Conversation 43431 - Pourquoi la Thora est-elle si chauvine ?

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Certains courants réformistes (dont les principaux pourfendeurs se posent en « humanistes » invétérés) mettent en exergue un certain chauvinisme prôné, à leurs yeux, par le judaïsme traditionnel.

Pour les juifs croyants dont je crois faire partie, la Torah est l'unique émanation divine authentique, le seul message direct de D... aux hommes. Je tente, à mon niveau, d'en percevoir quelques éclats.
Toutefois, dans un monde plus que jamais « mondialisé », des connaissances auxquelles seuls des initiés avaient jadis accès sont désormais à la disposition de tous.

Ainsi, une « kyrielle » de détracteurs potentiels dénoncent « l'ethnocentrisme » qu'ils jugent inhérent à la Torah, se payant le luxe de corroborer leurs propos en citant à gré certaines de nos prières (comme « Béni Tu es, Hachem, notre Dieu, Roi de l'univers, qui nous as élus entre toutes les peuples et nous as donné Ta Torah... » dans les Birkat Hatorah ; ou encore « Tu nous as demandé de distinguer le sacré du profane, la lumière des ténèbres, Israël des peuples et le septième jour des six jours ouvrables. De même que Tu nous a distingués, Hachem, des peuples de la terre et des familles du globe, rachète-nous, protège-nous du Satan malfaisant, d'un fâcheux accident et de tous les décrets sévères susceptibles de s'abattre sur notre planète... » dans Ata 'honanetanou », à l'issue du Chabbath...)

Si dans les faits, le message de la Torah s'adresse à l'humanité toute entière (puisque nous considérons que toutes les religions dissidentes furent l'œuvre d'imposteurs – ni plus ni moins), pourquoi s'évertue-t-elle à « hiérarchiser » la famille humaine, en plaçant à l'évidence certains hommes au-dessus d'autres, et ce au risque d'offusquer tous les autres ?

Si j'avais été immergé dans une tout autre culture, l'affirmation de la préférence manifeste de D... pour une certaine élite m'aurait, a priori, également scandalisé. D'ailleurs, les chrétiens se targuent d'avoir « universalisé » le message divin originel, en se fondant notamment sur le prétendu chauvinisme juif dont il est question.

Au risque de paraître encore plus anecdotique, je rappellerais que nous avons (entre autres) l'obligation de diffuser, le plus largement possible de par le monde, les sept lois noa'hides, de sorte à ce que chacun puisse y déceler, in fine, qu'il en va de la stabilité du monde et de son intégrité. Le Rabbi de Loubavitch a d'ailleurs accordé à ce thème une importance toute particulière... comme en témoignent les initiatives que prennent, encore aujourd'hui et notamment sur Internet (!), ses 'Hassidim.
Humainement, comment pouvons-nous professer et illustrer au monde où se trouve son salut si, par ailleurs, nous sommes mus – à leurs yeux – par des velléités transcendantes, fondées sur un « choix divin discriminant » à leur égard ? Quelle pourrait être notre légitimité vis-à-vis de milliards d'hommes qui se retrouvent, par défaut, dévalorisés (ne faisant guère partie du peuple élu) ?

En somme, sait-on pour quelle raison D... a-t-il mis en place une telle structure pyramidale, au fondement même de l'humanité, et suscitant de très nombreuses incompréhensions ?

Ces questions sont sans doute assez délicates, mais elles me semblent cruciales dans la définition de notre rôle, non pas seulement à l'égard de nous-mêmes, mais vis-à-vis d'un monde dont nul ne pourra nier l'incroyable hétérogénéité.

Merci

Réponse à Babaz 43431

Shalom Babaz,

Quelques pistes de réponses à vos interrogations :
- il me semble plutôt positif que des connaissances soient accessibles au plus grand nombre, cela casse certains mythes ou croyances à consonance antisémite comme quoi le judaïsme serait quelque chose de mystérieux réservé à une caste.
- les accusations d'ethnocentrisme ne sont ni plus ni moins que de l'incompréhension de ce qu'est véritablement le judaïsme, voire parfois un antisémitisme qui ne dit pas son nom. Le judaïsme est une religion foncièrement universaliste et humaniste.
- la distinction, le particularisme juif sont le corollaire absolu de cet universalisme humaniste : l'un ne va pas sans l'autre et si l'un des deux disparaît, il n'y a plus de judaïsme.
- la Torah a été proposée à l'humanité entière, mais seuls les Hébreux - dernier d'entre tous les peuples à qui D. l'a proposée - l'ont acceptée pleinement.
- la Torah a été donnée dans le désert pour que personne ne puisse dire qu'elle appartient à un peuple et pas à un autre. La Torah n'appartient pas aux Juifs, mais à l'humanité, mais ils ont été le seul peuple - jusqu'à l'ère messianique - à accepter d'en porter le message.
- selon nos Sages, une des raisons de la Galout n'est pas seulement, comme vous le dites, de convaincre les peuples de respecter les sept lois noa'hides, mais bien plus, de convaincre les peuples de se rallier au judaïsme.
- contrairement à une idée reçue, la conversion au judaïsme était beaucoup plus fréquente et un phénomène normal jusqu'à l'avènement du christianisme, mais celui-ci ayant puni de mort quiconque se convertirait au judaïsme et quiconque effectuant une conversion, le prosélytisme (toujours non-violent) juif s'est éteint.
- le judaïsme ne place nullement des hommes au dessus des autres !! La notion de "peuple élu" qui nous a tant coûté ne signifie nullement que les Juifs sont au dessus des autres peuples ! Simplement, nous sommes les porteurs d'un message, l'avant-garde de l'humanité si vous voulez, jusqu'à l'ère messianique. Cela implique beaucoup de responsabilités et de sacrifices. Les non-Juifs respectant les sept lois noa'hides ont autant droit au paradis qu'un Juif respectant toutes les mitsvot. Un non-Juif souhaitant entrer dans l'Alliance peut le faire.
- D. ne nous a pas toujours préférés (relisez la Bible !) et s'il c'est le cas, c'est uniquement parce que nous avons été le seul peuple à accepter la Torah, et non pas pour des qualités intrinsèques.
- les chrétiens n'ont rien universalisé du tout, le judaïsme est dès l'origine une religion universaliste et au contraire, les chrétiens ont empêché, ou freiné, la mission universaliste d'Israël.

Je vous conseille vivement la lecture de "Moïse et la vocation juive" d'André Neher.