Conversation 84657 - La cacheroute - un jeu d'argent ?

Michel6633
Mardi 17 décembre 2019 - 10:08

Bonjour,

question qui peut amuser ou frustrer le lecteur (et probablement l’équipe de Cheela) mais qui a pourtant tout son sens surtout de nos jours.

Les règles de Cacheroute sont très très strictes surtout concernant l'utilisation des ustensiles ou des fours sans oublier le nettoyage et la vérification des légumes (même Goush Katif... oui oui il suffit de regarder les vidéos du Rav Dorpman sur YouTube) ou encore les aliments soit disant ayant étés vérifiés tels les conserves avec la cacheroute Hatam Sofer ou encore les poissons surgelés censés être sans Tapilim (vous savez ces vers qui les infestent). et je ne parle pas ici des Oulamei Irouim (les salles de mariage et autres traiteurs avec pourtant des Cacherouyotes prestigieuses).

Batel beshisim ?

Cependant et malgré tout ça, nous ne rechignons jamais a être invites chez des proches ou la familles pour y déguster des bons petits plats sans pour autant savoir si le four qui a servi a cuire le gigot et qui a servi ensuite a cuire le gâteau a bien été nettoyé et a été laissé sans utilisation pendant 48 heure... ou encore les légumes ont-ils étés vérifiés ? Les ustensiles ont-ils êtes trempes au Mikve ? etc etc etc...

Dans ce cas de figure, sachant que nous n'avons pas de certitude quand a la cacheroute de notre famille ou de nos amis (ou même la notre a cause d'enfants en bas age qui mélangent tout en permanence), pourquoi donc sommes nous obligés de manger (pour ceux qui le souhaitent) dans des restaurant ayant obligatoirement une tehoudat ? surtout lorsque l'on sait que le Chomer Cacherout en Israël n'es pas présent 24h/24h (que ce soit Rabbanout ou Badatz eda haredi ou mahfoud.. aucune difference).... et qu'en plus nous nous savons bien qui est en cuisine (dans 90% des cas)...

Pourquoi la cuisine d'un restaurant (un restaurant qui ne fait par exemple que halavi ou que Bassari) a t'elle besoin d'une tehoudat ? Et une maison non ? Pourquoi une telle différentiation pour deux entités similaires sachant qu'a la maison le risque de d'enfreindre les lois de la cacheroute est plus important que dans un restaurant qui ne fait QUE Bassari ou Halavi ?

Vous pourriez aussi répondre qu'il faille manger (ou simplement éviter de manger tout court) dans un restaurant ayant un tehoudat Mehouderette mais l’autorité représentant le rabbinat ne consommerait pas la nourriture d'un restaurant a qui elle accorde sa tehoudat et sa signature ? Vous vous souvenez du Rav Messas qui mangeait dans des endroits avec tehoudat Rabbanout qui avait été interroge a ce sujet et avait répondu "je signe ? je mange" ? que dire du Rav Aviner qui demande "ou est le problème avec la viande Rabbanout ?"....

Je ne parle pas de la chehita mais bien du reste....

Bref.... n'y a t'il pas ici un jeu ? 

 

Rav Samuel Elikan
Mardi 17 décembre 2019 - 16:51

Shalom,

1- Je trouve votre question ni amusante, ni frustrante mais tout à fait pertinente.

2- Concernant la différence entre un établissement et une maison individuelle -

La cacherout est basée sur la confiance. Lorsque je vais manger chez des amis, je leur fais confiance. Si ce n'est pas le cas, j'éviterais d'y manger (sauf des choses pour lesquelles je n'ai pas de doute que je peux prendre, comme des fruits frais, etc.).

Le problème avec le marché industriel est double :

A. Il s'agit d'un monde extrêmement complexe avec de nombreuses entreprises spécialisées et des individus différents - comment faire confiance, s'il n'y a pas un cahier des charges et des instructions claires ainsi que quelqu'un pour vérifier que cela soit appliqué ?

B. Il y a un intérêt économique. Mon ami que je vais visiter ne me vend rien, je peux lui faire confiance. Le vendeur, quant à lui, a pour intérêt de gagner de l'argent, si cela coûte moins cher de produire non-casher, pourquoi produire casher, si de toutes les façons les juifs n'y verraient pas la différence ? Comment faire confiance dans ces cas là ?

Selon cela, si un restaurant/une usine de production alimentaire serait tenu par un juif respectueux et observant de la loi juive et qui a le contrôle sur toutes les denrées et ce qui se passe en cuisine ou dans la production - il n'y aurait pas de raison de ne pas manger, puisqu'on peut lui faire confiance.

Le seul problème est l'industrialisation... pourquoi permettre à l'un plutôt qu'à l'autre ? Pour résoudre cela, la casheroute aussi s'est "industrialisée" et l'on fixe des normes et des tampons, c'est aussi simple que cela.

Il n'y a là, à la base, aucun jeu si ce n'est une nécessité pour pouvoir accorder sa confiance à l'heure de l'industrialisation.

3- Pour les différences entre les certifications de casherout, cela dépend de plusieurs critères, pas tout le monde suit le même avis halah'ique sur certains points ; mais il s'agit de détails. Après, parfois, il y a malheureusement des dérives qui restent à déplorer... mais fort heureusement

4- Je finirais par cette remarque fort pertinente de Manitou (le rav Yehouda Léon Ashkenazi) :

"la casherout, bien souvent nous cache la route".

Le but de la cacherout est de prendre conscience de ce que l'on mange, de consacrer notre alimentation, nos actions, de s'élever spirituellement (cf. Ramh'alMessilat Yesharim, chap. 11, RSR Hirsch dans son livre H'orev, Rav David Tzvi Hoffman sur par. Shemini, etc.). 

On consomme des valeurs, il s'agit d'« une expérience corporelle et existentielle, [...] un fait identitaire majeur qui repose sur le paradigme central de l’incorporation » écrit Christine Durif-Bruckert (La nourriture et nous: Corps imaginaire et normes sociales, éd. Armand Colin, Paris, 2007) ou comme le disait Claude Lévi-Strauss (Le totémisme aujourd'hui, 1962) :

"Il ne suffit pas qu'un aliment soit bon à manger, encore faut-il qu'il soit bon à penser"

Je vous conseille vivement ce cours du regretté Emeric Deutsch

http://www.akadem.org/sommaire/themes/vie-juive/judaisme-au-quotidien/l-alimentation/manger-devant-dieu-17-12-2007-7114_314.php

Cordialement,