Conversation 55513 - Les Zemiroth

Lisa M
Mardi 1 février 2011 - 23:00

Bonjour j'aimerai connaitre la signification des zmirot de chabbat. Pourquoi les chate t on? et j'aimerai connaitre leur historique egalement
Merci!

Jacques Kohn z''l
Jeudi 3 février 2011 - 05:51

Signalons d’abord, pour éviter toute confusion, que le mot זמירות n’a pas la même signification dans le judaïsme sefarade, italien ou oriental que chez les achkenazes.
Les premiers l’appliquent aux versets, psaumes et louanges que l’on récite dans les prières de שחרית. Les mots זמירות et פסוקי דזמרא sont employés indistinctement par le שולחן ערוך (voir par exemple א 51, 1 et 8), et ils portent parfois le nom de בקשות.
Dans les communautés achkenazes, le mot désigne les chants que l’on entonne le שבת à la table familiale.
L’une des occupations pendant שבת la plus répandue et la plus populaire consiste en effet, tant à la synagogue qu’à la table familiale, à entonner ces chants de circonstance.
Nos Sages ont attribué à cette activité une importance telle qu’ils en ont écarté la règle selon laquelle, depuis l’abolition du Sanhédrin, on ne doit plus chanter pendant les banquets (משנה סוטה 9, 11).
Les זמירות possèdent en effet une vocation pédagogique irremplaçable. L’enfant qui les a entendus שבת après שבת à la table de ses parents les conservera en mémoire de façon indélébile. Et même s’il n’en saisit que rarement les mots et le sens, il se souviendra toujours des airs sur lesquels ils ont été chantés.
Peut-être est-ce pour cette raison que les rabbins allemands comme rav S. R. Hirsch ou rav Ezriel Hildesheimer, fondateur du Rabbiner-Seminar für das orthodoxe Judentum, ont autorisé les femmes à participer, même en présence d’hommes dont elles n’étaient pas les proches parentes, au chant des זמירות de שבת (voir Techouvoth Seridei Eich [2, 8] de Rav Ye‘hiel Jacob Weinberg).
Ces זמירות sont parfois d’inspiration kabbalistique, comme לכה דודי. Il en est qui expriment de l’admiration envers la table familiale et envers les mets délicieux dont elle est ornée, d’autres qui vantent les efforts de ceux et celles qui ont consenti des sacrifices en l’honneur du שבת. C’est le cas, par exemple, de שמרו שבתותי. Il en est d’autres enfin, comme יה רבון עולם, où il n’est pas du tout question de שבת, mais qui célèbrent l’alliance de Hachem avec le peuple d’Israël.
C’est au seizième siècle qu’ont commencé d’être publiés, notamment à Amsterdam et à Constantinople, des recueils de זמירות. Au fil des ans, celles-ci se sont réparties en trois groupes : celles du vendredi soir au nombre de huit, celles du שבת à midi également au nombre de huit, et celles de la fin de l’après-midi du שבת, au nombre de neuf, destinées à prolonger le שבת aux dépens du « profane » (שבת 118b ; שולחן ערוך אורח חיים 293, 1). Certains y ont ajouté celles qui accompagnent le מלוה מלכא, cette collation prise après la tombée de la nuit et destinée à « raccompagner » la reine שבת et à prendre congé d’elle jusqu’au vendredi soir suivant.
Les airs sur lesquels sont chantés les זמירות sont empruntés soit à la musique synagogale, comme celle de Lewandowski, soit le plus souvent aux musiques populaires en honneur dans les pays dont ils sont issus. Les familles séfarades originaires d’Afrique du nord affectionnent tout particulièrement les airs empruntés à la musique andalouse. Dans les milieux achkenazes, on reste fidèle aux musiques des pays dont ils sont originaires, en particulier de Russie, de Pologne, d’Allemagne ou d’Alsace.
Signalons à ce sujet une réflexion attribuée au compositeur Frédéric Chopin par Frédérick Niecks, son biographe : « Pauvre musique polonaise ! Tu ne te rends pas compte le moins du monde à quel point tu seras entrelardée avec Ma youfis (prononciation judéo-polonaise de מה יפית, l’une des זמירות du vendredi soir) ! » Cette réflexion, venue de quelqu’un dont on sait qu’il ne portait pas les Juifs dans son cœur, atteste des liens avec les musiques vernaculaires.
Il convient encore de noter que les ‘hassidim, dont on sait le goût prononcé pour le chant, entonnent le שבת, tout autant que des זמירות, des mélopées sans paroles, dont chacune est souvent caractéristique de leur obédience.