Conversation 63005 - Aimer Dieu
Shalom,
Ma question pose sur le fait que la base de tout comportement d'un croyant repose sur deux commandements: d'aimer Dieu et d'aimer son prochain.
Je voudrais m'arrêter sur le premier: aimer Dieu.
Comment quelqu'un pourrait aimer un Dieu qu'il ne connaît pas, un Dieu qui étant illimité ne peut être jamais connu entierèment par nous qui sommes limités, un Dieu qui ne se revèle pas à chaque personne pour que chaque personne puisse le connaître et aimer etc.
Pour un Dieu juste il serait de l'injustice demander à quelqu'un de l'aimer sans se faire connaître à lui. Et Dieu ne peut être injuste. Dans ce cas, il n'y a pas une erreur de la part des hommes qui ont essayé réduir Dieu à ce qu'ils on cru comprendre de Dieu dans leur réligion?
Je vous remercie,
Adriana.
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Chalom,
Votre question a a ete posee par les Sages du Midrash et est traitee dans la quasi-totalite des ouvrages de pensee juive, depuis l'epoque medievale jusqu'aujourd'hui.
La problematique est posee en gros dans vos termes bien qu'elle diverge de temps en temps: l'amour de Dieu dont il est question est-il un reel sentiment d'amour tel que nous le connaissons d'experiences d'amour ou est-ce une metaphore qui vient presenter le rapport a Dieu dans le langage des hommes? Est-ce un commandement objectif ou un contraire un appel a la subjectivite de chacun?
Je vous propose pour le moment 5 reponses (parmi beaucoup d'autres) qui vous donneront de la matiere a mediter je l'espere. Pour etre plus rapide, je ne citerai pas les sources dans les termes mais me contenterai de resumer chaque position.
Bahya Ibn Pakouda, dans son 'Hovot Halevavot' (les devoirs des coeurs) consacre un chapitre entier a cette problematique (vous trouverez un ouvrage en francais de Georges Vajda sur l'amour de Dieu dans la theologie juive medievale qui traite de cette position) parle de l'amour de D.ieu comme d'une emotion relevant d'une prise de conscience profonde sur l'ecart et la distance qui nous separe de Dieu et qui est remplie de regret et de nostalgie existentielle face a cet ecart. L'homme vivant sa condition de finitude se percoit loin de Dieu et desire combler ce fosse. Bahya Ibn Pakouda consacre plusieurs paragraphes qui explicitent les chemins et les moyens pour l'homme d'experimenter cet amour de D.ieu. La finitude est le sentiment religieux primordial qui permet ensuite tout developpement a intensite modulable. Sans ce sentiment, rien ne peut debuter.
Maimonide qui, bien que voyant dans l'amour de Dieu l'expression d'une emotion passionelle a l'image de l'amour d'un homme pour sa bien-aimee, propose differents moyens, pour y parvenir. Pour lui, le divin est absolument transcendant et toute experience d'extase mal canalisee serait rapidement associee a de l'idolatrie. Il propose de s'appliquer a l'etude de la Torah et de ses commandements, puisque c'est pour nous la seule expression du divin dans le monde. L'amour de la Torah est le sommum de l'amour qu'un homme pourra developper envers Dieu (on peut lire Maimonide sur cette question egalement differemment). Dans un autre texte, il propose comme moyen de developper l'amour de Dieu de s'adonner a l'experience contemplative de la nature et suppose que cette experience menera necessairement l'homme a un sentiment d'amour. Mais ne nous y trompons pas: il appelle l'homme non pas a une experience fusionnelle avec la nature mais a reconnaitre en elle le maitre du monde et du systeme, voir meme de le comprendre. Son approche est donc beaucoup plus intellectualiste que Bahya Ibn Pakouda. Certains veulent appeler ceci, apres Spinoza, comme de l'amour contemplatif, meme si amon gout, c'est un peu restrictif - voir les 4 derniers chapitres du Guide des Egares).
Le livre du Hinoukh (attribue peut etre a Rabbi Aharon halevi) propose une lecture beaucoup plus radicale (avec des implications qui peuvent etre dangereuses): Pour lui, ilne saurait y avoir d'amour partage. Celui qui veut aimer Dieu doit donc evaluer tout ce qui a ses yeux est important et releve de l'amour (sa famille, ses biens, son honneur) et d'une facon systematique nier cet amour face a l'amour inconditionnel et incommensurable de Dieu. Seul celui qui est pret a sacrifier tout ce qu'il aime pour l'amour de Dieu y parviendra reellement. Je propose une lecture radicale de cette position pour bien en faire ressortir les dangers. Aimer Dieu signifie s'adonner a lui et etre pret en son Nom a abandonner le reste. Aimer Dieu, c'est etre pret a bannir les valeurs morales et sociales qui nous entourent. En terme d'intensite du vecu, il y a surement quelque chose d'envoutant dans cette optique, comme toute optique radicale, mais elle pose de serieux problemes.
Dans un autre registre, celui de la pensee hassidique, Rabbi tsadok Hacohen de Lublin, propose de reflechir l'amour de Dieu avant tout sur la base d'un amour de soi. Selon lui, la capacite a s'accepter avec ses qualites et defauts, ses bonnes et mauvaises actions est la base sine qua none d'un amour de Dieu sain. Ceci repose sur une theorie maximaliste de la providence qui veut que rien, ni meme les fautes de l'homme, ne sont separees de la volonte de Dieu, En comprenant cela, l'homme se resignera a vivre, agir et penser sans chercher a etre un autre mais reellement mettre en action ses potentialites bien personnelles. Cette optique, passionante tant dans la vie que dans la pensee est interessante car, contrairement au Hinoukh presente auparavant, elle ne demande aucunement un renoncement, un cassure avec mon etre intime et ses amours (famille etc) mais un englobement de tout cela pour se tourner vers Dieu.
Enfin, je vous presente un commentaire talmudique court mais extremement poignant a ce sujet. LeTalmud conscient de cette problematique focalise son analyse non pas sur la relation entre l'homme et Dieu et l'instauration d'une relation acceptable entre eux, mais cree un triangle entre l'homme, l'amour qu'il veut porter a Dieu et l'impact de cet amour sur son prochain. Ainsi, Si dans ses actions religieuses, morales et sociales, l'homme inspire la societe dans laquelle il vit car celle-ci verra dans ses actes des actions positives ordonnees par la Torah, alors il aura accomplit le commandement d'aimer Dieu. En d'autres termes, pour aimer Dieu, il faut faire aimer Dieu et cela s'accomplit par l'action mesuree et juste en societe. Cette vision du Talmud ote la dimension extatique, voir envoutante, de l'amour de Dieu passionnel pour transferer cet amour sur un terrain qui permet une construction. Un amour de Dieu qui viendrait sur le compte de l'amour de l'humanite est impensable.
C'est un peu long mais tellement peu au vu de l'immense reservoir de savoir legue par nos maitres a ce sujet.
Chalom,
Je vous remercie pour la réponse à la question 63005, réponse que j'ai beaucoup aimé. Elle n'est jamais trop longue quand on aime le sujet :)
Et je voudrais vous demander encore une chose: est-ce que c'est vrai que dans Torah Dieu nous demande de l'aimer avec tout notre coeur, être etc, de l'aimer plus que toute autre chose? Si oui, il me semble de votre réponse que Dieu n'a pas spécifié en suite qu'est ce qu'il voulait dire exactement par l'aimer, et donc chaqu'un a compris l'amour à sa façon, avec une palette si large entre l'amour extatique veçu dans son coin avec ou sans l'extreme radicale de sacrifier toute autre forme d'amour, et le contraire, l'amour de Dieu atravers l'amour pour Sa création, ou atravers l'amour pour Sa parole, parole que pour les juifs est la Torah (mais ce n'est pas de même pour les autres réligions et les autres formes de spiritualité non-réligieuses pour lesquelles la parole de Dieu se trouve dans d'autres textes), etc. Et toutes ces formes, même les plus radicales, ont leurs adeptes, donc dans n'importe quelle forme, les adeptes peuvent dire que par leur exemple de vie de l'amour de Dieu, d'autres aussi arrivent à aimer Dieu, puisqu'ils devienent adeptes.
Alors, ma question est: étant donné que dans la réligion juive Dieu n'a pas specifié Lui même en quoi consiste exactement L'aimer, comment un juif peut être sûr qu'il a choisi la bonne manière d'aimer Dieu?
Et si on s'arrête sur la forme d'aimer Dieu atravers l'amour de Sa création et de Ses créatures, est-ce que cet amour de son prochain exige le diriger vers la propre forme d'amour de Dieu, ou il faut lui laisser la liberté de choisir la forme qui lui convient le plus, même si cela signifie de ne pas connaître et/ou accepter Torah par exemple? Est-ce que Dieu a explicité dans Torah comment il faut aimer son prochain?
Et dernière question: j'ai découvert sur ce site que la réligion juive dans sa forme orthodoxe est très contraignante, plus que je m'imaginais, et j'ai découvert également qu'il y a beaucoup de personnes qui trouvent leur épanouissement justement dans ces contraintes qu'ils pensent être d'origine divine.
Donc ma question est: est-ce que pour les juifs orthodoxes la manière choisie d'aimer Dieu est surtout atravers l'amour de Sa parole? Et comment ils font pour être sûrs que chaque contrainte vient réelement de Dieu? Je vous donne un exemple: j'avais lu sur le site comment il faut faire pour manger une souppe avec des croûtons, et c'était tellement compliqué à savoir le type de prière et bénédiction à choisir pour pouvoir finalement manger la souppe que je ne pourrais jamais croire que telle contrainte venait réelement de Dieu. Alors, d'un point de vu orthodoxe, est-ce que ça signifie que je n'aime pas suffisament Dieu ou est-ce que ça signifie qu'au contraire, ce type de contrainte est donnée uniquement à ceux qui en ont bésoin et non pas à tout le monde qui n'a pas bésoin? Ou est-ce que pour vous, respecter toutes les contraintes juives orthodoxes signifie un appèle à une sainteté supérieure qui n'est pas donnée à tout le monde, au monde qui ne les respecte pas et qui ne croit même pas dans l'origine divine de beaucoup de ces contraintes?
Je vous remercie,
Adriana.
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Chalom,
Vous posez beaucoup de questions qui ne sont pas toutes liees au theme de l'amour de Dieu.
En gros, comme j'ai essaye de le resumer, les Sages du Judaisme ont pense l'amour de Dieu sur differents modes, des fois en effets tres differents les uns des autres.
Je crois que la question qui vous tracasse et qui reveint clairement a la fin de votre question est le rapport entre la pratique des commandents dans ses plus petits details et la volonte divine. Cela croise la question de l'amour de Dieu mais ne la couvre pas.
c'est une problematique fondamentale et elle est a la base de la conception talmudique du Judaisme.
Avec une recherche sur le site vous trouverez plusieurs reponses a cette question. voyez par exemple 31894, 31963, 50527, 50533 et encore pleins d'autres.
Je vous conseille egalement de lire un article d'Emmanuel Levinas paru dans son livre 'Difficile liberte' dont le titre resume avec une grande justesse une option tres importante dans cette problematique: 'Aimer la Torah plus que Dieu'.
Shalom,
Merci pour votre réponse à la question 63059. J'ai lu les réponses indiquées, je vais lire le livre aussi. Et j'aurais encore une question: à votre avis, l'attachement à une ou autre pratique halahique est lié à quoi exactement? Comment quelqu'un qui ne connaît rien pourrait faire pour savoir quelle pratique a été vraiment indiquée et agrée par Dieu et quelle pratique est une invention pur humaine? Est-ce que être sauvé pour une vie eternelle avec Dieu dépend de la pratique halahique choisie?
Merci pour votre réponse
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Chalom,
J'entrevois dans votre discours une recherche de vie en Dieu, de faire une action qui soit commanditee et agreee de Dieu.
Pour le Judaisme, la halakha reflete la volonte de Dieu, telle que les Sages la comprenne et l'interprete.
La Torah attache une grande importance a l'heteronomie et a la parole de Dieu, mais une plus grande importance est conferee a l'autonomie humaine et aux paroles des Sages, tel que cela est indique dans la Torah.
La parole consignee dans la Bible est premiere mais ne constitute pas le Judaisme vivant; les karaites eux voient dans le texte de la Torah seule la parole divine. Cela creee une religion figee, dangereuse et intransigeante.
Les Sages ont developpe des regles d'inetrpretation pour comprendre le texte biblique et tout cela cree un systeme harmonieux et hautement Humain, dans le sens le plus noble du terme. Le Judaisme rabbinnique ne voit pas dans l'homme un serviteur auquel on ne demande que l'obeissance; il voit en l'homme le partenaire de Dieu dans l'alliance et dans la volonte de rendre lemonde meilleur.
BS"D
Chalo-m,
En plus des opinions que Dr. ben Admon a citées dans la réponse 63005, l'on peut aisément ajouter le Tanya, qui synthétise toutes ces opinions et répond à toutes les questions d'Adriana. Un cours de Tanya bien structuré et parallèle à une lecture privé e ce livre est plus que bienvenu.
Pour ce faire, je permets à l'équipe de Chééla de transmettre mon adresse email à Adriana
merci de votre contribution et proposition
Kvod Harabanim,
Nous avons la mitsva d'aimer Dieu.
La mitsva est décrite dans le Chéma. On nous demande d'aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de toutes nos moyens.
Est-ce à dire que si que si on n'y met pas tous ses moyens, toutes ses forces, etc. on n'a pas réalisé la mitsva ?
Où bien on l'a réalisé mais pas dans sa perfection?
Merci d'avance.
Shalom,
Il y a différentes manières d'aimer D'ieu.
Je vous invite à lire la 69994.
Quoi qu'il en soit, on doit faire notre maximum pour accomplir ce commandement.
Cordialement,