Conversation 45031 - Prédisposition à la conversion ?

ridgewood
Dimanche 14 décembre 2008 - 23:00

Messieurs les Rabbanim,

A vrai dire je ne sais pas par quoi commencer.

Peut-être est-il utile de me présenter brièvement? Je m’appelle Christophe et je suis né, en France, il y a 37 ans dans une famille chrétienne (catholique) mais non-pratiquante. Mon père vient d’Afrique noire et ma mère est Française. J’ai fait de longues études qui m’ont permis de devenir avocat à Paris. Je ne suis pas marié et je n’ai pas d’enfant. J’ai, disons le franchement, privilégié ma vie professionnelle.

Cependant (car il y a un cependant, sinon je ne vous écrirais pas), au plus loin que mes souvenirs me portent, depuis le début de mon adolescence, quelque chose me pousse vers la religion juive.

Au départ, j’ai pris cela pour de la simple curiosité. Étant entouré de personnes ayant beaucoup de préjugés contre les juifs (pour ne pas dire antisémites), j’ai du taire mon attirance. J’ai même épousé les pensées nauséabondes qui m’entouraient. J’ai aussi voulu me rapprocher d’autres religions (lecture du Coran ou écrits bouddhistes) Toutefois, ce mouvement n’était pas sincère car systématiquement mon esprit me portait à comparer ce que j’étudiais aux écrits de l’Ancien Testament (Torah). En effet, chose bizarre, quelqu’un a laissé une bible chez nous mais une bible chrétienne comportant l’Ancien Testament. Cette personne avait mis ses initiales et son nom sur son livre mais n’est jamais venu le rechercher ou ne la jamais réclamer ou repris quand il venait chez nous.

Pendant mes études supérieures et au début de ma carrière, j’ai toujours conservé mon attirance pour la religion juive mais j’avais toujours ces pesanteurs autour de moi. J‘ai travaillé pour des patrons juifs non-pratiquants. Ils étaient certes très gentils mais leur exemple m’a toujours posé un dilemme. Comment se dire juif s’il on pratique pas? Je n’ai jamais chercher à les juger mais quand ils critiquaient les juifs pratiquants, cela me choquait. J’ai, de nouveau, voulu oublier mon attirance vers le judaïsme.

Voulant tout consacrer à ma carrière, j’ai pris la décision de partir en Amérique du Nord pour effectuer un Master en droit des affaires. Mais problème ! Arrivé sur place, et ne connaissant rien ni personne, je me suis retrouvé à habiter dans un quartier juif (orthodoxe) d’une grande métropole américaine. Et là j’ai pu commencer à réellement lire la Torah. J’ai commencé à vouloir apprendre l’hébreu (une vraie boulimie), consulter les sites Internet.

Je me suis encore dis que loin de chez moi, sans ma famille, je pouvais mal interpréter ce qui m’arrivait. Sans aucun repère, je me réfugiais dans la religion. Sur ce, et comme à l’habitude, j’ai considéré mon attitude comme un manque psychologique que je voulais combler par tout moyen. Je remettais en cause ma sincérité.

Rentré en France, j’ai repris mes activités. Je vis en Famille. Mais, la chose est plus forte que moi, chaque jour je pense à me convertir. En effet, après plus de vingt ans de réflexion, je constate que des signes m’ont constamment été adressés. Je veux prendre un rendez-vous avec un Rabbin pour qu’il me guide dans ma démarche mais le problème est le suivant : On va me demander pourquoi je veux me convertir et je me sens incapable de donner une raison à cela. Je ne peux que répondre que c’est plus fort que moi. J’ai beau y réfléchir mais je ne trouve aucun mot pour expliquer ce que je ressens.

J’ai consulté des forums sur des sites Internet et j’y ai lu des choses de la part de personnes souhaitant se convertir. Beaucoup arrivent à trouver une explication rationnelle (j’ai même lu qu’une personne voulait se convertir pour intégrer Tsahal et faire la guerre!). D’autres ont une raison filiale (couple mixte ou enfants issus de couples mixtes). Moi je ne peux donner aucune explication si ce n’est une chose (que je ne suis pas en mesure de définir) qui est devenue une obsession. Et pourtant je suis une personne assez raisonnée (NB : pour ma part, je considère les 7 lois de Noah mais même en les mettant en oeuvre, je trouve cela insuffisant, il y a un manque).

Je vous demande bien aimablement de me dire ce que vous pensez de ma situation. Je ne demande pas qu’on me donne une explication toute faire à donner à un Rabbin car je lui dirais ce que je viens d’écrire. Je veux juste savoir ce que vous en pensez.

Merci à votre équipe pour tout ce que vous faites et continuez à réconcilier les jeunes (et les moins jeunes) avec leur religion.

Christophe.

Jacques Kohn z''l
Mardi 16 décembre 2008 - 05:22

Ma réaction, en vous lisant, a été de me dire : « Voilà quelqu’un qui détient certainement une ascendance juive dans son héritage génétique ! »

Cette situation est fréquente, et elle explique souvent la prédisposition de certaines personnes à se rapprocher du judaïsme, et même à se convertir.

J’ajoute que vous me semblez, en contraste à beaucoup de cas où la conversion au judaïsme constitue une sorte de régularisation a posteriori d’une situation préexistante, y être prédisposé pour des raisons totalement désintéressées : Vos écrivez n’être ni candidat à une incorporation dans l’armée israélienne (j’ignorais qu’il pût exister une telle motivation), et surtout que vous n’êtes pas engagé dans un mariage mixte ni issu d’un couple mixte, situation à laquelle les rabbins sont le plus souvent confrontés.

Si vous décidez de vous engager dans un processus de conversion, on vous posera certainement beaucoup de questions, et notamment celle des motivations de votre démarche. La pureté de vos intentions vous dispensera très probablement d’en développer les raisons dans tous leurs détails.

Vous trouverez sur le site du Consistoire de Paris [http://www.consistoire.org/conversions.pdf] de nombreux renseignements sur le déroulement de la procédure de conversion. Il arrive qu’elle soit longue, peut-être moins par mauvais vouloir que par le désir qu’ont les rabbins de vérifier de la façon la plus exhaustive la sincérité des candidats.

babaz
Lundi 15 décembre 2008 - 23:00

45031

La réponse que vous adressée n'est pas privée ; je suppose donc qu'elle est mesure d'interpeller tous les "cheelanautes".

La situation ne vous surprend pas... "J’ajoute que vous me semblez, en contraste à beaucoup de cas où la conversion au judaïsme constitue une sorte de régularisation a posteriori d’une situation préexistante"

Comment le judaïsme explique-t-il ce type de "magnétismes" apparemment implacables ? Doit-on nécessairement nous tourner vers une interprétation d'ordre mystique ?

Je vous remercie

PS : je me permets de vous interroger, bien que ce thème (celui de la conversion), me soit de fait étranger. J'interroge quotidiennement le judaïsme, la croyance étant à mes yeux une lutte permanente, faite de tribulations multiples (que j'aime assimiler aux "tempêtes sous un crâne" hugoliennes). Par suite, ces attirances imparables, que le principal intéressé ne s'explique pas lui-même, m'étonnent. La Thora en dit certainement quelque chose, d'où ma question...

Jacques Kohn z''l
Mardi 16 décembre 2008 - 13:57

Il me paraît exister deux sortes essentielles de motivations chez ceux et celles qui veulent se convertir :

Il peut s’agir – et c’est probablement la situation la plus fréquente dans la pratique – d’un désir de sortir d’une situation familialement embarrassante, comme un mariage mixte ou la naissance au sein d’un couple mixte, ou encore le désir de fonder un foyer avec un Juif ou une Juive.

Il arrive aussi que le candidat à la conversion soit animé, souvent de façon irrationnelle, par des motivations dépourvues de tout but intéressé. Peut-être s’agit-il, dans un tel cas, d’un désir de revenir à des origines perdues de vue au fil des générations et qui réapparaissent pour des raisons inexplicables.

Il ne s’agit là nullement de quelque magnétisme ni d’une propension d’ordre mystique.