Conversation 4313 - Conditions d'appartenance au minyan
A-t-on le droit d'aller prier avec un Minyane qui ne compte pas forcément 10 Chomrei Chabbat?
La question est délicate car elle met en jeu des définitions pas toujours évidentes : que signifie être ou ne pas être chomer chabbat et son rapport avec le minyane, c’est-à-dire en fin de compte l’appartenance à la communauté, donc, aussi, qu’est-ce qu’une communauté ?
Reprenons donc depuis le début.
1. La halakha statue a priori sur les différents cas de ceux qui ne comptent pas pour le minyane. Y figurent entre autres le banni (voir ci-dessous) et l'apiqoros (déclaré tel par le tribunal).
2. Qu'est-ce que c'est qu'un minyane ? C'est l'unité communautaire fondamentale - le premier niveau d'unité du multiple nécessaire pour que ce qui relève de la sainteté ait place dans le monde.
3. Une communauté implique donc un niveau minimum d'homogénéité et de reconnaissance de la signification et de l'importance de ce à quoi on est occupé : en l’occurrence prier devant Dieu. Elle implique aussi une responsabilité et une solidarité entre ses membres finalement tous dépendants les uns des autres.
4. Rabbi Yossef Qaro écrit dans le Beth Yossef (Tour O.H. 55) : « Le séfer Hamahig (§79) écrit qu'un homme défini comme transgresseur ('avaryane) que la communauté constituée (le Qahal) n'a pas exclu par bannissement (nidouy) compte pour le minyane de dix et est tenu à toutes les mitzvoth car il est écrit (Josué 7:) 'Israël a fauté' - bien qu'ayant fauté il reste Israël mais s'il a été banni de la communauté il ne compte pas pour le minyane ni pour aucune cérémonie de sainteté ... ainsi que l'a écrit Rachi. »
5. C'est donc le bannissement et non la faute qui provoque l'exclusion du minyane. Rabbi Yossef Qaro cite aussi le Ribache qui dit que c'est en ce sens qu'il faut comprendre la décision de Maïmonide et c'est en ce sens aussi que Rabbi Yossef Qaro tranche dans le Choulhane Aroukh O.H. 54:11. Et le rav Hayyim David Halévy cite encore plusieurs décisionnaires dans le même sens (Assé lekha rav, vol. V, page 71) pour conclure qu'à part le banni et l'apiqoros et ceux qui transgressent par défi et provocation, tous participent au minyane y compris ceux qui transgressent par intérêt personnel (létéavone), sauf dans le cas de profanation du Nom et de profanation du Chabbat avant de poursuivre l’analyse dans le détail.
6. Et notre problème se trouve donc reposé.
Le respect du Chabbat est considéré comme la pierre de touche fondamentale de la reconnaissance de Dieu comme Créateur du monde et souverain de l'histoire. Nos maîtres considèrent comme une contradiction absolue une situation qui reviendrait à dire : je me fiche éperdument de Tes lois mais je prétends avoir le droit de prier comme tout le monde et de participer au minyane.
7. C'est à partir de là que le problème se corse (sans allusion insulaire).
La plupart de ceux qui sont considérés comme transgressant publiquement le Chabbat entrent-ils dans la catégorie que j'ai définie comme "je me fiche éperdument de Tes lois". Ceux qui sont dans ce cas ne peuvent faire partie du minyane que dans un cas d'extrême nécessité et en appliquant toutes les mesures d'allègement y compris qu'ils viennent de faire téchouva et ne sont donc plus considérés comme transgresseurs.
8. Mais il faut aussi considérer la clause « publiquement ». La plupart des décisionnaires considèrent que cela implique que la faute ait été faite explicitement en présence de dix personnes qui pourraient constituer un minyane et pas seulement que la chose soit publiquement connue.
9. Nous avons plutôt pour principe de considérer que la plupart des personnes concernées n'ont pas vraiment conscience de la gravité de leur conduite et ne croient pas vraiment que ce qu’elles font est interdit (cf. Hazon Ich, Yoré Déa, 13:16). Que si elles en avaient conscience, elles feraient immédiatement téchouva car elles souhaitent en réalité adhérer à la Thora et aux mitzvoth mais croient de manière erronée que les interdictions sont des surcharges à la loi imposées au cours des siècles par des rabbins timorés et ignorants des progrès de la science et des techniques.
10. On n'a pas l'habitude de soumettre les gens qui rentrent à la synagogue à un interrogatoire (devrais-je dire « inquisition » ?) sur la solidité de leur foi et de leur pratique. On considère que s'ils viennent en ce lieu, c'est que cela a un sens pour eux et dès lors ils y ont leur place.
11. Si, de plus, le minyane considéré permet à des « non religieux » de participer à un office alors qu’autrement (si les religieux s’en vont et que le minyane s’en trouve dissout) ils s’en abstiendraient, il se trouve qu’au lieu de rapprocher ceux qui sont éloignés, on les éloignerait encore davantage ce qui n’est en aucun cas un but souhaitable.
12. Tout ceci est dit a posteriori d’une situation sociologique telle qu’hélas nous la connaissons ; a priori il serait bien sûr préférable qu’il y ait au moins dix personnes observantes à propos desquelles ne se poserait aucune question, toutes les autres s’y adjoignant dès lors sans problème.
Sources complémentaires
Pour : Mélamed Léhoïl, I :29 ; Igroth Moché O.H. 1 :23 et 2 :19 ; Rachban 90 ; Binyane Tzione 23 ; Mahari Assad Yoré Déa 50 ; Michpatèkha Léyaaqov O.H. 19. Yalqout Yossef I, 93, concernant la récitation du qaddich, note qu’il est souhaitable que quelqu’un d’autre dise le qaddich avec quelqu’un de connu comme profanant le Chabbat afin d’être sûr d’acquitter le reste de la communauté.
Contre : Hakham Tsvi 38 ; Méchiv Davar 9 ; Lévouché Mordékhaï 16:13 ; Péri Hassadé 3:3.
Bonjour,
Nous avons baroukh HM un minian pour Minha tous les jours au bureau parfois nous avons parfois du mal à trouver le 10eme, or dans les locaux on a un mec dont la mere est juive, mais qui n'est pas circoncis et qui se dit mécréant (il a environ 55 ans) aujourd'hui j'ai pris l'initiative de le prendre pour 10em faute de mieux ai je bien fait ?
Merci
Si il a accepté de vous rejoindre, il est moins mécréant qu'il n'en a l'air.
Ce n'est pas l'idéal, mais c'est mieux que rien.