Conversation 4919 - Impurete des mains
a propos du canon biblique , il est dit qu'il rendait les mains impures , quels est le rapport avec les mains?
Traité Yadayim, chap. 4, michna 6 :
Les Sadducéens disent : nous en avons après vous, vous les Pharisiens ! car vous affirmez : les Ecritures saintes rendent les mains impures et les écrits d'Homère ne rendent pas les mains impures. Rabbi Yohanan ben Zaccaï dit : et est-ce la seule chose que nous avons contre les Pharisiens ? Ne disent-ils pas que les ossements d'un âne sont purs et ceux de Yohanan le grand-prêtre sont impurs ? Ils répondirent (les Sadducéens) : leur impureté est fonction de l'affection qu'on leur porte, pour qu'on ne fasse pas des cuillers avec les ossements de ses père et mère. Il leur dit : Il en est de même des Ecritures saintes, leur impureté est fonction de l'affection qu'on leur porte. Les écrits d'Homère puisqu'on ne les chérit pas ne rendent pas les mains impures.
Dans cette discussion rapportée par la Michna, l'argument des Sadducéens se fonde d'abord sur un concept erroné : dire que les Ecritures saintes rendent les mains impures serait signe de mépris à leur égard et qu'on aurait davantage de considération pour Homère que pour la Bible. Extrême humour du Talmud ! Ce sont précisément les Sadducéens, fervents adeptes de la culture hellénistique qui sont amenés à se présenter comme défenseurs de l'honneur des Ecritures face à la simple littérature, fut-elle brillante !
Rabbi Yohanan ben Zaccaï surenchérit : les ossements d'un âne, animal impur à la consommation, sont purs et peuvent être utilisés pour en faire des outils, et les ossements du grand-prêtre - pur de son vivant et donné au culte le plus saint - sont considérés comme impurs. Mine de rien, l'argument est polémique, car ce n'est pas de n'importe quel grand prêtre qu'il s' agit. Etant donné que la proposition en soi est universellement vraie, il eut suffi de dire : "les ossements d'un grand-prêtre". Mais rabbi Yohanan ben Zaccaï en nomme un en particulier, et ajoutant l'ironie à l'humour, c'en est un qui porte son nom, comme s'il en était scandalisé. C'est que ce grand-prêtre là en particulier, qui avait fini par adhérer à leur secte, était vénéré des Sadducéens. Or, la Thora écrite, que les Sadducéens reconnaissent (alors qu'ils s'opposent à la Thora orale) dit bien que les ossements humains sont impurs. Ils sont donc bien obligés - et doublement - de l'admettre. C'est, disent-ils, signe et marque de considération, afin d'écarter toute possibilité de faire un usage profane ou même quelconque des ossements de ses parents.
Il en va de même des Ecritures saintes, répond rabbi Yohanan ben Zaccaï. Elles que nous chérissons et respectons, nous les traitons de même que les ossements humains, alors que l'Illiade et l'Odyssée ne valent pas mieux que le squelette d'un âne (et ce quelle que soit la valeur littéraire qu'on peut leur reconnaître par ailleurs et quel que soit aussi le prix du squelette...)
Le Maharal de Prague, dans son éloge funèbre de rabbi Aqiba Ginzburg, développe l'argument de rabbi Yohanan ben Zaccaï ; il s'agit de mettre en évidence que de même que vivants et morts appartiennent à deux mondes radicalement séparés, de même les Ecritures saintes n'appartiennent pas a priori au domaine de notre réalité. Ils nous viennent d'ailleurs. Les toucher les mains nues serait comme prétendre annuler cette distance, se les approprier, en faire des monuments littéraires immanents à la culture humaine au lieu de la Révélation divine qu'ils véhiculent.
(Voir aussi les commentaires classiques de la Michna : Rabbi Ovadia de Bertinoro - communément appelé "le Barténoura", Tiféreth Yisrael, Tossfoth Yom Tov, rabbi Pinhas Qéhati)
Il y a aussi une autre dimension du problème, moins polémique et d'une valeur pratique immédiate :
Les Ecritures sont saintes et il est des nourritures consacrées que le Cohen en son temps devait manger en état de pureté. On avait coutume de ranger ensemble les choses saintes et les rongeurs faisaient festin des parchemins comme de la térouma. On a donc décrété que les parchemins des écritures rendaient les mains impures pour obliger à les ranger séparément des nourritures consacrées, si le Cohen ne voulait pas risquer de perdre son déjeûner. (cf. traité Chabbat 14a et Maïmonide, introduction au commentaire sur la michna, 3:3).
suite de la question 4919 (sur la terouma).
Pardonnez-moi mais je n'ai pas très bien compris votre explication concernant l'impureté des mains. Vous écrivez :
"Les Ecritures sont saintes et il est des nourritures consacrées que le Cohen en son temps devait manger en état de pureté. On avait coutume de ranger ensemble les choses saintes et les rongeurs faisaient festin des parchemins comme de la térouma. On a donc décrété que les parchemins des écritures rendaient les mains impures pour obliger à les ranger séparément des nourritures consacrées, si le Cohen ne voulait pas risquer de perdre son déjeûner."
En quoi est-ce que le fait de décréter que les parchemins rendaient les mains impures
1/ imposait-il de séparer ce parchemin de la nourriture consacrée ("terouma") ?
2/ et en quoi protégeait-il la "terouma" réservée aux Cohen (je suppose que celle-ci continuait à intéresser les rongeurs, où qu'elle soit rangée, avec ou sans parchemin...) ?
En vous remerciant.
Si les parchemins rendent les mains impures, on risque donc de rendre impure la Térouma,ce qui est chose indue.
L'objectif n'était pas tant de protéger la térouma des rondeurs, que de protéger les parchemins, mis en danger par la proximité de la nourriture.