Conversation 52953 - Annonce de grossesse avant 3 mois
CHALOM à toute l'équipe de cheela, ce merveilleux site dont je savoure les questions et réponses presque quotidiennement.
Ma question concerne le moment de l'annonce de la grossesse. En effet, il est fréquent d'entendre que l'on ne doit annoncer la grossesse qu'après trois mois de gestation.
J'ai lu les réponses du Rav Elie Kahn z''l qui nous enseigne qu'il n'y a pas de contrainte halakhique sur ce point.
J'ai toujours été interloqué par un passouk de la Thora dans la paracha Vayéhi traitant de l'épisode de Yéhouda et Tamar nous indiquant que ce n'est qu'à partir du 3 mois que Yéhouda fut informé de la grossesse de Tamar.
Ne doit-on pas voir dans cette indication temporelle une source d'enseignement concernant l'annonce de la grossesse. Si tel n'était pas le cas, que m'apprend cette précision circonstancielle.
Merci d'avance pour votre réponse.
Chalom,
La halakha est comme l'avait indique le rav Kahn z"l - il n'y a aucune interdiction une grossesse pendant le premier trimestre. Mais il n'y a bien sur aucun probleme a garder la discretion, pour celles et ceux qui preferent...
Le Talmud n'utilise pas le verset que vous mentionnez pour en deriver une quelconque indication. Ce passouk a probablement ete compris comme donnant une simple indication necessaire au recit (la grossesse de Tamar ne fut visible qu'a partir du 3eme mois, et c'est a ce moment-la qu'elle fut logiquement suspectee), sans consequence halakhique.
Suite à la question 52953.
Merci pour votre réponse, j'ai pris bonne note que ce passouk n'a pas servi de base à une quelconque indication d'un point de vue halakhique concernant l'annonce de la grossesse.
Toutefois, ce passouk me laisse encore perplexe.
En effet, il est un principe que chaque mot ou chaque verset dans la Thora est porteur d'un enseignement.
De surcroît, la Thora, si je puis m'exprimer ainsi, ne raffole pas des indications temporelles surtout si celles-ci n'ont pas vocation à véhiculer un enseignement. On peut en effet se référer à la paracha de Mikets où la Thora précise vayéhi mikets chénataim yamim (et il fut 2 ans plus tard), d'où le midrach explique que Yossef est resté deux ans de plus en prison, cela car il avait sollicité l'aide d'un des ministres de pharaon.
Or, en l'espèce, si je me réfère à votre raisonnement : " la grossesse de Tamar ne fut visible qu'a partir du 3eme mois, et c'est a ce moment-la qu'elle fut logiquement suspectee", cette précision temporelle serait superflue, ce qui va à l'encontre du principe cité un peu plus haut. Le passouk aurait pu commencer à :"Vayougad li yéhouda lémor" : il a été rapporté à Yéhouda que ..., on aurait dès lors logiquement compris que la rumeur s'est propagée jusqu'à Yéhouda car la grossesse de Tamar était devenue apparente.
En outre, le vocabulaire utilisé est également sujet à certaines questions.
En effet, le passouk commence par le terme Vayéhi, dont on sait qu'il est annonciateur d'un évènement négatif. Or, et quand bien même Tamar fut accusée puis jugée, l'happy ending qui s'en suit (la naissance de ses deux enfants qui perpétuerons la tribu de Yéhouda) aurait du justifier l'utilisation du terme Véaya (qui lui, annonce un évènement heureux).
Ensuite, le passouk poursuit en utilisant une tournure peu usitée dans la Thora me semble-t-il :" kémichloche h'odachim" littéralement : comme trois mois, au lieu de Ah'arei (après trois mois) ou ba hodèch achélichi (dans le 3ème mois).
Enfin, le passouk continue avec encore une fois un verbe dont l'on ne connait pas le sujet : "vayougad liyouda": il a été dit à yéhouda.
Or, la thora aurait du dire : vaychma yéhouda. Yéhouda n'étant pas dans la contrée où habitait Tamar, le bruit de sa grossesse s'est propagé jusqu'à l'atteindre (en somme il a appris la nouvelle).
Toutefois en employant le verbe vayougad (il a été dit) il semblerait que la thora veuille insister sur la personne qui a informé yéhouda de la grossesse de Tamar. En effet, il est naturel lorsque l'on dit : "on a dit à Yéhouda que " de ce demander qui est l'informateur en question.
Par conséquent, je ne sais pas ce que vous en pensez et n'ayant pas eu l'occasion de lire un commentaire sur ce point, mais il me semble que cet extrait de passouk est plus qu'anodin.
Désolé pour la longueur de ma question et pour ma persistance qui n'a d'autre but que de comprendre un peu mieux ce passouk.
Merci Beaucoup et chavoua tov !
Chalom,
L'idee selon laquelle chaque verset (ou chaque mot, ou chaque lettre) de la Torah serait porteur d'un enseignement est effectivement tres repandue. A un certain niveau, c'est probablement vrai. Mais a notre niveau, nous ne sommes pas toujours capables de le percevoir.
Il y a des passages de la Torah qui sont notoirement repetitifs. Quelques exemples: Bamidbar chapitre 7 - les offrandes des Nessiim; Bereichit chapitre 24, et le double recit de la mission d'Eliezer. 'Hazal s'en font l'echo, lorsqu'ils remarquent que "les paroles de Torah sont riches a un endroit et pauvres a d'autres", ou "la conversation ordinaire des serviteurs des Patriarches plait plus a Dieu que les enseignements de leurs enfants"... Meme Rachi remarque a certains endroits "je ne sais pas ce que ceci vient enseigner" (par exemple sur Bereichit 28:5).
Cela etant dit, il faut faire une distinction entre un "enseignement" (pour reprendre votre expression), qui peut etre d'ordre moral ou autre, et la halakha. Les difficultes de vocabulaire et de grammaire que vous soulignez dans le verset sont tres probablement discutees parmi les commentateurs de la Torah, chacun suivant sa methode. Mais pour creer une norme (par exemple, ne pas parler de la grossesse pendant le 1er trimestre), ce n'est pas suffisant.
A notre niveau, nous n'apprenons pas la halakha des versets de la Torah. Ces versets ont ete etudies par les midrachim halakhiques, il y a eu la premiere cofidication de la michna, les discussions du Talmud, les codifications successives du Rambam, du Choul'han Aroukh etc., les commentaires sur ces codifications, etc. Nous intervenons a la fin d'une tres longue chaine de transmission, et c'est seulement en prenant en compte la fin de la chaine, et non le debut, que la halakha est fixee.
J'ai quelque approfondi ma recherche dans les livres consacres aux origines des minhagim, sans trouver de mention qu'il existe une quelconque coutume de s'abstenir de mentionner une grossesse pendant les 3 premiers mois. Peut-etre n'ai-je pas tout vu, mais je crois que les vraies raisons de cette "coutume", qui existe effectivement en pratique, ne sont pas d'ordre halakhique.
On peut ainsi penser qu'il existe un sentiment naturel de pudeur ou de discretion qui fait que l'on n'a pas envie de parler tout de suite de la grossesse. Peut-etre existe-t-il une peur du "mauvais oeil" et le sentiment qu'il vaut mieux cacher aussi longtemps que possible... Sans parler du fait que la grossesse n'est pas toujours remarquee tout de suite ! Et bien sur, le simple fait que les autres agissent ainsi est une bonne raison pour les imiter...
annonce de grossesse avant 3 mois (suite)
Un explication plus rationnelle concernant la grossesse et l'annonce :
15% des femmes font des fausses couches et le pic de fausse-couche se situe aux alentours de la 10ème semaine de grossesse.
A partir du 3ème mois (au moment de la première échographie), le risque de fausse-couche diminue fortement et donc, on peut annoncer à l'entourage la bonne nouvelle !
Il semblerait qu'avant l'apparition de l'échographie, la grossesse était annoncée lorsqu'elle était visible ou lorsque l'on sentait le bébé bouger.
Merci, tres interessant, et pour ma part convaincant.