Conversation 57629 - Perte de semence = meurtre?

haviv-ba
Mercredi 8 juin 2011 - 23:00

Shalom.
La perte de semence involontaire est considéré comme un meurtre donc en avoir eu une pendant chavou'oth casse-t-il cette fête?

Emmanuel Bloch
Jeudi 9 juin 2011 - 22:24

Chalom,

Mais non, pas du tout.

La perte de semence "involontaire" (en francais dans le texte: pollution ou ejaculation nocturne) n'est en rien assimilable a un meurtre. C'est un fonctionnement normal, parfaitement sain, du corps masculin. Elle concerne surtout les hommes non maries, pour des raisons evidentes. Si vous trouvez des textes qui invitent a faire techouva, le matin apres une pollution nocturne, il faut les prendre comme une invitation a reflechir a ce qui pu se passer la veille (pensees ou autres), et a essayer de s'ameliorer a l'avenir sur ce point, mais rien de plus.

La perte de semence "volontaire" (osons le mot: la masturbation) est quant a elle un peche, mais il faut ici encore relativiser. Elle n'est pas non plus assimilee a un meurtre pur et simple. Bien sur, vous trouverez des textes tres durs pour ceux qui se masturbent (cf. Niddah 13a pour quelques exemples), mais il ne faut pas les prendre de maniere litterale. Un meurtrier est, selon la Torah, passible de la peine de mort, alors que celui qui se masturbe viole une interdiction d'ordre rabbinique (selon la majorite des autorites) et rien de plus.

Aucune des deux ne "casse" la fete. Casser la fete veut dire faire un travail interdit specifiquement le jour de fete, comme ecrire, construire, etc.

haviv-ba
Lundi 13 juin 2011 - 23:00

Shalom!
57629
Alors comment doit-on comprendre les textes comme le talmud qui assimilent la masturbation a un meurtre? Et je croyais que la torah avait indirectement interdit la masturbation par l'histoire de Onan.

Emmanuel Bloch
Jeudi 16 juin 2011 - 03:14

Chalom,

Ces textes ne doivent surtout pas etre pris litteralement, comme je vous l'indiquais dans ma precedente reponse, mais comme indiquant, de maniere hyperbolique, l'importance du respect des regles halakhiques ayant trait a la sexualite. Sinon, c'est-a-dire si l'on prend ces textes a la lettre, cela signifierait que l'on doit mettre a mort celui qui se masturbe, ce qui est absolument faux. La masturbation est une interdiction d'ordre rabbinique, qu'il ne faut pas prendre a la legere bien evidemment, mais sans exagération non plus.

S'agissant de l'histoire de Onan, il faut noter que le mot "onanisme", qui signifie bien en francais "masturbation", est une mauvaise traduction des versets de la Genese. La faute de Onan, techniquement, n'est pas la masturbation, mais le coït interrompu. Et la Torah precise clairement que si Onan mourut, c'est essentiellement pour avoir refuse d'accomplir la relation de yiboum (levirat) avec sa belle-soeur et de mettre au monde une posterite pour son frere décédé. On peut supposer que sa conduite avec Tamar, meme si reprehensible, n'aurait pas eu les memes consequences sans cette mauvaise intention particuliere.

Mais plus generalement, si vous voulez mon avis, il y a beaucoup d'hypocrisie, dans le judaisme, sur la question de la masturbation. Certains faits, que tout le monde connait, ne sont jamais discutes ouvertement. Je pense que c'est tres dommageable, pour des raisons que je detaille ci-dessous, et qu'il faudrait ouvrir la fenetre pour faire entrer un peu d'air frais.

Alors, permettez-moi de vous parler ouvertement et sans detours.

La grande majorite des garcons celibataires se masturbent a partir de l'adolescence. Plus de 90%, selon les statistiques concernant la population generale. Peut-etre les adolescents juifs religieux sont moins concernes que les autres, mais qui peut en etre certain? Parmi ceux qui ne le font pas, certains garcons ont j'imagine une libido moins developpee que d'autres, et il y a quelques (rares) tsadikim, dont la force de volonte est suffisante pour maitriser leurs pulsions.

Pour les filles, les statistiques indiquent que la masturbation est beaucoup moins repandue, et le probleme halakhique n'est pas du tout le meme. Je ne vais donc parler ici que des garcons.

De tres nombreux adolescents religieux sont pris entre le marteau et l'enclume. Ils sont matures, d'un point de vue sexuel, a partir de 14-15 ans au plus tard, mais ne se marient que plusieurs annees apres. Ils ont des pulsions normales et naturelles. La Torah leur dit que la masturbation est interdite, ils voudraient respecter la halakha dans de domaine comme ils le font dans les autres, mais ils n'y parviennent pas, et cela eveille en eux un fort sentiment de culpabilite. Sur Cheela, nous sommes tres souvent interpelles a ce sujet (toutes les reponses ne sont pas publiees).

Le probleme est d'autant plus aigu que l'adolescent est sincerement religieux, fait de gros efforts pour accomplir la volonte de la Torah, pour finir par rechuter finalement. Parmi les consequences que je peux constater en lisant les questions des cheelanautes, je percois tres souvent un sentiment exagere de culpabilite, une perte de toute estime de soi, l'impression d'etre un hypocrite (religieux a l'exterieur, perverti a l'interieur), le sentiment d'etre rejete de Dieu pouvant amener, dans certains cas, a de graves questions: si je suis tellement mauvais, me demandait quelqu'un il y a plusieurs mois, pourquoi continuer a prier et a mettre les tefillins?

Telle est la realite. Encore une fois, tout le monde le sait. Alors, a partir de la, il y a deux reactions possibles. La premiere, c'est d'insister sur les textes qui assimilent la masturbation a un meurtre, ou pire encore. A mon sens, c'est une grande erreur. Cela ne fait qu'augmenter la culpabilite des concernes, qui n'en ont reellement nul besoin.

La deuxieme reaction possible est celle que je preconise: appeler a garder une perspective equilibree des choses. Oui, la masturbation est interdite, mais ce n'est pas la faute la plus grave du monde (en comparaison, j'aimerais tant entendre des rabbins affirmer qu'un viol est equivalent a un meurtre!). Halakhiquement, la masturbation est un decret rabbinique selon la plupart des autorites. En pratique, le probleme se resout tout seul, avec le mariage. On peut encore faite techouva a ce moment-la.

Mon conseil a un garcon religieux est de faire le maximum pour respecter la halakha, dans ce domaine comme dans les autres. Mais, en cas d'echec, il ne faut en aucun cas se laisser aller au decouragement. Dieu continue de nous aimer, accepte notre Torah et nos mitsvot. A mes yeux, des sentiments exagerement negatifs sont plus destructeurs que l'acte lui-meme.

Dieu fasse que nous puissions sanctifier tous les aspects de nos vies selon Sa volonte!