Conversation 18955 - Misogynie juive
Bonjour,
J’aurais aimé savoir pourquoi, dans le judaïsme, l’homme occupait une place prépondérante par rapport à la femme ?
1) Polygamie que pour l’homme,
2) La femme est considérée comme « la couronne » de l’homme, ce qui prouve bien que l’homme est dominant,
3) Les sages qui parlent dans le talmud ne sont que des hommes,
4) C’est à la femme de supplier sont mari de bien vouloir lui donner l’acte de divorce, si elle souhaite divorcer…
Merci
Vous auriez pu citer encore de nombreux exemples de différences, comme le fait qu'une femme ne peut pas témoigner (voir à ce sujet sur le site "quelles sont les conditions pour qu'un témoin soit cacher" ou page 375 dans mon livre). Il me semble donc que plutôt que répondre à chacun des cas que vous évoquez, il serait bon d'abord de faire une petite introduction.
Plusieurs points de ma réponse ayant déjà été traités auparavant sur le site, j'y ferais référence.
D'ieu par le biais de la Tora éduque l'homme et aide ce dernier à s'élever moralement. Tout bon éducateur sait que poser des exigences qui sont au dessus des moyens des personnes concernées ne peut que mener à l'échec. C'est pourquoi, certaines des lois de la Tora ne reflètent pas un idéal, mais composent avec la réalité.
Nos sages expliquent de cette manière la loi qui autorise les rapports avec une prisonnière de guerre, et disent que la Tora a fait une concession au mauvais penchant de l'homme (T. B. Kiddouchine 21b).
De la même manière, Maïmonide dans le Guide des Egarés (3, 32) ne considèrent pas le service de D'ieu par les sacrifices comme un idéal, mais comme une concession.
Plus près de nous, le Rav Kook explique qu'il aurait été plus moral d'être végétarien, mais que cela ne correspond pas au niveau actuel de la majorité des hommes (H'azon hatsimh'onoute vehachalom, voir sur le site "Qu'est ce que le chaatnez" –page 366 dans mon livre). Nous aurions pu multiplier les exemples.
Il est bien entendu qu'aucun d'entre nous n'a le droit de changer quoi que ce soit à la Tora à la base de cette réflexion et autoriser un usage interdit.
Il peut arriver cependant que telle ou telle autorité rabbinique décide en fonctions des circonstances et de l'autorité dont elle est investie d'éditer une loi plus adaptée au niveau moral de sa génération.
En ce qui concerne le statut de la femme dans la Tora et la Halakha, les différences entre hommes et femmes, et la situation féminine en général, certaines différences entre hommes et femmes sont d'origine toranique, d'autres sont d'origine rabbinique.
Certaines sont immuables, d'autres pas.
Certaines reflètent des valeurs éternelles du judaïsme, d'autres sont le fruit de situations historiques particulières.
1. La polygamie fut autorisée par le passé, mais non pas la polyandrie pour une raison très simple. On veut savoir qui sont les deux parents d'un enfant, on veut qu'il puisse connaître son père et sa mère. La polygamie ne l'empêche pas, la polyandrie si. C'est d'ailleurs probablement pour cela que la seconde fut toujours beaucoup moins répandue que la première dans quasiment toutes les sociétés.
Ceci n'explique cependant pas pourquoi la polygamie fut autorisée.
Il me semble qu'elle le fut tant que son refus aurait pu paraître être une exigence incompréhensible et infondée. La refuser, c'était prêcher dans le désert. Historiquement d'ailleurs, elle n'existait pas dans de nombreuses communautés bien avant qu'elle ne soit halakhiquement interdite, et il me semblerait que la monogamie était l'usage en vigueur déjà à l'époque du Talmud. Ce n'est qu'au contact des populations arabes polygames que certaines communautés ont adopté de nouveau cet usage.
Et les rabbins des communautés ashkénazes (Rabbénou Gerchom en Allemagne au 10ème siècle en l'occurrence) l'ont interdit quand le public put enfin se plier à cette exigence (j'ai un peu simplifié, les historiens étant divisés sur la question de savoir ce qui l'a poussé à prendre une décision que l'usage entérinait de toutes façons depuis longtemps).
2. Je suppose que vous faites allusion au verset du livre des Proverbes (Michlé 12, 4).
Je ne suis pas sûr qu'il faille y voir la marque de l'ascendant de l'homme sur la femme, de même qu'il n'y a pas lieu d'interpréter ce que dit le Midrache en commentaire du verset 17, 6 du même livre (Beréchit Raba 63, 2), que les anciens sont la couronne de leurs petits enfants comme une marque de l'ascendant des petits enfants sur les anciens.
3. A l'époque talmudique effectivement, les portes de la connaissance étaient fermées aux femmes, et les quelques femmes érudites et de forte personnalité dont on connaît le nom dans le Talmud sont les exceptions qui confirment la règle.
Cette constatation sociologique fut même renforcée par une michna qui déconseille fortement d'enseigner la Tora aux femmes.
Les portes de la connaissance s'étant ouvertes aux femmes, celles de la Tora aussi sont aujourd'hui ouvertes, et vous trouverez sûrement sur le site la base de l'idéologie de ces changements (voir entre autres "les femmes et l'étude de la Tora" sur le site et page 375 dans mon livre).
Cette halakha me semble être le type même de halakha reflétant une certaine situation sociologique, halakha qui évolue en fonctions des changements de société. Les rabbins qui conseillent aujourd'hui d'enseigner la tora aux femmes ne disent pas autre chose que moi.
4. Là aussi la Halakha a évolué, et si par le passé le divorce était la prérogative du mari seul, ce n'est plus tout à fait le cas puisque depuis l'époque de Rabbénou Gerchom (encore lui!) il est impossible de se séparer de sa femme sans son accord.
Je suppose que là aussi, la loi toranique ne reflète pas obligatoirement un idéal, mais une progression par rapport à la situation de la femme telle qu'elle était à l'époque, progression lente pour qu'elle puisse être couronnée de succès. C'est aux rabbins dotés de l'autorité nécessaire pour le faire d'œuvrer pour que toujours la Halakha soit un facteur de progrès.
Si vous voulez émettre une critique à ce sujet, à savoir que les grandes autorités halakhiques des certaines générations semblent parfois être un peu frileuses sur ce point, je pense que je pourrais peut être vous rejoindre, encore qu'il faille à tout prix éviter les généralités sur ce genre de questions, et traiter de cas précis.
En voici donc un: il y aurait lieu de prendre des mesures plus énergiques contre les maris qui refusent de délivrer à leur femme un acte de divorce.
Mais notons aussi, et peut être surtout, que vous avez bien évidemment mis l'accent dans votre question sur les quelques points les plus problématiques concernant le statut de la femme dans le judaïsme. Vous avez ignoré, parce qu'ils ne vous dérangent pas, et je ne vous en fais pas grief, tous les points positifs et qui mettent la femme à l'honneur ou sont là pour la protéger. Par exemple l'instauration de la Ketouba qui donne à la femme une protection sociale, ou l'obligation de divorce pour un mari qui ne remplit pas ses devoirs.
Pour résumer, il me semble que la position à adopter vis-à-vis de la question du statut de la femme dans le judaïsme actuel est que l'émancipation de la femme, tant qu'elle ne se fait pas au dépens des vertus de pudeur et au dépens des valeurs familiales est à encourager, et qu'elle n'est nullement contraire aux valeurs de la Tora.
décidement...
En effet...
Vous ne m'avez toujours pas répondu à ma question appelée "Mysoginie Juive" ?
Je l'ai ouverte aujourd'hui pour la première fois (le titre ne m'inspirait pas). J'espère vous donner satisfaction dans le mois. Patience.
18955
Je vous remercie pour votre réponse très complète.
Cependant, je pensais que la Thora avait pour but principal de montrer la "voie royale". Je pensais qu'elle aspirait à montrer aux hommes une société idéale, pouvant même paraître utopique pour certains. Je ne peux concevoir que le Thora est prête à se "rabaisser" à la société, en pratiquant, et vous l'admettez clairement, plein de bizarreries comme "interdire aux femmes d'étudier la Thora", le divorce...
Je vous remercie.
Je n'ai pas appelé cela des bizarreries, mais ai concédé que certaines lois rabbiniques reflétaient une époque. Il faut être très prudent dans ce genre de définitions, et il ne revient pas à un petit rabbin comme moi de décider que telle loi ne reflète pas obligatoirement la Tora Eternelle. Ce sont les grands décisionnaires qui ont autorisé l'étude des femmes de nos jours qui l'ont implicitement fait.
C'est justement en cela qu'elle fixe aux hommes des objectifs qu'ils peuvent atteindre et que par là elle les élève que la Tora est idéale.
Nous n'avons que faire d'une Tora utopique.