Conversation 62703 - Transcendante la question (Urgent)

Jerongue
Vendredi 13 avril 2012 - 23:00

Bonjour à vous, j'aurai deux questions à vous poser:

1- La définition du divin du judaisme et du panenthéisme est exactement la meme ?

2- Si chaque personne est une partie du divin, il est donc logiquement impossible qu'il y'est une quelconque transcendance. L'homme ne peut être une partie du Divin, si Celui-ci est extérieur. Qu'en pensez-vous ?

Nathaniel Zerbib
Dimanche 22 avril 2012 - 05:39

Chalom,
Je ne comprends pas vraiment l’urgence de la question. Craignez-vous que votre foi soit ébranlée si l’on ne vous répond pas à cette question dans les plus brefs délais ?

1. Monothéisme ou Panenthéisme, telle est la question. Dans les sources rabbiniques et philosophiques juives, on trouve les deux approches.
La vérité est que le judaïsme ne donne pas de réponse unilatérale dans la compréhension de D. comme nous pouvons le souligner notamment dans les écrits du Rav A.I Kook zatsa"l, ou l’on trouve des citations prônant les deux thèses [cf Orot Hakodech Tome 2 p.399, 8 Kvatsim K 1-65]. Du fait que le critère d’établissement de la vérité dans ce genre de discussion philosophique est le « plaisir » que la conclusion procure [Orot Hakodech Tome 2 p.297] et que chaque théorie procure un sentiment de satisfaction et d’insatisfaction à la fois, nous pouvons en déduire que chaque approche ne constitue qu’un aspect limite de l’entière vérité.

2. Vous faites probablement référence à la célèbre expression « ‘helek eloha mimaal » qui est mentionnée par R’ Shneior Zalman de Ladi dans le Tania [Tome 1 Ch.2].
Rappelons que la source de cette expression est dans le Livre de Job [21-2] :
“וּמֶה חֵלֶק אֱלוֹהַּ מִמָּעַל וְנַחֲלַת שַׁדַּי מִמְּרֹמִים. “
La seconde partie du verset nous donne une indication sur la signification de l’expression. Le mot Na’hala signifie un héritage ; le mot ‘helek veut donc dire dans ce contexte non une partie mais une part.
Vous avez tout à fait raison de soutenir l’idée que l’Homme ne peut en aucun cas être une partie du Divin. Si la foi juive parle de transcendance parfaite de D., il faut la prendre au sérieux. Je pense que cette confusion provient du fait que le Tania a ajouté le mot "ממש" qui signifie « vraiment » à la suite de l’expression tanakhique. Pour revenir à votre première question, certains l’ont identifié par là comme étant partisan de la thèse panenthéiste.

Que D. éclaircisse nos esprits. Amen.

babaz
Samedi 21 avril 2012 - 23:00

62703

Bonjour Nathaniel Zerbib,

"Monothéisme ou Panenthéisme"

Que distingue selon vous ces deux attitudes ?

Merci

Nathaniel Zerbib
Lundi 23 avril 2012 - 00:26

Chalom,

J'avoue que ma précédente réponse implique inéluctablement votre question. Je vous remercie de l'avoir posée.

Selon moi, rien ne distingue ces deux approches, c'est un sujet bien trop complique pour que je puisse exprimer mon opinion personnelle. En revanche, le Rav Kook zts"l, dans l'une des sources mentionnées précédemment (8 Kvatsim, Tome 1,65) donne une définition de ces deux notions. Je m’efforcerais de retranscrire en francais avec le maximum de précision; je ne vous cacherais pas que c'est une tache assez périlleuse.
Le Monothéisme parle de Créateur et de création comme existants de par eux-mêmes, comme si chacun était une entité indépendante. Cependant, ils sont inexorablement liés par le fait que le Créateur fait vivre la création (et la création recoit sa source de vie du Créateur).
Selon le Panentheisme, la création n'existe aucunement, et le terme de création n'est qu'une allégorie; nous ne nous definissons comme créatures que de part notre perception limitée et restreinte du Divin mais en réalité tout est Créateur, tout est D. et il n'existe rien en dehors de Lui.

En esperant avoir été clair bien que n’étant moi-même pas certain d'avoir tout saisi.

babaz
Dimanche 22 avril 2012 - 23:00

62851

Merci beaucoup pour votre réponse.

Si, comme on le fait communément, vous admettez que le judaïsme est un monothéisme, vos définitions me paraissent paradoxales.
En effet, il est a priori accepté au sein du judaïsme que, fondamentalement, "tout est Créateur, tout est D. et il n'existe rien en dehors de Lui.", comme l'illustre le célèbre verset "ein od milvado".
Il me semble de mon côté que le panenthéisme peut être vu comme une forme de monothéismes, et le schéma "arizaliste" me paraît à sa façon l'illustrer.

Pour l'étude de l'ontologie juive, les textes 'hassidiques sont-ils peut-être plus précieux que ceux du Rav Kook, en ce qu'ils la visent plus directement ?

Nathaniel Zerbib
Mercredi 25 avril 2012 - 01:10

1. Je vous répondrais de deux manières:
a. Comme je l'ai dit dans ma première réponse, ce genre de débat philosophique laisse la place à plusieurs fondements même s'ils paraissent contradictoires a priori et c'est en les associant qu'on peut parvenir à la vérité intégrale ou du moins s'y en approcher.
b. notre foi monothéiste est tellement forte qu'elle admet que si D. est vraiment Un, et qu'il est seul Créateur, il inclue "en son sein" même les paradoxes comme on peut s'en apercevoir dans le Monde qu'Il a créé qui est plein de contradictions.

2. Mes maîtres m'ont enseigné que dans l’étude de l'ontologie juive comme dans tout domaine de la Torah, on doit s'efforcer d’étudier toutes les sources et non pas se restreindre à une école particulière. C'est exactement comme cela que le Rav Kook a procédé durant toute sa vie.

Bivrakha.

babaz
Jeudi 26 avril 2012 - 23:00

62881

1. Le paradoxe est-il un gage de vérité ? À mon sens, si tant est qu'il est l'aboutissement d'une étude rigoureuse.

2. (a) Je vous rejoins tout à fait, mais les textes 'hassidiques me paraissent particulièrement précieux pour aborder ce type d'étude dans la mesure où ils mettent à la portée de tout le monde un jargon qui, autrement, reste le fait de spécialistes. (b)Or je me demande si la métaphysique n'est pas plus une affaire de langage(s) que d'autre chose. (c) Et question de ne pas se satisfaire ce dont certains voudraient se satisfaire, en venir à étudier par la suite la contradiction de cette étude, et même au-delà du judaïsme, me paraît également important. On se rejoint donc.

Merci

Nathaniel Zerbib
Dimanche 29 avril 2012 - 02:21

Chalom,

1. Selon ma 2e réponse, et dans ce contexte, je pense que la réponse est positive.

2. (a)S'il est vrai que les textes 'hassidiques sont incontournables, il me semble que les textes kabbalistiques "purs" sont à etudier en premier lieu. N'oublions pas que l'objectif principal de la littérature 'hassidique ne présente qu'un aspect de la Kabbale, à savoir, l’étude de l’âme humaine; la question de l'essence du Divin n'est traitée presque que dans cette optique. D'ailleurs, on trouve aujourd'hui une erreur tres répandue - et à mon gout fatale - selon laquelle la Kabale est identifiée intégralement à la 'Hassidout.
Une autre erreur, proche de cette dernière, que je retrouve dans vos propos est de croire que la 'Hassidout est à la portee de tout le monde. Prenons comme exemple les deux oeuvres les plus connues et certainement les plus étudiées aujourd'hui, le Tania et Likouté Moharan; force est de constater que ces textes sont d'une extreme complexité et qu'ils nécessitent de nombreuses introductions avant de s'y plonger.

(b) Je ne pense pas que la métaphysique ne soit qu'une question de sémantique. Il est des definitions de la Divinité, comme le Pantheisme par exemple, qui est complètement en dehors de la foi juive et ce n'est pas par hasard que le principal partisan de cette thèse fut excommunié de la communauté d’Israël.

(c) Cela me satisfait pleinement car c'est indispensable pour accomplir ce que R' El'azar a enseigné dans le Traité de Avot que nous venons de lire : "Saches quoi répondre au mécréant" (Avot, 2,14).

babaz
Samedi 28 avril 2012 - 23:00

Bonjour,

« S'il est vrai que les textes 'hassidiques sont incontournables, il me semble que les textes kabbalistiques "purs" sont à etudier en premier lieu. »

(a)Pour le coup, je ne vous rejoins pas du tout. La ‘hassidouth se pose aujourd'hui comme une étude ayant rendu et rendant bien plus accessible la quintessence du patrimoine ésotérique juif, là où l'étude des textes kabbalistiques "purs" reste pour le judaïsme l'apanage d'initiés.

« N'oublions pas que l'objectif principal de la littérature 'hassidique ne présente qu'un aspect de la Kabbale, à savoir, l’étude de l’âme humaine; la question de l'essence du Divin n'est traitée presque que dans cette optique. »

(b)D’où tenez-vous cela ?
Après, tout dépend peut-être de la 'hassidouth envisagée.

« Une autre erreur, proche de cette dernière, que je retrouve dans vos propos est de croire que la 'Hassidout est à la portee de tout le monde. Prenons comme exemple les deux oeuvres les plus connues et certainement les plus étudiées aujourd'hui, le Tania et Likouté Moharan; force est de constater que ces textes sont d'une extreme complexité et qu'ils nécessitent de nombreuses introductions avant de s'y plonger. »

(c) La plus grande difficulté me semble être de trouver un maître apte à nous faire entrer sérieusement dans ces textes. Mais il y a là des notions auxquelles chacun peut, me semble-t-il, s’intéresser, à moins que vous ne pensiez qu'en tout homme conscient réside un "potentiel métaphysicien".

« Je ne pense pas que la métaphysique ne soit qu'une question de sémantique. Il est des definitions de la Divinité, comme le Pantheisme par exemple, qui est complètement en dehors de la foi juive et ce n'est pas par hasard que le principal partisan de cette thèse fut excommunié de la communauté d’Israël. »

(d) Martial Guéroult, commentateur de la pensée de cet excommunié, avait vu en son ontologie ce qu’il nomma « panenthéisme », et nous lui devons ce terme que vous citiez un peu plus haut, à la suite de Karl Krause. J’ai tenté de vous faire remarquer (question 62881) que la définition que vous en donniez ne rendait pas le « panenthéisme » tout à fait étranger au « monothéisme » juif, dont vous l’aviez pourtant distingué (dans votre réponse au message 62851).

Si vous étiez prêt à partager la lecture de Martial Guéroult, vous pourriez aller me semble-t-il jusqu’à douter du bien-fondé de l’excommunication de notre grand homme, sur le compte de votre acceptation prudente du paradoxe en question.

Nathaniel Zerbib
Lundi 30 avril 2012 - 04:08

(a) Je vous l'accorde. Néanmoins, ce domaine de la Torah est limité quant a la connaissance du Divin et ne saurait remplacer en aucun cas l’étude systématique des références-sources de la 'Hassidout elle-même.

(b) Je tiens cette définition de mes maîtres. Apres m’être plongé à mon tour dans l’étude de ces textes, je ne peux qu'acquiescer. Je conçois que ce n'est pas le seul sujet traité mais il y est prédominant.

(c) Je suis d'accord avec les deux points que vous énoncez. Je ne pense pas avoir saisi votre remarque de fin de phrase.

(d) Je ne connais malheureusement pas le philosophe que vous mentionnez. Par contre, concernant la remise en question du bien-fondé de l'excommunication de Spinoza, vous n'avez pas tout à fait tort: en 1704, le rabbin de la communauté séfarade de Londres, R' David Nieto prononca à la synagogue un discours dans lequel il prétendit que la nature est la révélation de D. dans le Monde. Les membres de la communauté locale voulurent l'excommunier également. Ils se tournèrent vers R' Tsvi Hirsch Ashkenazi ('Ha'ham Tsvi), chef du tribunal rabbinique de Hambourg afin de trancher sur la question. Dans une réponse publiée dans son responsa (r.18), il l'acquitte de tout soupçon d’hérésie en expliquant que ce sont que les propos de R' Yehouda Halevi dans le livre du Kouzari (Tome 1 , s. 15 et 16).

Lytk
Mardi 18 février 2014 - 23:00

Chalom,

Pensez-vous qu'il est correct de dire qu'HaShem est Transcendant et Immanent ?

Kol Touv.

Nathaniel Zerbib
Lundi 21 avril 2014 - 16:16

Chalom Ouvrakha,

Je pense que vous trouverez votre réponse dans l'echange ci-dessus.

Bivrakha.