Conversation 6697 - Vous nous permettez beaucoup!

Anonyme
Lundi 19 mai 2003 - 23:00

Aucun possek serieux n'a jamais permis la tele,
ni d'ailleurs d'aller a un "ptit resto entre amis" (celibataires) sachant que ce n'est (generalement) pas dans un but de mariage mais simplement pour passer un moment agreable...
En resume, quelles sont le sources a ces psakime assez "novateurs"?

Encore un grand bravo et beaucoup d'encouragements pour votre devouement au klal!

Rav Elyakim Simsovic
Jeudi 22 mai 2003 - 23:00

Eyn gozrim al hatzibour gzéroth cheeyn hatzibour yakhol laamod bahem.
Aucun posseq sérieux n'a jamais permis de fumer dans les temps modernes, beaucoup ont expressément interdit et ça n'a encore jamais empêché même des rabbanim harédim de fumer beréch galé - publiquement au vu et au su de tous.
Je ne me considère en aucune façon comme posseq halakha. Et il y a une différence notable entre ce que la halakha interdit expressément, ce qu'elle déconseille, ce sur quoi elle a des réserves, etc.
Or donc, comme nous n'avons pas le pouvoir d'interdire ce qui n'a pas été interdit par le choulhane aroukh, la manière de procéder consiste à ramener l'inconnu au connu par comparaison et assimilation pour en tirer une conclusion. D'où la question : à qui nous adressons-nous ?
Et que se passe-t-il si nous prenons des positions maximalistes ? sauf pour une minuscule minorité, c'est inopérant, inefficace et donc contre productif. C'est pourquoi il semble préférable de responsabiliser les Juifs que de les infantiliser. Parce que c'est plus vrai, plus en harmonie avec l'attitude générale de tiqoun haolam que la simple interdiction.
Ce n'est donc pas d'abord la permission qui serait novatrice, mais l'interdiction ; et elle aurait comme motivation de ne pas faire confiance a priori à la responsabilité et à la volonté des Juifs.
Cela dit, si quelqu'un me disait : je regarde une émission sérieuse mais je ne peux pas m'empêcher de continuer à regarder celle d'après et celle d'après... je lui dirais, d'après les recommandations de Maïmonide, d'aller vers l'excès contraire. De ne pas allumer du tout la télé même pour des émissions "sérieuses" sauf peut-être une fois par ???
Et de s'efforcer de s'en tenir strictement cette fois-là à l'émission elle-même. Une fois la relation mieux maîtrisée, il est possible de revenir à une consuite plus normale et par un mouvement de balancier de trouver le bon équilibre de bonne santé psychique et morale.

Quant à des sources plus autorisées : pour la télé, rav Hayyim David Halévy zatzal, Assé lekha rav, vol 2, § 70, vol 6, § 98 page 379.
Indirectement, le rav Ovadia Yossef traite dans Yabia Omer VIII, Orah Hayyim 22 de la bénédiction à prononcer si on voit un roi à la télévision (même revêtu des habits d'apparat on ne dit pas la bénédiction). La réponse n'est pas "tu ne dois pas regarder la télé, point." Il signale qu'il s'agit de cas ou on a été amené à voir la télévision incidemment. Il ne dit pas qu'il ne faut en aucun cas la regarder.
Le rav Yossef Schwarz (divré Yossef 23) permet de dire le Chema alors qu'à la télévision apparaît une femme non correctement vêtue (tefah megouleh) et de même "Chout" Nahalat Binyamin 23. Le rav Ovadia Yossef interdit de dire le Chema dans ces conditions (Yaehavé Daat IV, 7 - et il semble qu'il interdise même de voir une femme à la télévison si elle n'est pas décement vêtue). L'opinion du rav Ovadia Yossef est d'interdire la télévision d'après le principe de "mochav létzim" c'est-à-dire "le séjour des moqueurs" autrement dit une occupation frivole et dénuée d'intérêt - ce qui paraît malgré tout une généralisation quelque peu "hâtive". Il abonde en expressions fustigeant le caractère néfaste et nuisible de la télévision sans aucune référence aux programmes d'information, émissions scientifiques ou culturelles, débats, etc.
Le rav Mochè Feinstein interdit de brancher la télévision sur minuterie pour la regarder le Chabbat (Igrot Mochè IV, 84)

Pour le ptit restau : par exemple, Assé lekha rav, volume 3, § 40 page 201, en particulier l'argumentation pages 203-204.
L'appréciation de qui est un posseq sérieux ou pas est-elle, disons, subjective ?

relige26
Lundi 23 août 2004 - 23:00

A propos de votre reponse 6697,

Je viens d'avoir l'occasion de voir les references que vous aviez donnees dans les responsa de Rabbi H. D. HaLevy zatsa"l (qui est un possek objectivement tres serieux...) pour justifier votre avis favorable a la television, ainsi que d'aller a un petit resto entre amis (celibataires).

Mais avant tout, je voudrais vous dire que qualifier de "maximalistes" les positions qui divergent de votre avis, en se parant de l'habit de celui qui permet envers et contre tous, et en donnant des lecons de moderation qui sont d'autant plus generales qu'erronnees pour ce qui est du cas present:
-"ene gozrime", dans ce cas-la permettez aussi les danses melangees, c'est vrai quoi, c'est difficile!
-"Fumer est interdit et pourtant...", c'est exact et dire que fumer est strictement interdit n'empeche pas non plus de demander a ceux qui fument de minimiser les degats. De plus, le fait que beaucoup de personnes religieuses fument ne rend pas pour autant la cigarette permise.
-"maximaliste" "c'est inoperant" "responsabiliser", tout est vrai mais ca n'empeche pas de desapprouver fermement la television, tout en guidant ceux qui l'ont pour eviter au maximum les programmes et images interdites.
-"si quelqu'un me disait : je regarde une émission sérieuse mais je ne peux pas m'empêcher de continuer à regarder celle d'après et celle d'après... je lui dirais...", c'est pratiquement tout le monde comme ca, presque tout le monde voit des choses interdites avant apres ou pendant les programmes "serieux", attendre qu'on vous le dise pour le savoir est un peu en deconnexion avec la realite.

Venons-en au responsa sur lesquels vous dites vous appuyer, en particulier Rabbi H.D. HaLevy dans "Asse Lekha Rav":

vol 2 #70: il ressort de la-bas qu'il est permis d'etudier dans une ecole ou les professeurs sont susceptibles de corriger nos devoirs pendant shabbat (je n'ai pas tres bien compris le rapport avec la tele...)
vol 6 #98:il ressort de la-bas qu'il n'y a pas d'interdiction de "lifne ivere" quand on vend sa tele, car il est possible d'en acheter partout, qu'il n'est pas sur que l'acheteur y regardera des choses interdites, et il n'y a pas non de "messayea bidei ovrei avera" car au moment de la vente, aucune avera n'a lieu (ce n'est qu'apres...).

A aucun moment, le Rav HaLevy n'a permis la television, il hesite meme a qualifier la vente de tele de "messayea"; moi qui m'attendait a une source qui permettait sans ambiguite, c'est meme l'inverse qui ressort!

Quant a Rabbi Ovadia Yossef, sa position sur la tele est tres connu, il interdit tres clairement, je vous cite son Kitsour Shoulh'ane Aroukh page 90 (voir aussi Yalquote Yossef vol 1 Hilkhote Qriate Shema):
"Il est interdit de faire le Shema devant un tefah" decouvert d'une femme qu'on voit a la television...et il faut bien preciser que le fait meme de faire rentrer la television chez soi et de la regarder [est la source de plusieurs transgressions] [...], en particulier celui qui a des enfants [...] doit se hater de s'en debarrasser."
C'est tres clair et surtout, il vient preciser apres une halakha qui mentionne la tele (afin d'eviter tout malentendu ou faux "dyoukime") que ca reste interdit; et ca n'empeche pas non plus de donner la halakha aux millions de juifs qui l'ont.
Vous citez Yabia Omer (en faisant l'explication de texte pour dire qu'il permet implicitement) et dans le meme souffle, vous nous donnez la preuve que vous connaissez l'avis explicite de Rabbi Ovadia Yossef...qui interdit!

Quand a Rabbi Moshe Feinstein et votre reference au Igrot Moshe, l'explication de texte est de la meme veine que precedemment, etant donne qu'il n'a pas precise que c'etait interdit, il permet donc selon vous. C'est decidemment un peu court, d'autant que vous pouvez vous doutez que son avis n'est pas de permettre, ca se saurait.

Quand au petit resto, les conclusions de "Asse Lekha Rav" vol 3 #40 (ET argumentation) sont pour le moins surprenantes (moi qui croyais qu'il etait de votre avis):
Dans sa reponse, au sujet d'un mariage, ou la grande salle est divisee en 2:moitie hommes-moitie femmes, le Rav Halevy tolere que cette separation soit sans Meh'itsa; tout en precisant qu'il etait biensur mieux d'y faire une vraie separation.
Dans son argumentation (qui tourne autour des paroles du Levoush), il est vrai que le Rav HaLevy mentionne qu'il faut etre coulant concernant les risques de mauvaises pensees qui decoulent du melange garcons-filles, mais sa conclusion montre dans quel direction il utilise cet argument: Separation bien sur, mais sans mehitsa (et pas: melange bien sur, mais en faisant attention).
A noter que la-bas, il n'est pas fait mention de la distinction celibataires-maries, ce qui voudrait que le Rav HaLevy interdit totalement les tables melangees dans un mariage.

Revenons a notre "petit resto" entre jeunes garcons et jeunes filles (on s'etait un peu eloigne il est vrai), dire que ce n'est pas a priori prohibe, en mettant comme reserve la "Qaloute Rosh", c'est un peu comme dire qu'il est permis de parler avec une jeune fille de choses et d'autres, meme si ce n'est pas a des fins serieuses.
Et encore une fois, vous donnez l'impression d'ignorer la realite des sorties ou on rigole chante etc. entre filles et garcons (realite qui represente l'immense majorite des cas)

Car sinon, pourquoi sortiraient-ils ensemble?

Rav Elyakim Simsovic
Mercredi 25 août 2004 - 23:00

Cher ami, vous vous méprenez, et cette méprise vous fait tout comprendre de travers, y compris la relation objectivement très sérieuse aux sources que je ne cite jamais à la légère.
Je ne suis pas favorable à la télévision. J'éprouve même à son égard de sérieuses réserves et je dis qu'il faut la manier avec précautions.
J'affirme qu'il n'y a aucun fondement halakhique incontestable et univoque pour l'interdire.
J'ajoute que l'expression "eyn gozim" ne s'applique pas à tout et à n'importe quoi. L'exemple que vous citez pour me contredire est à peu près aussi pertinent que si vous attribuiez "eyn gozrim" à "fumer la cigarette chabbat".
Alors je vous suggère de boire un grand verre d'eau à petites gorgées et à relire très calmement ma réponse, à essayer de comprendre de quel problème il s'agit et en quoi consiste la resonsabilité des rabbins à aider les Juifs à progresser dans la avodath Hachem au lieu de les enfermer dans des contraductions insolubles et de leur barrer le chemin de la Thora en ne leur présentant de la Thora que le visage colérique, le regard froid et le sourire pincé et méprisant.

Afin de vous rassurer complètement, vous n'êtes absolument pas tenu à regarder la télévision ni à en posséder une. On peut parfaitement être un excellent Juif sans regarder la télévision et sans même savoir ce que c'est.

relige26
Mercredi 25 août 2004 - 23:00

Cher Rav Simsovic,

merci pour le grand verre d'eau a petites gorgees...ca m'a fait du bien!

Je tenais simplement a preciser que vous n'etes pas le seul a penser qu'il faut donner un visage radieux et comprehensif de la Tora aux juifs qui veulent progresser ou qui se posent tout simplement des questions sur l'avis dela Tora sur une foule de sujets.

Je pense seulement que lorsqu'on doit interdire, on peut aussi le faire avec le sourire, et ca n'empeche pas aussi de guider les situations problematiques qu'on a en face.
La plupart des sorties entre amis (surtout entre jeunes) sont problematiques. La plupart des emissions tele regardees sont problematiques a differents egards (sans parler du nombre d'heures moyen passees devant la tele).
Et s'il est vrai qu'il existe des sorties entre amis tres agreables et saines (surtout entre couples d'amis), qu'il existe des emissions tele tres interessantes, c'est malheureusement une part tres minoritaire de la realite.
Et a ce titre, vous ne pouvez donner comme regle generale (surtout a des jeunes de 15-25 ans) de permettre a priori sauf... comme dans la cheela 6476 ou vous repondez: "Les sorties entre amis ne sont pas a priori prohibées aussi longtemps qu'elles ne donnent pas lieu à des conduites légères (qalout rosh)."

La regle doit etre: ce n'est pas recommande du tout (car la plupart des fois, ca se termine dans un esprit assez eloigne de la Tora), mais si vous y aller quand meme, essayer de...
De meme, pour la tele: ce n'est recommande par personne (pour une foule de raisons, cf cheela 6928), mais si vous l'avez, alors tachez de...

Il est connu que de la meme maniere qu'il est defendu de permettre ce qui est interdit, il est aussi defendu d'interdire ce qui est permis (cf l'introduction a Mizrah' Shemesh de Rabbi Shalom Messas zatsa"l).

Je pense donc que ce qui est permis et a des bases sur quoi reposer, c'est non seulement une erreur educative mais aussi une grave faute de l'interdire.
Dans les cas presents (tele et resto entre amis), je pense a contrario que les bases pour permettre sont vraiment tres faibles, qu'il y a beaucoup de raisons, non pas d'interdire mais de deconseiller avec vigueur etant donne la realite de leur caractere problematique sur le terrain. Et tout ca avec le SOURIRE ;-)
Et ca n'empeche pas de donner des conseils (toujours avec le sourire...) a ceux qui sont soucieux de progresser mais pour qui c'est difficile a appliquer du jour au lendemain. Ces personnes etant donc confrontees a ces situations problematiques, il est necessaire de les guider pour qu'ils se rapprochent de l'esprit de la Tora, meme dans ces situations.

Kol Touv et encore merci pour le verre d'eau!

Rav Elyakim Simsovic
Jeudi 26 août 2004 - 23:00

Je n'ai, cette fois-ci, pas grand chose à ajouter à ce que vous écrivez.
Ce qui me semble primordial, c'est que la Thora ne prescrit pas l'enfermement et l'ascétisme mais au contraire l'ouverture au monde accompagnée du souci de responsabilité.
S'il est incontestable que beaucoup trop de ce que la télévision nous propose est à proscrire, la raison en est peut-être aussi que trop peu de ceux qui pourraient contribuer à changer les choses se préoccuppent de le faire. Et il est toujours plus facile de condamner l'outil que d'enseigner l'usage qui pourrait en être fait et d'encourager ceux qui en ont le talent et les moyens d'y investir les efforts nécessaires pour le metttre au service d'un but qui en vaille la peine.

relige26
Dimanche 5 septembre 2004 - 23:00

Avant tout, je voulais vous remercier d'avoir pris le temps de lire mes reactions (quelque peu enflammees) a vos reponses sur la tele et le resto entre amis.

Je voulais aussi souligner que ce que vous appelez de vos voeux (l'incorporation de professionnels religieux et avec des valeurs dans les medias et en particulier a la tele) est deja en cours en Israel, la chaine Tekhelet est un des exemples qu'on peut citer. Les emissions sont souvent de qualite et donne une alternative valable pour les telespectateurs.

Malheureusement, c'est souvent vers des emissions beaucoup moins reluisantes que la plupart des telespectateurs s'orientent. La responsabilisation est une chose tres souhaitable, mais il est aussi du devoir du dirigeant communautaire de mettre en garde contre ce qui est manifestement l'objet recurrent de derives, surtout pour les enfants et adolescents, derives dont les consequences sont parfois lourdes et durables.

Shana Tova!

Rav Elyakim Simsovic
Lundi 6 septembre 2004 - 23:00

Je connais Tekhélet.
Mais je ne pensais pas seulement à des émissions de débats ou de cours télévisés. Je pensais à toutes les formes de spectacles qui pourraient être développés de manière cachère si ceux qui en ont les dons et le talent étaient encouragés à les exploiter.
Lorsqu'on ne met pas en place les conditions pour que les "progrès de civilisation" soient intégrés dans le quotidien de la halakha, ils le sont quand même de manière chaotique et souvent inappropriée avec des détours douloureux et coûteux.

Si j'étais mystique, je dirais que tout se passe comme si rien ne se produisait dans le monde, aucune découverte technique ou scientifique, aucun bouleversement politique, si ce n'est pour servir le projet divin concernant Israël, et que cela se produit au moment où Israël en aura besoin à la génération suivante. Mais si au lieu d'y préparer leurs Juifs, les rabbins prennent des attitudes effarouchées, ils portent la responsabilité des échecs qui s'ensuivront.