connu (Zohar III:134a, Tiqûné Zohar, Tiqûn 70 page 127a):
hakol talouy bémazal,
véafilou séfer Thora béhékhal
(= tout est soumis au déterminisme, y compris le livre de la Thora dans le sanctuaire), le Gaon de Vilna écrit en substance : le livre de la Thora est composé d'éléments matériels (bois, parchemin, encre...) qui sont soumis aux lois de la nature. Mais la Thora, elle, est immatérielle.
C'est la Thora qui a une importance cosmique car c'est par elle que le monde peut exister.

b.Tradition et variations.
Qu'il soit donc possible, dans le cadre de traditions précises, connues et bien établies que puissent exister des divergences d'orthographe, ne rend pas un séfer Thora "passoul", c'est-à-dire inutilisable pour la lecture rituelle publique. Et même lorsqu'il arrive qu'un séfer Thora soit passoul, cela n'enlève rien à sa sainteté et on dans avec à Simhat Thora comme avec tous les autres.
Le Midrach (1) rapporte, par exemple, que dans le séfer Thora de rabbi Méir le verset de la Genèse (2) "Dieu fit à l'homme et à sa femme des tuniques de peau" ('or avec 'ayine) était écrit "des tuniques de lumière" (or avec aleph). Et il explique la cohérence des deux versions

c. La Massora Guédola et son commentaire, le Ménorat Chélomo rapportent la leçon Daka avec aleph. Le 'Houmach Hékhal Habérakha du rav Yitzhaq Yéhouda Yéhiel de Komarno qui commente entre autres les particularités massorétiques du texte de la Thora écrit à ce sujet (3):
"Fétsoua Daka - Dans nos livres avec hé et si on le trouve écrit avec aleph le livre est cachère a priori (4) et il est interdit de corriger et d'effacer et que soient tranchées les mains de celui qui efface."
(soit dit en passant je n'ai trouvé nulle part - aval "lo marzati" eyna réaya - que la différence serait due à une distinction séfarade/achkénaze.)

d. Pour mémoire, le Talmud Babvli et Yérouchalmi écrit partout avec aleph, de même que Maïmonide dans le Michné Thora et le Tour ainsi que le Midrach Sifré. Le Choulhane Aroukh et le Midrach Yalqout Chiméoni écrivent avec hé (5) ou avec Alef (6) .

e. Ne vous souciez pas trop des universitaires. Leur survie dépend de leur capacité d'invention et de l'ingéniosité avec laquelle ils peuvent défendre n'importe qu'elle thèse. Que le texte de la Thora soit intangible ou non ne changera rien à la position de ceux qui n'ont pas encore compris de quelle manière l'âme s'attache au corps et l'esprit à la lettre. Cela dit, il est des universitaires fort respectables mais de même que - dit-on - le pouvoir corrompt, de même l'université est souvent une grande faiseuse de sceptiques, c'est-à-dire de gens très malheureux et très à plaindre car devenus incapables de croire en quoi que ce soit.
_____________________
(1) Midrach Genèse Rabba chap. 20.
(2) Genèse 3:21.
(3) Deut. 23:2.
(4) C'est-à-dire que ce n'est pas "bédé'avad" (a posteriori), ce qui laisserait entendre une nuance de prééminence d'une version sur l'autre, du genre "c'est quand même cachère..." Cachère a priori signifie cachère exactement comme celui qui est écrit avec hé sans aucune différence.
(5) Even Haezer 5:10. Bamidbar 5:709.
(6) Even Haezer 5:1 et 5:2. Dévarim Ki Tétsé 23:933

Anonyme
Mardi 18 mars 2003 - 23:00

Je souhaiterais réagir à la question 4210.
En effet, je suis au courant que sur certains Houmachim, il est écrit que le mot Fetsoua Daka de Ki Tetse s'écrit avec un Alef dans les Siffrey Thorah Achkenazim.
Cependant, il se trouve que (par le plus grand des hazards), j'étais Baal Kore ce Chabbat dans une synagogue Achkenaze avec bien sûr des sifré thorah achkenazes.
J'ai été surpris lorsque j'ai lu דכה et non דכא alors que le sefer thorah était achkenaze. J'ai demandé des explications au Grand rabbin de cette communauté, qui m'a répondu que sefarade ou achkenaze, on écrivait דכה. Donc, c'est une faute d'ignorance des imprimeurs ou bien... le mot achkenaze ne parle pas du נוסח אשכנז mais du נוסח פולין!

Rav Elyakim Simsovic
Mercredi 19 mars 2003 - 23:00

Comme je l'ai dit dans ma réponse, je n'ai trouvé nulle part que la différence serait due à une distinction séfarade/achkénaze.
Je n'ai pas bien compris de quels imprimeurs vous parlez qui commettraient une faute d'ignorance dans le séfer Thora servant à la lecture publique. Ce sont des sofrim qui sont sans doute beaucoup de chose mais pas des ignorants. Et comme je l'ai expliqué, les deux graphies sont toutes les deux non seulement cachères mais absolument équivalentes, même si l'une est plus répandue que l'autre.

Anonyme
Vendredi 21 mars 2003 - 23:00

Suite à la question 5253, je vous donne (de mémoire) la référence d'une édition ayant marqué que dans le rite Achkenazi, on écrivait דכא: Le חומש המפואר מאירת ענים

Rav Elyakim Simsovic
Dimanche 23 mars 2003 - 23:00

Possible, mais dans la massora il n'y a pas d'indications expresses disant que les Achkénazim écrivent comme-ci et les Séfaradim comme-ça.
Le Hékhal Habérakha est spécifiquement un rav Achkénaze et il écrit "dans nos livres avec hé..." (voir réponse à cheela n° 4210)