Conversation 9007 - Impie en Israel ou bien pieux en exil?

Anonyme
Mercredi 20 août 2003 - 23:00

Chalom,

En lisant le Midrash raconte (ed. Raphel), je lisais Bérechit et que Adam était réticent pour vivre dans le Gan Eden, car il se devait de servir Hashem à un niveau supérieur et il craignait de ne pas être à la hauteur. Suit alors une note de bas de page, où il est écrit :"Le Ramban (Na'hmanide) et le Gaon de Vilna, dans des lettres adressées à leurs familles, adjurent celui qui va s'établir en Eretz Israél d'y mener une existence conforme au niveau le plus élevé de sainteté, en accord avec celle de cette terre. Eretz Israél est le Palais du Roi et, un crime perpétré dans une résidence royale est plus grave que s'il était commis partout ailleurs. Ainsi, l'avis de la Torah est il diamétralement opposé à la thèse assez répandue d'une Aliya généralisée."

D'un côté je fus assez surpris de lire cette note, puisque je pensais que l'Aliya était fortement recommandée dans notre religion. D'un autre côté, c'est également une des raisons pour lesquelles je ne fais pas mon Aliya.

Que pensez vous de cette note?

Encore merci pour toute la peine que vous vous donnez!

Rav Elyakim Simsovic
Jeudi 21 août 2003 - 23:00

En guide de réponse :
Traduction d'extraits du chapitre V du Qôl Hathor, la doctrine de la Guéoula du Gaon Rabbénou Elyahou de Vilna, transmise par son élève Rabbi Hillel b. R. Binyamine Riveline de Shklov.

La faute des explorateurs, dans le désert, du temps de Moïse, est une des grandes fautes à l'échelle collective ; elle pèse sur le peuple d'Israël de génération en génération et jusqu'à nos jours, selon l'enseignement du midrache (1) : à cause de la faute des explorateurs, des larmes seront versées par des générations entières ; larmes pour la destruction du Temple, la destruction de Jérusalem, la désolation de la terre. Pour une grande part – et de tous temps – Israël a souffert et souffre encore des misères et des tribulations de cet exil amer, en conséquence de la faute des explorateurs. Bien qu'une part importante du châtiment soit retombée au temps où la faute fut commise, sur la génération du désert, selon le récit de la Thora, le reste du châtiment a été distribué – le Miséricordieux nous vienne en aide – entre toutes les générations.
Pour une large part, cette faute peut être réparée par la délivrance de Jérusalem, sa reconstruction et par tout ce qui peut être mis en œuvre pour le rassemblement des exilés ; ceci ressort du principe bien connu selon lequel Dieu fait les choses les unes en regard des autres (2) et mesure pour mesure (3), qu'il s'agisse du mérite ou du démérite : « répare ce que tu as abîmé ». La réparation doit être à la mesure de ce qui a été détruit, du point de vue du lieu, du temps, de l'acte et de son retentissement. Or, nos maîtres ont expliqué (4), à propos du verset (5) « et le peuple a pleuré en cette nuit-là », que cette nuit-là était celle du 9 Av, jour de la destruction du Temple. Il s'ensuit que la faute des explorateurs, cause de larmes pour des générations, doit être réparée par la reconstruction du Temple ; et, avant que le Temple puisse être rebâtie, il faut que Jérusalem soit reconstruite, ainsi que notre maître le Gaon de Vilna l'a enseigné à partir du verset « Jérusalem sera reconstruite et ainsi seront posées les fondations du Sanctuaire »(5/a), verset qui porte sur le début de la délivrance dernière, comme au temps de Cyrus.
Or, pour notre malheur, nombreux sont ceux qui commettent la faute de « mépriser la terre adorable » (6) et même beaucoup de ceux qui s'en tiennent à la Thora ne savent ni ne comprennent qu'ils se sont laissés prendre au piège de la faute des explorateurs, qu'ils ont été entrainés dans son sillage par toutes sortes de raisons mensongères, de prétextes fallacieux et de séductions illusoires. Ils avancent leur opinion sous le couvert de la thèse prétendant que l'obligation d'habiter la terre d'Israël n'a pas cours de notre temps. Thèse déjà réfutée par les géants de la tradition, les premiers comme les derniers ; ces nouveaux « explorateurs » se veulent plus grands que les maîtres de la Michna et de la Guemara, qui ont posé le principe selon lequel « habiter Eretz Israël fait contrepoids à tous les commandements » (7), plus grands que notre maître Nahmanide qui a compté l'obligation d'habiter en Eretz Israël au nombre des 613 commandements de la Thora (8) « vous en prendrez possession d'héritage et vous y habiterez », plus grands que notre maître auteur des Tossefoth Yom Tov (9) qui enseigne : « la délivrance sera précédée d'un processus de commancement analogue à celui qui eut lieu du temps de Cyrus et du deuxième Temple, et que notre maître le saint Shla (10) qui explique, dans le portique des Lettres, l'importance et la valeur de l'obligation d'habiter la terre d'Israël en tout temps car la sainteté de cette mitzvah ne s'est jamais interrompue, ne fût-ce qu'un instant. Et qui est, dans les générations récentes (11), plus grand que notre maître le Gaon Elie de Vilna, saint d'Israël qui, par des paroles brûlantes de passion, a pressé ses élèves à monter en Eretz Israël et à y œuvrer au rassemblement des exilés, qui n'a cessé de stimuler ces élèves à accélérer le temps de la fin dévoilée (12) pour rapprocher le temps de la délivrance grâce au peuplement d'Eretz Israël. Presque chaque jour, notre maître nous disait, tremblant d'émotion, que c'est « à Sion et à Jérusalem que serait le salut » (13) et de ne pas manquer le rendez-vous. Qui pourrait relater et décrire l'intensité du souci de notre maître lorsqu'il nous parlait encore et encore, animé de l'esprit de sainteté, des larmes plein les yeux.
(...)
Et ainsi que nous l'avons déjà dit, la réparation de la faute des explorateurs ne peut venir que de la reconstruction de Jérusalem et l'élargissement (14) du yishouv en accomplissement de la mitzvah prophétique (15) « élargis l'emplacement de ta demeure », avec l'aide du ciel. (...) Il nous faut savoir d'emblée que tous les trésors précieux impliqués par la bénédiction de l'élargissement n'ont de réalité que lorsque l'action est faite d'abord par les Enfants d'Israël eux-mêmes, par initiative d'en-bas, comme le dit le verset : « élargis, toi, la place de ta demeure » et comme il est dit à propos d'Isaac qu'il a commencé d'abord à ensemencer la terre et à creuser le puits et qu'ensuite seulement est venue du ciel la bénédiction de l'élargissement (16) et comme le dit aussi le verset « la bénédiction d'Hashem t'accompagnera quand tu engrangeras et dans tout ce que tu feras » (17) « Hashem t'ouvrira son trésor du bien, le ciel, pour donner la pluie de ta terre en son temps et pour bénir toutes les œuvres de ta main » (18).
(...) C'est dans le même chapitre où il nous est enjoint d'élargir la place de la demeure que nous est donnée aussi l'assurance : « aucun instrument forgé contre toi ne réussira et quelque langue qui s'élèvera contre toi en procès se verra condamnée – c'est là le partage des serviteurs d'Hashem et leur justification de Ma part, parole d'Hashem » (19).
Donnant à ceux de ses élèves qui s'étaient engagés à partir pour Eretz Israël sa sainte bénédiction, notre maître nous a dit, vibrant d'émotion : « Vous êtes bienheureux car vous allez avoir le mérite d'accomplir la mitzvah de peupler la terre d'Israël qui pèse le poids de toutes les mitzvoth de la Thora. Vous êtes bienheureux car vous aurez le mérite d'être les associés de Dieu qui rétablit Jacob dans ses droits et prend en pitié ses demeures, qui construit Jérusalem, restitue le bien de la veuve et élargit la frontière d'Israël. Vous êtes bienheureux de pouvoir réaliser le commandement de la prophétie élargis la place de ta demeure car c'est lui qui permettra en miséricorde le rassemblement des exilés, ainsi qu'il est écrit juste après (20) car tu t'étendras à droite et à gauche et ta descendance héritera des nations, les villes dévastées seront habitées ... et en grande miséricorde Je te rassemblerai »

(Traduit par Elyakim Simsovic)

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(1). TB Ta'anit 29/A ; Bamidbar Rabba 16, 12 ; Tanh'ouma Slah' 12 ; Tanh'ouma (Ed. Buber) 21. Voir Midrache Shlomo, R. Shlomo Zalman Riveline, Jérusalem 5713 , p. 107, note 2.
(2). Ecclésiaste VII, 14.
(3). TB Shabbat 105/B ; Nedarim 32/A ; Sanhédrin 90/A ; introduction à Ekha Rabbati 21; Psikta Zoutrati Beréshit 44, 13.
(4). TB Ta'anith 29/A.
(5). Nombres XIV, 1.
(5a). Isaïe XLIV, 28.
(6). Psaumes CVI, 24.
(7). Sifré Re'éh 12, 29.
(8). Commentaire critique s/Sefer Hamitzwoth de Maïmonide, Omissions, quatrième mitzvah, Ed. H.D.Shavel, Mossad Harav Kook, pp. 244sq. Voir aussi le commentaire de Nahmanide sur le verset cité, Nombres XXXIII, 53.
(9). Rabbi Yom Tov Lipmann Heller, disciple du Maharal de Prague, auteur d'un important commentaire sur la Mishna, le Tossefoth Yom Tov.
(10). Rabbi Yeshayahou Horowitz, surnommé le Shla d'après les initiales de son livre majeur, le Shné Louh'oth Habrith. L'enseignement cité se trouve dans Shaar HaOtiyoth, lettre « Qôf », Qedousha, Qedoushat hamaqôm, Editions Oz vehadar, Jérusalem 5753, volume I, pp. 471 sq.; Collection Moussaré haShla, Feldheim, Shaar haOtiyoth, pp. 220 sq.
(11). Le texte date du début du XIXème siècle. Le Gaon de Vilna a vécu au 18ème siècle.
(12). Cf. Sanhédrin 98/A.
(13). Joël III, 5.
(14). Elargissement, en hébreu Harh'ava ; il s'agit de transformer la h'arévah, destruction, en harh'ava.
(15). Isaïe LIV, 2.
(16). Genèse XXVI, v. 12 et v. 22.
(17). Deutéronome XXVIII, 8.
(18). Deutéronome XXVIII, 12.
(19). Isaïe LIV, 17.
(20). Isaïe LIV, 3.