Conversation 83131 - Devant le Hekhal

Haya B. Shalhevet
Samedi 21 octobre 2017 - 21:37

Bonjour Kvod ha Rabbanim,

Je suis une jeune fille en conversion et je souhaite adopter le rite marocain.

Je me demande si mon comportement concernant le hekhal est adéquat.

Mon Rav, qui s'occupe de ma conversion, m'a autorisée à me rendre au hekhal (hormis quand je suis indisposée) pour y prier quand la synagogue est vide de toute homme en prière ou étude. Je suis donc son avis.

Toutefois j'ai une habitude et je me demande si elle est correcte: au moment de l'ouverture du hekhal, je présente mes prières personnelles devant Hashem. Je suis une méthode inspirée de la hitbodedout de Breslev : 1) je remercie Hashem pour tous ses bienfaits, 2)je lui demande pardon pour mes péchés -- je me confesse en direct, 3) je demande à Hashem pour tous les gens qui ont besoin dans mon entourage et pour finir je demande pour moi.

J'ai 23 ans et je souhaite me convertir depuis l'âge de 15 ans. Il y a très longtemps je ne me souviens plus où, c'est pourquoi je m'en remets à votre savoir...j'ai lu que le moment de l'ouverture du hekhal est un moment favorable. C'est pourquoi j'aime tant prier avec mes mots en particulier à ce moment-là. Mais suis-je dans le vrai ou est-ce contre indiqué halakhiquement ou contraire au minhag marocain étant donné que je m'inspire de Breslev sur ce point ?

Je me contente de répondre amen au berikh shemeh de l'officiant, puis aux mi sheberakh. Dois-je lire berikh shemeh, est-ce obligatoire ou du moins recommandé pour la femme ? 

Je suis angoissée car un Rav de la communauté nous a dit que nous n'avions pas le droit de tester Hashem. Ma prière personnelle au moment de l'ouverture du hekhal est-elle une mise à l'épreuve d'Hashem ? Dois-je abandonner cette habitude ?

Bekitsour:

1) Le moment de l'ouverture du hekhal est-il un moment favorable ?

2) ai-je le droit de prier avec mes propres mots à la synagogue en plein office de shabbat, yom tov etc., à côté des prières réglementaires que je fais aussi au maximum ? Par exemple au moment de l'ouverture du hekhal (mais cela m'arrive de le faire à d'autres moments par exemple à kippour il y a eu un conflit dans la synagogue... J'ai prié à ce moment qu'Hashem envoie la paix)

3) suis-je obligée de dire berikh shemeh ?

4)mon comportement est-il contre indiqué halakhiquement ou contraire à mon minhag marocain ? Que ferait une bonne juive marocaine en ces circonstances ?

5)prier avec mes propres mots est pour moi vital, si ma façon de le faire est illicite, comment m'y prendre (je prie déjà la prière personnelle dans la amida, l'allumage des bougies etc. Mais ça ne me suffit pas..)?

Toda rabba, 

Nathan Schwob
Jeudi 9 novembre 2017 - 21:11

1)    Les moments favorables à la prière : Y-en-a-t-il vraiment ? Il y a deux avis chez nos sages : oui et non. Oui, puisque David dit : Quand à moi, ma prière, qu'elle te soit adressée, D-ieu, en un moment propice. (Psaumes 69,14). Non, puisque Moché dit : Quel grand peuple a un D-ieu si proche comme l'Éternel notre D-ieu, à chaque fois que nous l'appelons (Devarim 4,7). Alors quand est-il ? Voyons quels sont ces moments dit propices, énumérés dans les textes :

1-    le milieu de la nuit,

2-    lorsqu'on prie avec la communauté (Tsibour),

3-    lorsqu'on joint la Gueoula (bénédiction du Chema qui précède la Amida) à la Tefila (Amida =Chemona Esré),

4 - le moment de la prière lui-même lorsqu'on s'efforce d'être accepté par D-ieu et de se réconcilier avec lui (Voir Rachi sur Isaïe 49,8),

5 – lorsqu'on étudie la Thora,

6 - la veille de Roch H'odech Sivan qui est le mois durant lequel nous avons accepté la Thora,

7 – les 10 jours de repentir, de Roch Hachana à Yom Kippour.

 

Un petit coup d'œil sur cette liste permet de remarquer que le point commun entre tous les moments cités se trouve dans la prise de conscience et l'acceptation de notre dépendance devant D-ieu. Il est notre législateur, notre juge et notre sauveur.

 

On comprend de là pourquoi l'ouverture du hékhal est un moment propice, puisqu'il précède la lecture de la Thora et symbolise l'acceptation de ce qui y est écrit. D'ailleurs c'est pour la même raison qu'on dit à Minh'a de Chabbat, avant la sortie de la Thora, le verset vu ci-dessus ואני תפילתי (Psaumes 69,14).En effet, Ezra a institué une lecture de la Thora supplémentaire le Chabbat après-midi, afin qu'on ne passe pas son temps libre "à jouer aux cartes". C'est cette étude supplémentaire qui crée le "moment favorable" de la prière de Minh'a (Sidour Rachi 613).

 

L'avis de ceux qui disent que tous les moments sont favorables s'éclairci, puisque cela dépend de la prédisposition du cœur de celui qui prie. L'avis opposé qui pense que certains moments ne sont pas favorables met l'accent sur le fait que ces efforts humains, malgré tout, n'imposent rien à D-ieu qui reste libre d'exaucer la prière ou non, et si oui, au moment de son choix.

 

2)    Oui. Le Rambam (Lois sur la Tefila 1,4) explique qu'après la destruction du premier temple, la familiarité avec l'hébreu s'est perdue. Il a fallu que les sages de la Grande Assemblée composent des textes fixes. Ils ont leurs avantages, c'est pourquoi, la place des prières personnelles a été fixée à la fin de la Amida. Mais vous pouvez aussi rajouter vos propres prières à d'autres moments, pour autant que les demandes de gains pour les uns ne nuisent pas aux autres et que vous élargissiez votre pensée à tous ceux qui ont les mêmes besoins.

 

3)    Non.

 

4)    Les rites, habitudes et Minhagim se sont créés et doivent être respectés pour unifier la communauté dans la manière de pratiquer la Thora. Il y deux raisons à cela :

 

a.    Éviter les disputes : comme vous en témoignez-vous-même.

b.    Parce que l'union et l'unité d'action témoigne de l'unité de D-ieu. Nos sages apprennent du verset (Devarim 14,1) qu'on ne doit pas se diviser en groupes qui agissent différemment en un même lieu (Talmud Yevamot 13b) parce que cela donne l'impression qu'il y plusieurs Thora (Rachi), donc plusieurs législateurs. (Voir aussi Rachi sur Devarim 33,19 et Michna Beroura 31,8 par exemple).

 

Si vous priez votre prière personnelle pendant que la communauté dit Berikh Chemé, cela ne se voit pas, il n'y a donc pas de problème, tout comme pendant la Amida en silence, chacun prie suivant son minhag. Par contre, une bonne juive marocaine ( et tous les bons juifs) comprend que de nos jours, avec tous les mouvements de populations ainsi que le retour au pays d'Israël, les communautés se sont mélangées, dans chaque synagogue il y a des représentants de tous les minhagim, ce qui fait que le minhag "à l'ancienne" souvent perd de sa justification et il faut beaucoup de bon sens et de souplesse pour garder le fond: la paix et l'unité.

 

Vous dites :

"Je suis angoissée car un Rav de la communauté nous a dit que nous n'avions pas le droit de tester Hashem. Ma prière personnelle au moment de l'ouverture du hekhal est-elle une mise à l'épreuve d'Hashem ?

 

Non. Tester Hashem c'est autre chose : voir Devarim 6,16 par exemple avec le résumé du Rav Munk dans "La voix de la Thora".

Par contre, en ce qui concerne la Tefila, nos sages nous enseignent que c'est une erreur de croire que parce qu'on a eu une Kavana (concentration de pensée) extraordinaire, alors forcément D-ieu va nous exaucer (Talmud Berakhot 55a). Il ne faut pas non plus croire que nos prières vont se réaliser instantanément et commencer à regarder ce qui a changé, en sortant de la synagogue. La réalité de la relation D-ieu-homme est un peu plus complexe.

N'hésitez pas de parler de tout cela et d'autres aussi avec votre Rabbin.

 

Kol Touv