Conversation 6346 - Pourquoi six millions?
Shalom shalom,
Je suis très touchée par la réponse à la question de Daviid 105, du Rav Elyakim Simsovic, sur la question du "mal", durant la Shoah. Je ne pourrais pas non plus admettre que l'on puisse justifier le mal par une faute éventuelle que - à mon humble avis, nous ferions pour nous justifier confortablement nous-mêmes. Ces pauvres gens ont déjà assez souffert ! Comment oser leur causer encore du tort en émettant ce genre de doute ?
Je voudrais poser une question qui ne remet pas du tout en cause l'honneur et la sainteté des juifs assassinés durant la seconde guerre (ni aujourd'hui), à propos du nombre des victimes :
L'an dernier, je suivais à Montréal les cours de judaïsme en vue de la conversion, et à mon troisième cours, le Rav, en enseignant le moment du don de la Torah, expliquait simultanément quelques notions sur l'âme. Quand il a demandé à la fin si nous avions des questions, je me suis risquée à lui demander ceci :
- "Pourquoi "six" millions d'âmes au Sinaï ? Est-ce qu'il y aurait un lien avec ce nombre tragique des "six" millions d'âmes assassinées par les allemands durant la Shoah ? Est-ce que ce chiffre est censé nous faire réfléchir à quelque chose ou n'est-ce qu'un "hasard"?"
Il a souri, puis est resté silencieux quelques minutes. Ensuite, (je cite de mémoire), il a dit qu'il y avait effectivement un kabbaliste qui avait déjà soulevé cette question. Mais comme nous ne pouvions étudier la Kabbale, il ne pourrait pas me répondre sans déformer le sens des réponses qui ont été données. Il a ajouté quelque chose comme : "Du moins, votre question vient trop tôt pour vos connaissances en Torah, mais c'est une question qui vous reviendra...", et il est resté silencieux et a encore souri (je ne sais pas pourquoi, évidemment).
Voilà, c'est donc une question qui me revient, et que je vous partage. Je précise bien, tant pis pour la répétition : avec le plus grand respect pour nos chers disparus
Merci beaucoup, salutations et encouragements à tous les Rabbanims du site.
Nati
J'ai un petit problème arithmétique : dans la tradition, on parle de six cent mille âmes au Sinaï; pas six millions. Et cela signifie aussi que toutes les âmes d'Israël étaient présentes au Sinaï et que de la même manière l'Alliance avec Dieu est contractée avec tous ceux qui sont présents et tous ceux qui naîtront au cours des siècles pour entrer dans cette alliance indéfectible (cf. Deutéronome, parachat Nitzavim).
Une remarque en marge de la question : quelle que soit la dureté - voire la cruaté - de la destinée (je ne veux pas dire de l'épreuve. Je peux, si je veux, considérer que ce qui m'arrive à moi est une épreuve. Je n'ai pas le droit d'en décider pour autrui), nous n'aimons pas, chez les Juifs, parler de tragédie. La tragédie est toujours sans issue. C'est ce qui en fait le tragique. Nous sommes convaincus que nos frères et soeurs assassinés ne sont pas perdus, car ils sont saints. Cela n'allège en rien notre douleur à l'idée de leurs souffrances et que nul ne se complaise à la pensée indécente que c'est leurs souffrances qui leur auraient acquis cette place au paradis. Tout au plus pourrons nous dire que les Nazis avaient voulu les effacer de la face de la terre comme des êtres éphémères - et en fait ils les ont fait entrer dans l'éternité.
(Réponse à 6346, du Rav Simsovic)
"J'ai un petit problème arithmétique : dans la tradition, on parle de six cent mille âmes au Sinaï; pas six millions.
Oui, je savais, mais je crois que ce que le Rav voulait signifier, c'est que ce chiffre de 600.000 âmes, avec leur famille et leurs decendants, on peut en déduire que cela voulait dire 6 millions de personnes présentes. Mais il est plus que probable que je n'aie rien compris...
Ceci dit, votre réponse m'éclaire quand vous dites qu'ils ne sont pas perdus et qu'ils sont saints. Loin de moi de penser que des gens meurent parce qu'ils auraient commis une faute !!! Jamais !!! et ce n'était pas non plus ce que disait le Rav en question. Vraiment, je ne me permets même pas de chercher une explication qui, par essence, nous échappe.
Ce que j'ai cru comprendre ne porte que sur ce chiffre. Il semblait vouloir dire que certains cabbalistes pensent qu'il y a là simplement une matière positive pour réfléchir. Est-ce que cette positivité se traduit par le fait qu'ils soient entré dans l'éternité ? Bien !
Mais laissons-là cette question donc pour ne pas tomber dans l'arrogance d'une volonté d'explication (je ne parle que pour moi). Mais ces souffances me renvoient à une autre question, et je ne sais pas si je fais une bonne association d'idées :
Aujourd'hui, pourquoi ne laisse-t-on pas les juifs vivre en paix et vivre pleinement le judaisme ? Pourquoi le peuple juif, surtout en Eretz, continue d'avoir tant de problèmes ? Je suppose que c'est une question à poser aux "empêcheurs", mais, au niveau spirituel, dans les voies de Hachem, y a-t-il une raison à ces souffrances et obstacles qui perdurent ? Quels sont les références textuelles ?
(j'espère que ma question est claire ?)
Merci encore à tous de votre générosité, on ne vous le dira jamais assez.
Nati
Ce n'est pas que vous ayez mal compris, c'est que lorsque quelqu'un parle par allusion chacun comprend en fonction de sa propre sensibilité et on n'a pas à discuter avec la sensibilité des gens.
Quant à la question que vous posez, elle pourrait se traduire de la manière suivante : depuis preque aussi longtemps que le monde est monde, Caïn tente d'assassiner Abel. Il y est parvenu une fois, mais Adam et Eve ont eu un autre fils, Chet, dont la Thora dit qu'il prend la place d'Abel que Caïn avait tué, indiquant par là que Chet, s'il n'est pas invulnérable, n'est pas non plus assassinable. Mais ça n'empêche pas Caïn de continuer à essayer. Et chaque fois qu'une étape décisive doit être franchie, toutes les forces d'opposition se déchaînent. Et comme la Bible nous enseigne qu'en fin de compte c'est dans la famille de Jacob devenat le peuple hébreu, c'est à dire Israël, que se poursuit la descendance de Chet, c'est Israël qui est la cible privilégiée de ces déferlements de haine et de violence. Les références textuelles ? relisez la Bible.
Les voies de Hachem ? C'est que c'est une histoire réelle, concrète, et que c'est à l'homme de la mener à son terme, car il y va du sens de son existence. Hachem donne l'impulsion qui rendra les choses possibles ainsi qu'une aide furtive, un peu comme le père pose un instant une main sur l'épaule d'un enfant encore maladroit sur son vélo, pour l'aider à se stabiliser et parfois sans même que l'enfant s'en rende compte... Ce n'est pas dans des mystères spirituels qu'il faut chercher ces réponses, mais dans l'histoire des hommes qui doit s'accomplir et qui s'accomplira nécessairement selon le projet de Dieu mais dont les hommes ont à décider du chemin qu'ils suivront et du prix qu'il faudra y mettre. Et certains croient qu'ils pourront esquiver les conséquences de leurs choix ; rassurez-vous : les dettes seront payées, toutes, et les débiteurs ne s'échapperont pas.